Le 29 juin, après neuf mois de travail, la Convention citoyenne pour le climat a remis ses 149 propositions au président de la République. Muriel Raulic, une technicienne lumière toulousaine a eu la chance d’être tirée au sort pour participer, comme 150 citoyens français, à cet exercice unique de démocratie participative.
Signal. L’été 2019 touche à sa fin. Muriel Raulic est sur son ordinateur. Elle est plongée dans un logiciel de montage vidéo quand une notification de SMS lui propose de participer à une convention citoyenne sur le climat. Par curiosité, sans mesurer l’ampleur que pourrait prendre cette invitation, elle répond favorablement. « Je ne savais pas de quoi il s’agissait et j’ai accepté sans m’en soucier plus que ça. Après tout on ne me demandait pas mes codes de carte bleue et je me suis dit que ça n’allait pas me péter à la figure », s’amuse cette technicienne lumière qui travaille, à Toulouse, dans le spectacle vivant.
Transformateur. Évidemment, le téléphone n’a pas explosé. Mais Muriel Raulic ne soupçonnait pas que la déflagration pouvait être d’un autre ordre. Une brutale prise de conscience. « J’ai reçu une vraie claque en écoutant certains spécialistes comme Valérie Masson-Delmotte, une paléoclimatologue. Avec les autres citoyens tirés au sort, nous avons découvert l’ampleur de la catastrophe climatique qui s’annonce. Nous nous sommes dit que les gens ne se rendaient pas compte, qu’ils dormaient (sur leurs deux oreilles) au quotidien et qu’il fallait absolument les faire bouger. Participer à cette convention a transformé mon regard sur le monde et l’avenir », témoigne celle qui venait alors d’être désignée pour dessiner les grandes lignes de la future politique environnementale du pays.
Interrupteur. Pourtant, cette intermittente du spectacle, qui a vécu un an sous un tipi, le reconnaît elle-même. Même si elle aime la nature et les randonnées en montagne, qu’elle se revendique anti-matérialiste et opposée au consumérisme, la défense de l’environnement n’a jamais été sa tasse de thé. Et l’acidification des océans, le réchauffement climatique ou l’effondrement de la biodiversité étaient, jusqu’à peu, des réalités un peu lointaines. « Je n’ai jamais voté écolo et je ne m’étais jamais engagée. Je n’avais pas le temps. Il faut bien l’admettre, si les choses ne viennent pas à moi, je ne vais pas les chercher de moi-même », confesse Muriel Raulic. Pour le coup, avec la Convention citoyenne pour le Climat, elle a été servie.
« Nous avons bossé comme des bêtes »
Éclairage. Au cours des neuf mois qu’aura duré sa mission, Muriel Raulic a participé à neuf week-ends de travail en commission, mais également avalé « trois milliards de documents », écouté une myriade d’experts, multiplié les conférences et, finalement, passé des centaines d’heures face à son ordinateur à suivre des visioconférences. « À force d’échanger avec des gens avertis, je me suis fait mal au cerveau. Ce n’était pas une simple discussion autour d’un repas de famille ! Nous avons bossé comme des bêtes », assure-t-elle.
Coulisses. Même s’il a fallu, par moment, se bagarrer un peu. « Parfois, j’avais l’impression de faire partie du Club Med avec des animateurs légèrement condescendants qui nous interrompaient à longueur de journée. Il est arrivé, par exemple, que l’on perde plus de 20 minutes à se répartir par groupes entre ceux qui étaient contents, neutres ou pas contents », s’agace la technicienne qui a dû rappeler les organisateurs à l’ordre : « Ce n’est plus l’heure de jouer à ‘’1, 2, 3 soleil’’. Il y a une urgence climatique ! ».
« Être investie de ce pouvoir de changer les choses, c’est merveilleux. »
Résistances. Et, surtout, ne jamais baisser la garde. « Nous devions être vigilants lors de la rédaction de nos propositions pour qu’elles ne soient pas déformées par les légistes, des spécialistes du droit qui nous accompagnaient pour la formulation des textes. Et sur certains sujets, nous sentions que l’on nous coupait un peu l’herbe sous le pied », regrette Muriel Raulic. Mais, malgré ce constat, celle-ci ne perd rien de son optimisme et de son enthousiasme : « C’est une expérience extraordinaire. Être investie de ce pouvoir de changer les choses, c’est merveilleux, grandiose. » Et, elle en est sûre, cette « flamme » qui s’est allumée en elle n’est pas prête de s’éteindre.
Poursuite. « Évidemment, je vais continuer le combat. Je suis déjà en train de cogiter à la manière de prolonger cet engagement, par exemple par le biais de spectacles. Je me dis qu’il faut absolument éveiller tout le monde et ne pas se contenter des 150 citoyens de la convention », lance la nouvelle militante. Et, comme tous les récents convertis, Muriel Raulic a tendance à prêcher avec un excès de foi. Ce qui a le don, selon elle, de « saouler » ses proches. « Ma mère et ma fille commencent à me dire qu’elles ne veulent plus entendre parler du climat. » Mais pas de quoi décourager Muriel Raulic qui en est désormais convaincue : « Il est urgent d’ouvrir les yeux ! »
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