Manque de soutien et de reconnaissance, tâches trop complexes et responsabilités trop lourdes… À l’approche des municipales, de nombreux maires de petites communes hésitent à se représenter, quand d’autres ont carrément pris le parti de jeter l’éponge. Une crise de vocation dont se sont emparés les parlementaires. Le Sénat vient d’approuver, ce mardi 22 octobre, une proposition de loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. Dans un élan citoyen, le JT a recueilli les voix de ceux qui oeuvrent à revaloriser la fonction.
©KevinFiguierUn maire sur deux ne souhaite pas se représenter aux élections municipales de 2020. C’est le constat de l’Observatoire de la démocratie de proximité suite à une enquête menée en 2018 auprès de quelque 35 000 édiles de France. Si ce chiffre préfigure un renouvellement générationnel et une vitalité certaine de la démocratie locale, il est également le signe d’une crise des vocations. « Surtout dans les petites communes rurales de moins de 500 habitants, qui constituent 53 % des municipalités », relève Luc Rouban, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Car, comme il le souligne, la gestion d’un village n’a rien de comparable avec celle d’une métropole : « Les maires de villes de plus de 9 000 âmes sont de réels professionnels de la politique. A l’inverse, les autres se débattent avec leurs propres moyens. » Ainsi, 55 % des maires de petites communes envisagent d’abandonner leur mandat, contre 9 % celles de plus de 30 000 habitants.
Pour expliquer cette désertion des conseils municipaux, l’enquête “Les maires de France : entre résignation et incertitude” relève plusieurs facteurs. L’âge bien sûr : la plupart des partants affichent une moyenne de 65 ans. Le nombre de mandats ensuite : 63 % d’entre eux en sont à leur troisième exercice. Et le désir de se consacrer à leur vie personnelle, dont la négligence traduit l’investissement pour la fonction. « Un véritable sacerdoce » diront certains édiles.
« Pris entre le marteau que représente l’administration et l’enclume des citoyens »
Pour les autres, le renoncement à l’écharpe est le résultat d’une accumulation de difficultés institutionnelles, financières et humaines. « Ils doivent sans cesse jongler entre la nécessité de trouver des recettes pour la commune, en raison de la baisse des dotations, et la volonté de satisfaire leurs administrés », note Luc Rouban. Les maires des petites municipalités ont ainsi confié à l’Observatoire de la démocratie de proximité se sentir abandonnés par l’État dans cette tâche. « Ils sont pris entre le marteau que représente l’administration et l’enclume des citoyens », précise le sociologue.
Des administrés de plus en plus exigeants, qui développent un rapport consumériste à leur édile, une relation entre habitants-contribuables et maire-fournisseur de service. « Je paye des impôts donc j’exige ! C’est la volonté d’une nouvelle population, issue de milieux urbains et diplômée, qui vient grossir les villages », commente Luc Rouban. Une pression dont se plaignent les maires, car, ils n’ont pas toujours la main sur les décisions qui touchent au quotidien des habitants.
« L’impression de ne faire office que d’agent de l’état civil »
Depuis la loi NOTRe, en 2015, de nombreuses compétences ont été transférées des communes aux intercommunalités comme la voirie, l’éclairage public, l’eau, l’assainissement… « Des mesures que les maires ressentent comme une dépendance à une collectivité dirigée par les plus grosses municipalités et dont ils sont les oubliés », précise le sociologue. « Ils ont aujourd’hui l’impression de ne faire office que d’agent de l’état civil », et dénoncent une politique de recentralisation menée depuis 2012.
Sources : Centre de recherches politiques de Sciences Po et Association des maires de France
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