ToulouseFactChecking – Les élus Europe écologie-les Verts de la métropole estiment injustifiées les hausses de tarifs appliquées par Tisséo depuis le début du mois de juillet. Le syndicat mixte des transports en commun toulousain affirme de son côté suivre un calendrier fixé de longue date…
© Tisseo
Dix centimes de plus pour se payer un ticket unitaire et un euro de plus pour l’abonnement mensuel. Ticket 10 déplacements, pass journée, ticket Tribu ou solidaire, Tisséo a revu tout ses tarifs à la hausse. Des augmentations, indexées sur l’inflation, qui ont été votées le 29 mars 2017 à l’unanimité des membres du conseil syndical de Tisséo, donc notamment par le représentant d’Europe écologie-les Verts Henri Arévalo. Cela n’empêche pas le conseiller métropolitain EELV Régis Godec de s’étonner dans un communiqué de cette évolution tarifaire, dans la mesure où « on constate déjà une augmentation annuelle de 15 millions d’euros des recettes commerciales de Tisséo, liée à l’augmentation des tarifs appliquée en 2016 ».
Lorsque l’on fouille sur le site Internet de l’opérateur de transports toulousain, on trouve ses bilans financiers qui corroborent, en année pleine, le chiffre avancé par les Verts. En revanche, il apparaît que cette augmentation est autant le fait de la hausse tarifaire de 2016 que de celle de la fréquentation, qui a progressé de 173 millions de passagers en 2014 à 183 millions l’an dernier.
Le problème pour le groupe d’opposition, c’est que « dans le même temps, la progression de l’offre est gelée depuis 2014 ». Or, les chiffres de Tisséo montrent au contraire que, sur cette période, huit nouvelles lignes ont vu le jour (les bus Linéo) pour 1 million de kilomètres parcourus supplémentaires, de 34,1 à 35,1 millions. La stagnation de l’offre globale avancée par Europe écologie-les Verts est due en réalité à l’interruption du métro pendant cinq semaines l’an dernier.
En toute logique, cette offre devrait donc fortement augmenter en 2019, lorsque le chantier d’allongement des stations de la ligne A sera achevé. Jean-Michel Lattes, le président de Tisséo, ajoute qu’une réduction de l’offre ne serait pas passée inaperçue auprès des élus des petites communes : « Si je leur avais annoncé des coupes, j’aurais été pendu en place publique ! »
Le transporteur fait aussi valoir, pour justifier la hausse continue de ses tarifs, qu’il doit penser à l’avenir. Endetté à hauteur de 1,4 milliards d’euros, il devra financer en partie les 3,9 milliards d’euros d’investissement prévus d’ici 2030, notamment pour la troisième ligne de métro. Le président de Tisséo rappelle en outre que les titres de transports sont quasiment bradés, compte tenu du montant des subventions publiques : « Pour un ticket à 1,70 euro, le coût réel d’un déplacement dans la ville est de 3 euros, de 5 euros pour aller à Balma ou de 13 euros jusqu’à Brax ! » Enfin, les tarifs de Tisséo se situent dans la moyenne de ceux des réseaux de transport en commun des grandes métropoles françaises. Ce sont même les moins élevés s’agissant des seniors et des demandeurs d’emploi.
Je vous remercie pour le travail que vous faites en matière de vérification des données du débat public. En effet, beaucoup de débats politiques locaux se limitent à une présentation des assertions des acteurs locaux et à la confrontation d’arguments. Sur un grand nombre de sujets le recours aux données du débat permet pourtant de vérifier les propos des acteurs du débat et enrichissent le débat démocratique. J’apprécie par conséquent que vous ayez choisi d’aborder la question des transports publics et de vérifier nos affirmations sur l’évolution de l’offre de transports.
