Philippe Perrin, conseiller municipal délégué au vélo et à la voirie, et vice-président de Toulouse Métropole en charge de la politique vélo, a été convoqué le 13 septembre dernier par Jean-Luc Moudenc, comme le révélait La Dépêche du Midi. Le premier annonçant sa volonté de quitter le groupe de la majorité municipale. Le second recadrant son élu dans sa délégation. Y a-t-il mésentente entre les deux hommes ? Philippe Perrin s’estime-t-il trahi ? Ses attentes politiques sont-elles déçues ? Les réponses de l’intéressé.
Le Journal Toulousain : lors de votre entretien avec Jean-Luc Moudenc, il vous a été demandé de rester à votre place. Pourquoi ?
Philippe Perrin : J’ai répondu à une convocation du maire, qui m’a expliqué que j’avais une parole trop ouverte. Il m’a demandé de restreindre mon champ d’activité, notamment quand je m’intéresse aux politiques environnementales. C’était un réajustement de trajectoire. Il m’a intimé de rester dans ma délégation, celle du vélo et de la voirie.
Mais, il y a deux ans, quand j’ai rencontré Jean-Luc Moudenc, c’était pour lui proposer un projet environnemental global. Et lui m’avait affirmé sa volonté d’agir face à l’urgence climatique. Il disait vouloir changer de politique et compter sur moi pour ce faire. D’ailleurs, je travaille avec lui, depuis plusieurs années, pour lui donner des impulsions écologiques, notamment sur la rénovation énergétique des bâtiments et la politique vélo. Je l’ai également poussé à la piétonisation en 2008. C’est pour cela que j’ai accepté de me présenter à ses côtés. Et beaucoup de Toulousains ont fait confiance à Jean-Luc Moudenc en voyant mon nom sur sa liste électorale.
Malheureusement, une fois élu, je n’ai pas été en charge de l’environnement. On m’a demandé de m’occuper du vélo et de la voirie. Ce que j’ai fait très sérieusement. Je me suis beaucoup impliqué. Mais j’ai pensé que Jean-Luc Moudenc m’avait intégré à son équipe pour être un conseiller environnemental dans le groupe majoritaire. Majorité à laquelle j’adhère totalement d’ailleurs dans les autres domaines. Toutefois, en termes d’écologie, je pensais donc avoir droit au chapitre. J’ai alors continué à exprimer mes points de vue sur l’urbanisation, en précisant que cette dernière devait être freinée à Toulouse. Sur l’énergie, en prônant le développement de l’électrification du parc automobile sur lequel nous sommes très en retard. Sur la mobilité, en demandant plus de parc-relais pour limiter la voiture en ville. Sur la collecte des biodéchets et la méthanisation…
Jean-Luc Moudenc connaissait mon implication sur tous ses sujets, sur lesquels j’ai eu un rôle de militant pendant la campagne électorale. Pourtant, le maire m’a dit que j’en faisais trop et que ce n’était pas ma place. Ma responsabilité étant la voirie et les vélos uniquement.
Comment réagissez-vous à ce “rappel à l’ordre” ?
Si dans le cadre municipal, je ne peux pas m’exprimer, je préfère siéger en indépendant. J’ai donc informé le maire de ma volonté de quitter le groupe Aimer Toulouse. Je voterai, comme un seul homme, tous les projets de cette équipe auxquels je crois. Mais je veux garder ma liberté d’expression. Sans que le cabinet du maire contrôle ce que je dis.
Quand j’ai rejoint Jean-Luc Moudenc, je savais très bien que je ne rejoignais pas Nicolas Hulot. Et lui savait très bien qui j’étais et quels étaient mes combats. Il n’y a donc aucune surprise. En revanche, je me suis engagé à ses côtés pour faire bouger les lignes, et je pensais qu’il le souhaitait également…
Avez-vous alors le sentiment d’avoir servi de faire-valoir ?
Oui, totalement. J’ai servi la campagne électorale et maintenant, ce serait pratique de me renvoyer à ma retraite. Mais je suis désormais élu et je compte bien siéger, car quand les Toulousains ont voté, ils ont vu un projet écologique attaché à ma personne. J’ai participé à la victoire. Je veux garder mon fauteuil au Conseil municipal et à la Métropole pour honorer mon engagement auprès des électeurs. De plus, je suis en très bon terme avec les élus de la majorité. D’ailleurs, nombre d’entre eux m’ont apporté leur soutien.
