La toulousaine Pascale Bouillé vient de décrocher 1,5 million d’euros pour le développement d’un vaccin contre le Covid-19. Par le biais de sa société de biotechnologie Flash Therapeutics, elle souhaite offrir l’un des premiers vaccins français à ARN.
Pascale Bouillé, quelle est la vocation de votre société Flash Therapeutics ?
J’ai fondé la société Flash Therapeutics en 2005 et, avec mon équipe, nous avons mis au point en 2015 la première technologie par ARN. C’est une technologie qu’on appelle Lentiflash. Le but de l’ARN est de stimuler le système immunitaire pour avoir une réponse d’anticorps efficace sur le long terme. Nous avons déposé notre brevet pour l’élaboration de cette méthode et sommes premiers à l’avoir fait. Nous pouvons donc dire que la France possède ce brevet.
En quoi consiste l’appel à projets Capacity Building, auquel vous avez participé et qui vous a permis d’obtenir une aide de 1,5 million d’euros de la part de l’État ?
Capacity Building a pour objectif de permettre à des sociétés de développer des technologies efficaces pour lutter contre le covid-19, et notamment créer un vaccin contre le SARS-CoV-2. Avec Flash Therapeutics, nous avons d’ailleurs été parmi les premiers à insister pour que l’État nous accompagne financièrement. Et nous faisons donc partie des lauréats.
“Je ne veux pas faire peur aux gens, mais il y aura d’autres virus comme celui-ci”
Et aujourd’hui, qu’en est il de ce vaccin ?
Le candidat vaccin contre le SARS-CoV-2 est produit et il est en cours d’évaluation sur des animaux. Il faut que l’on estime la quantité d’anticorps qui a été injectée dans l’animal et voir si elle est efficace. Dans quelques semaines, nous saurons si il en produit assez. Nous pourrons par la suite passer en essais sur des animaux plus importants, puis des humains. Notre objectif est de produire un vaccin courant 2022. Mais ce n’est pas tout. Beaucoup de chercheurs le disent : “attention, ce n’est que le début ”. Je ne veux pas faire peur aux gens, mais il y aura d’autres virus comme celui-ci. Il faut que nous ayons des capacités de production complètes contre ses prochains virus.
Des capacités de production, toujours par ARN ?
Le projet de Flash Therapeutics ne s’articule pas uniquement autour du covid-19. Nous avons reçu une aide de 1,5 millions d’euros de la part de l’État sur un total de 2 millions d’euros nécessaires, mais c’est bien plus. Nous allons aussi entamer des recherches pour le développement de l’ARN sur d’autres couches. Nous pourrons par exemple soigner des cancers par ARN.
Comment expliquer qu’aucun vaccin actuel contre le covid-19 ne soit français ?
En France, nous avons fait deux erreurs. La première est industrielle : nous n’avons pas développé les plateformes de bioproduction. C’est-à-dire que nous ne produisons quasiment que des médicaments chimiques et pas biologiques. La seconde est de ne pas avoir anticipé les nouveaux médicaments. Il n’y a pas assez d’innovations en France. Avoir des usines c’est bien, mais s’il n’y a rien à produire, elles ont beau être belles, ça ne servira pas. Si nous voulons assurer une souveraineté française, nous devons avoir nos propres médicaments.
“Ce sont les petites entreprises qui pensent le futur”
Vous pensez qu’on devrait donner plus de moyens ? Plus faire confiance aux petites sociétés comme la vôtre ?
L’Etat fait confiance aux grands groupes pharmaceutiques, or ce n’est pas ceux qui ont développé les vaccins les plus efficaces, ce sont les biotechnologies. Regardez Pfizer ou Moderna par ARN messager. Cela nous permettrait de valoriser la France. Chaque biotechnologie favorise le pays d’où elle est issue en matière de vaccins et c’est normal.
L’innovation est dans la recherche académique française. Ce sont les petites entreprises qui pensent le futur, il faut aller vite. Nous gagnons le match avec une équipe, pas avec de l’individualité. Il faut certainement plus d’argent dans la recherche française mais surtout penser différemment.
propos recueillis par Sarah Gilot
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