À deux jours du second tour des municipales, qui s’annonce extrêmement serré à Toulouse entre Jean-Luc Moudenc et Antoine Maurice, le Journal Toulousain a rencontré les deux prétendants au Capitole pour faire le bilan d’une campagne extraordinaire en tous points et évoquer leur état d’esprit. Après la tête de liste d’Archipel Citoyen, c’est au tour de Jean-Luc Moudenc, maire sortant, de nous accorder sa dernière interview de campagne.
Comment jugez-vous la campagne qui s’achève ?
Du fait de la crise sanitaire, celle du second tour a duré un mois au lieu de cinq jours. Très longue, elle a aussi été très médiatisée. La presse a joué un rôle important et a permis une bonne information des Toulousains. Bien meilleure que lors de la campagne du premier tour, où j’ai senti qu’ils étaient peu intéressés. C’est dû aussi au grand nombre de listes en présence, il y en avait 12, ce qui a donné peu de lisibilité au scrutin.
Votre campagne aussi a évolué entre ces deux tours
Oui, je me suis aperçu, en analysant les premiers résultats, que j’avais fait une campagne essentiellement positive, autour d’un projet avec beaucoup de propositions très travaillées. Et cela a peu motivé l’électorat. J’ai constaté, et je me le reproche rétrospectivement, que je n’avais pas suffisamment informé les Toulousains des dangers des propositions de mon principal adversaire. Ce que j’ai fait lors d’une prise de parole solennelle, dès qu’a sonné l’heure de la campagne du second tour. Cela en a étonné certains, qui se disaient qu’ils m’avaient connu plus modéré. Le camp d’en face a fait croire que c’était de la fébrilité, ce qui est vraiment ne pas connaître mon caractère. Quand j’ai vu qu’il réagissait comme ça, je me suis dit que j’avais mis le doigt là où ça fait mal.
C’est à dire ?
Je pense avoir révélé le leurre d’Archipel, qui a bien fonctionné au début. Une tactique très maline, habile, qui porte la marque de l’extrême gauche : celle du cheval de Troie. La nuit, des hommes armés sortent du cheval pacifique arrivé dans l’après-midi. Ce cheval de Troie s’appelle Antoine Maurice et, à l’intérieur, c’est Monsieur Manuel Bompard (député européen France Insoumise, Ndlr) qui tire les ficelles. Nous avons fait découvrir depuis aux Toulousains beaucoup de choses, et la prise de conscience se fait progressivement. Je ne suis pas sûr qu’elle soit parachevée à l’heure où cet entretien m’est accordé, mais elle est en cours.
Beaucoup vous ont accusé alors de faire une campagne trop à droite…
Une attaque qui me fait doucement rigoler et qui montre que l’adversaire n’a pas d’argument. On me taxe d’ultra-droitier parce que j’ai retiré le masque d’Antoine Maurice. Et parce que nous sommes la seule liste qui fait des propositions fortes en matière de sécurité. À l’inverse du désordre du parti pirate qui soutient Archipel, nous assumons d’être pour l’ordre public. Car il est partie prenante de l’ordre républicain et social. C’est lui qui protège les plus faibles.
Dimanche, les électeurs devront donc choisir entre deux programmes radicalement différents
Lors des précédentes élections, nous assistions à des affrontements, grosso modo, entre le centre droit et les socialistes, qui avaient toujours quelques projets communs. Cette fois-ci, le Parti Socialiste est marginalisé, pour la première fois depuis plus d’un siècle, et l’on assiste à l’émergence de forces alternatives et un changement de nature de l’opposition. Désormais ouverte à l’extrême gauche, son programme est beaucoup plus radical. Il signe la fin du consensus qu’il pouvait y avoir entre la droite et la gauche sur certains grands projets, comme la LGV, la troisième ligne de métro, le plan routier, le nouveau parc des expositions ou l’économie aéronautique. Aujourd’hui, quelqu’un vient d’émerger qui est en train de remettre en cause toute cette ambition pour Toulouse, tissée au fil du temps.
La crise économique et sociale à venir a-t-elle changé l’ordre de vos priorités programmatiques ?
Oui, il y a une nécessaire réorientation. La première des batailles est désormais celle de l’emploi. Alors que nos adversaires prévoient de multiplier les assises, de faire une pause, nous considérons au contraire que, dans la quatrième ville de France, le temps de la réflexion se fait avant l’élection et qu’après il faut agir. Nous proposons ainsi de maintenir et même d’accélérer les grands projets. L’investissement public donnera du travail aux entreprises et permettra à des jeunes d’avoir des perspectives d’activité sur le territoire.
Sur quelles réserves de voix pouvez-vous compter ?
Il y aura sans doute beaucoup d’électeurs de la gauche responsable, qui ont voté pour Nadia Pellefigue au premier tour. Je pense aussi que des gens avaient voté pour Archipel au premier tour uniquement pour sonner l’alarme de l’écologie. D’autres se sont aperçus de la présence d’éléments d’extrême gauche dans cette liste et sont aujourd’hui dans l’interrogation. Une autre réserve de voix considérable se trouve dans notre électorat naturel, dont une partie a eu peur d’aller voter au premier tour, compte tenu de la crise sanitaire. Enfin, nous devons pouvoir compter sur une partie de ceux qui avaient choisi d’autres listes. Car mon projet est fédérateur. Il consiste à dire : « Continuons d’être ambitieux pour Toulouse, ce n’est pas parce qu’il y a une crise qu’il faut renoncer ».
Quel est votre état d’esprit, à quelques heures du second tour ?
Je suis serein, compte tenu du travail de terrain que nous avons accompli ces dernières semaines. Je suis confiant dans le fait qu’à la fin des fins, les Toulousains feront le choix de la solidité, de la vérité et du sérieux. Le choix de la compétence plutôt que celui de l’inconnu. Ils ne vont pas prendre de risque à la veille d’une crise sociale d’une énorme violence. Ils s’appliqueront à eux même le principe de précaution.
Qu’avez-vous prévu de faire si vous n’êtes pas réélu ?
D’abord, j’assumerai jusqu’au dernier jour mes responsabilités de maire et de président de la Métropole. Après, ma vie changera. Elle a été essentiellement consacrée aux autres. Ce sera le temps de penser à moi, à ma famille et à ma profession. Je reprendrai à temps plein mon poste de contrôleur général des finances. Et je ne dirai pas adieu à la politique, puisque je serai toujours élu d’opposition.
Et si l’on vous propose à ce moment-là un siège au gouvernement ?
Dans l’hypothèse où je suis battu, je ne crois pas une seconde qu’on puisse me faire une telle proposition.
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