Mais si Jean-Luc Moudenc venait à vous retirer votre délégation municipale…
Pour l’instant, rien n’est fait, contrairement à ce qui a pu être dit dans les médias. Mais si c’était le cas, je m’y conformerais. Finalement, le plus important pour moi étant de garder la vice-présidence à la métropole… Car, au conseil communautaire, c’est une grande coalition qui gouverne avec des forces du centre, de droite et de gauche dans laquelle je me sens bien. J’ai un passé social très fort et j’ai un positionnement peut-être plus à gauche que je ne le pensais… Ainsi, je suis plus à l’aise dans la majorité communautaire que dans la majorité municipale. La première étant peut-être plus encline à entendre l’urgence climatique. Quand la seconde est freinée par la doxa du cabinet.
Quant à la métropole, Jean-Luc Moudenc peut mettre au vote communautaire mon remplacement en tant que vice-président à la mobilité… Mais je ne pense pas que cela soit dans son intérêt. Ce serait un acte de défiance envers les Toulousains. De plus, cela ne m’empêcherait pas de siéger et d’autres groupes politiques seraient prêts, je pense, à m’accueillir.
En résumé : je ne claque pas la porte, mais je veux garder ma liberté de parole, donc je me déclare indépendant. Et je me tiens à disposition du président de la Métropole pour lui construire un plan d’aménagement vélo…
Sur le fond, en quoi n’êtes-vous pas en phase avec la majorité municipale que vous souhaitez quitter ?
Je précise d’abord que je n’ai rien contre les élus, ils ne font qu’appliquer ce qu’on leur demande. En réalité, je ne partage pas la politique qu’ils doivent mener. Elle n’est pas assez globale. Par exemple, concernant la mise en place de la ZFE (Zone à faibles émissions, NDLR). J’ai très tôt exprimé à Jean-Luc Moudenc mon inquiétude sociale. D’abord, parce que ce projet vise en priorité les véhicules affichant une vignette Crit’air 4 et 5, c’est-à-dire les gens en difficulté financière, qui n’ont pas les moyens de changer leur voiture. Ensuite, parce que la ZFE va être opérationnelle avant même les propositions alternatives comme la multiplication des parkings relais ou l’installation massive de bornes électriques. Ainsi, les gens sont pris en otage par cette mesure. J’ai donc refusé de signer les arrêtés de la ZFE.
Ne craignez-vous pas une mise au placard ?
Effectivement, je m’apprête à recevoir beaucoup de seaux sur la tête… Mais j’ai fait un choix et je l’assume. En tant qu’ancien militaire, j’ai fait la guerre du Golfe… Plus rien ne me fait peur ! Quand je crois en quelque chose, je le défends et rien ne peut m’en dissuader. Et c’est le cas pour l’urgence climatique. Il existe plein de solutions. Les Toulousains les attendent. Il faut faire vite. Et la majorité municipale n’est pas assez rapide. Le meilleur exemple étant la construction du quartier Montaudran. Ce projet est bon, incluant des habitats de qualité, de la végétalisation, des pistes cyclables, des transports en commun… Mais aucune installation de borne électrique pour recharger les voitures n’est prévue dans la Zac. On ne peut pas tolérer cela.
Alors, on peut me mettre au placard… de la politique. Mais de la politique uniquement. Car je resterai toujours un militant de l’écologie, un influenceur, qui fera entendre sa voix. La politique n’est pas ma vie.
Est-ce qu’aujourd’hui vous êtes déçu ? Est-ce que vous estimez avoir été trompé ?
J’étais déçu dès le lendemain de l’élection de Jean-Luc Moudenc. J’ai fait la campagne municipale en 9e position. Et au premier conseil municipal, j’ai appris, en séance, que j’étais déclassé à la 23e place et que je ne serais donc pas adjoint au maire. J’ai également été informé que je devenais conseiller à la voirie et au vélo. Mon nom a servi durant la campagne, on m’a fait espérer des responsabilités environnementales, mais dès que la majorité a été mise en place, on m’a retiré mes prérogatives. Tout le monde s’attendait à ce que j’hérite de l’écologie et personne n’a compris. Étant un garçon sérieux et loyal, j’ai accepté et j’ai travaillé d’arrache-pied pour ma délégation. Bon gré, mal gré, j’ai fait le job.
Mais qu’on me convoque, au bout d’un an, pour me dire que je parle trop, alors s’en est trop ! C’est la fin du contrat moral. Idéologiquement, ma position est insupportable ! J’ai un grand sens de la fidélité, mais je suis rentré en politique pour faire de l’écologie et si je ne peux pas en faire, cela ne me convient plus. Même, je me suis engagé auprès des Toulousains pour défendre l’environnement. Si je ne le fais pas, je deviens le plus grand des escrocs. Pire, cela voudrait dire que Jean-Luc Moudenc s’est servi de moi pour faire croire aux Toulousains qu’il allait faire de l’écologie…
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