Fils de pub. La rentrée scolaire est aussi une affaire de gros sous. Jusque dans les trousses, il est difficile d’échapper à l’influence des marques. Expert en marketing et sociologue de l’enfance sont d’accord pour dire que cela n’incite pas vraiment à adopter des réflexes écolo…
Benoit-Heilbrunn, professeur de marketing à l’ESCP Europe business school @ DR
L’école est le lieu idéal pour fidéliser de futurs clients. Les marques, qui l’ont bien compris, y sont incontournables, de la basket jusqu’au taille-crayon : « Le marché des fournitures scolaires est paradoxal, car il concerne des objets fonctionnels tout en étant investi d’une forte dimension émotionnelle par les enfants et les ados. Le rôle des marques est justement d’émotionaliser les produits, d’où le recours fréquent — et facile — à la licence », expose Benoît Heilbrunn, professeur de marketing à l’ESCP Europe business school. C’est ainsi que le petit sac à dos que les parents achètent en première section de maternelle se retrouve estampillé d’un personnage de dessin animé, Reine des neiges ou Pat’ Patrouille.
Avec le temps, les élèves sont de plus en plus attachés à ces signes distinctifs : « Au collège, ils effectuent un remaniement identitaire lié à l’adolescence, ils veulent montrer qu’ils appartiennent à un groupe spécifique et qu’ils ont grandi. Les fournitures scolaires sont un moyen comme un autre. Et si les parents les leur imposent, cela les repositionne dans un statut d’enfant », indique Catherine Pinet, sociologue. Dans les cours de lycées, leurs logos sont tout aussi nombreux, mais plus diversifiés : « Ils ont une quasi-liberté organisationnelle et sont devenus prescripteurs. Surtout sur les objets ayant une fonction d’identification, ceux que l’on donne à voir, comme le cartable, la trousse ou l’agenda. »
Catherine Pinet, sociologue spécialiste de l’enfance @ DR
Des choix influencés par un matraquage promotionnel permanent. En France, depuis 2018, la publicité dans les programmes pour les enfants de moins de 12 ans sur les chaînes du service public est interdite. Tout comme le placement de produits dans les œuvres cinématographiques, les fictions audiovisuelles ou les clips vidéo qui leur sont destinés. De bien maigres restrictions en comparaison du nombre de réclames auxquels ils sont exposés quotidiennement.
Parmi ses autres caractéristiques, l’expert en marketing Benoît Heilbrunn estime que le secteur des fournitures scolaires « est totalement pollué par les ravages de la fast fashion qui instille l’idée qu’il faut changer d’affaires de classe une fois, voire plusieurs fois par an. Tels sont les effets ravageurs de la rotation liée à l’idéologie de la mode. » Un phénomène peu compatible avec les principes du développement durable. Catherine Pinet ajoute que « si la marque des feuilles ou des cahiers leur importe moins, quand on regarde les pratiques des jeunes, les considérations écologiques n’y sont pas fondamentales. Cela les intéresse, mais pas au point d’abandonner leurs habitudes de consommation. Ceux qui militent pour l’environnement ne sont pas représentatifs de l’ensemble », est bien obligée de constater la sociologue spécialiste de l’enfance. Elle observe en revanche un engagement bien plus important à la sortie de l’école, chez les jeunes adultes, les étudiants. Preuve que « la prise de conscience a besoin de temps. »
Bio : Catherine Pinet est docteur en sociologie de l’enfance et consultante en marketing. Benoît Heilbrunn est professeur de marketing à l’ESCP Europe et consultant en stratégie de marque.
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