Claude Bontempi cherchait un repreneur pour son exploitation agricole. Dimitri Lobera cherchait une ferme à vendre pour s’installer. Leur rencontre s’est avérée fructueuse. L’histoire d’une transmission réussie, sur les hauteurs de Castelnau-d’Estrétefonds.
Claude Bontempi et Dimitri Lobera ® Franck AlixJuché sur un grand tracteur bleu, Dimitri Lobera s’apprête à creuser des tranchées pour enterrer les tuyaux permettant d’acheminer l’eau jusqu’aux serres. Quatre large tunnels de bâches blanches sous lesquelles vont être plantées des fraises en janvier prochain. C’est la toute nouvelle culture que le jeune agriculteur lance sur ses terres. « Une manière de diversifier les activités de l’exploitation sur laquelle nous cultivons déjà 140 hectares de céréales et 12 hectares d’asperges », précise-t-il. Une décision prise en tant que cogérant de la société civile d’exploitation agricole (SCEA) qu’il dirige désormais, avec son associé Arnaud Bontempi. Un statut qu’il a acquis en mai 2018 lorsqu’il a acheté 50 % des parts de Claude Bontempi, jusqu’alors exploitant exclusif de la SCEA. C’est à son départ à la retraite que ce dernier a choisi de passer la main à son fils Arnaud et à son employé agricole Dimitri. « Je suis né en 1945, il était temps de m’arrêter », ironise-t-il.
La transmission, il y pensait depuis un certain temps : « J’ai tenté de vendre une première fois, mais je n’ai reçu que des propositions de l’étranger qui sentaient l’arnaque ou bien des gens qui n’ont fait qu’une seule visite. Rien de sérieux. » Après une pause dans ses recherches, voyant le temps passer, Claude Bontempi a décidé de les relancer. De potentiels acquéreurs, originaires des Hauts-de-France, se sont manifestés. Les négociations allaient bon train, quand… Plus de nouvelles. Encore un échec. « De quoi se décourager », confie-t-il.
« Quand on a la tête dans le guidon, c’est rassurant de savoir que mon prédécesseur est là »
Et lorsque son ancien employé lui annonce qu’il quitte l’exploitation pour s’installer à son compte, l’exploitant doit lui trouver un remplaçant. Ce qui aurait pu se transformer en souci supplémentaire se révèlera être une chance. L’une de ses connaissances lui parle d’un jeune stagiaire cherchant du travail. C’est ainsi que Dimitri Lobera intègre, en tant que salarié, la SCEA. Deux ans plus tard, après avoir éprouvé sa motivation et ses compétences, Claude Bontempi avait trouvé son successeur. « Il savait tout ce qu’il devait savoir pour reprendre les rennes. Je l’ai formé petit à petit. Maintenant je peux me retirer », lance-t-il.
Mais l’agriculteur, désormais à la retraite, est toujours dans les parages. « Non pas pour surveiller mais pour aider, car la conjoncture actuelle lui est défavorable », explique-t-il. « Le cours des céréales, qui constituent 50 % de notre chiffre d’affaires, est instable, même souvent à la baisse. Ceci s’ajoute aux périodes de sécheresse… Il est difficile de s’en sortir. Les ventes des fruits et légumes au marché-gare de Toulouse trois fois par semaine nous permettent tout juste d’être à l’équilibre », explique Dimitri Lobera, sous l’œil approbateur de son prédécesseur.
Alors, toute aide est la bienvenue. Qu’elle soit physique ou morale. « À mon époque, il suffisait de travailler, d’être vaillant, pour que l’exploitation fonctionne. Maintenant, il faut réfléchir. Il faut sans cesse s’interroger, prendre du recul sur les situations, trouver des alternatives face aux obstacles », constate Claude Bontempi. Son jeune successeur le concède : « Quand on a la tête dans le guidon, c’est rassurant de savoir qu’il est là. Il me conseille, me guide. »
« Je me nourris de ses recommandations… Tout en assumant mes décisions »
Une transmission sous le signe de la bienveillance donc, sans anicroche. Certes, il y aura bien eu quelques remarques, des discordances. « Des discussions » comme les appelle le septuagénaire. Notamment en termes d’organisation de travail, de recherche d’efficacité. « Je me nourris de ses recommandations… Tout en assumant mes décisions », résume Dimitri Lobera. L’expérience au service de l’audace de la jeunesse.
Une complémentarité qui porte ses fruits et qui a permis au jeune agriculteur de 26 ans de s’installer, sous la houlette d’un mentor, et à l’agriculteur à la retraite de se retirer en douceur des affaires. « Je suis fatigué. J’ai envie de passer à autre chose… Il est prêt maintenant », estime Claude Bontempi. « J’ai confiance ! » Un sentiment qu’il nourrit à l’égard de son successeur depuis longtemps – allant jusqu’à lui accorder un crédit vendeur lors de l’achat des parts. Et qui semble être réciproque : « Claude a été d’une aide précieuse et ses conseils m’ont permis de faire les bons choix », conclut Dimitri Lobera. Faisant ainsi d’une simple rencontre professionnelle entre deux exploitants, une transmission quasi-familiale et une belle aventure humaine.
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