L’analyse des chiffres-clés de Tisséo 2017 permet de constater que la progression de l’offre de transports à Toulouse est quasiment gelée, et ce depuis 2014. La progression de l’offre kilométrique sur le réseau s’établit à +3% à ce stade du mandat, alors qu’elle a été de +25% entre 2008 et 2014. Et pour raisonner à période équivalente, constatons que cette même offre kilométrique avait progressé de près de 4 millions de km durant les 4 premières années du précédent mandat (de 27,3 à 31,2), tandis qu’elle n’a gagné qu’un million de km entre 2014 et 2017 (de 34,1 à 35,1).
Cette stagnation de l’offre pourrait se vérifier dans les données de Tisséo ligne par ligne. Elle n’est malheureusement pas publique, ce qui est regrettable car cette analyse rigoureuse permettrait de démontrer que la fréquence et l’amplitude horaire sont dégradées sur le réseau Tisséo afin de permettre le passage de certaines lignes en Linéo.
Vous affirmez par ailleurs dans votre article que « la stagnation de l’offre globale est due en reìaliteì aÌ l’interruption du meìtro pendant cinq semaines l’an dernier. » C’est là une interprétation largement erronée. Car s’il est exact que les travaux de doublement de la ligne A ont entraîné une interruption de service qui se poursuit d’ailleurs cet été, avec un impact mécanique sur l’offre kilométrique globale du réseau, ces travaux n’ont débuté qu’en 2017, et ils ne font perdre que 0,3 point à cette offre sur le réseau de métro (de 8,5 millions de km en 2016 à 8,2 millions en 2017). Notons d’ailleurs que ces travaux nécessitent des kilomètres commerciaux supplémentaires sur les réseau de bus et de tramway pour compenser l’absence de la ligne A.
Par ailleurs, dans l’augmentation de l’offre kilométrique, vous omettez de prendre en compte l’intégration en 2016 des 8 lignes de bus du réseau de Colomiers au réseau Tisséo, et l’intégration du réseau de Muret… Omission également faite par Tisséo dans sa propre communication, alors que cette intégration a nécessairement contribué à gonfler de manière artificielle son offre kilométrique. Vous pourrez constater ainsi à la lecture de l’infographie ci-jointe que la dynamique de l’évolution de l’offre n’est plus la même depuis 2014.
Pour l’avenir, vous laissez supposer que les travaux actuellement en cours sur la ligne A occasionneront une augmentation significative des kilomètres commerciaux de Tisséo. Cela serait assez surprenant en vérité. D’une part parce que l’opérateur ne prévoit un achat de rames que pour une augmentation de 20 % de la capacité en heure de pointe, et d’autre part parce qu’il n’est pas démontré qu’il y aura une augmentation des kilomètres commerciaux lors de la mise en service. Pour leur part, les élus écologistes constatent sur la base des bilans fournis par Tisséo, non sur les hypothèses de développement du réseau issues de la communication de Tisséo.
Concernant l’évolution des recettes, vous mentionnez dans votre article le fait que nos chiffres liés à l’augmentation des recettes ne tiennent pas compte de l’augmentation du nombre de voyageurs. Vous avez raison sur ce point, mais ces recettes supplémentaires sont incontestables et permettraient, selon nous, de ne pas augmenter les tarifs en 2018. Prenons néanmoins votre argument en compte et évaluons la part qui revient à chaque voyage en isolant l’effet augmentation du trafic.
Si l’on regarde attentivement l’évolution des recettes et des validations, on peut constater :
– En 2017, 85 M€ de recettes d’exploitation pour 183 millions de validations, soit une recette moyenne de 0,4645 cts/validation (ou 0,65 par déplacement).
– En 2016, 78 M€ de recettes d’exploitation pour 180 millions de validations, soit une recette moyenne de 0,4333 cts/validation.
Nous voyons ainsi que la recette par validation a augmenté de 7,19 % entre 2016 et 2017, et qu’elle augmentera de 15 % sur une année pleine (application de la réforme tarifaire courant 2016).
Pour finir, votre article conclut sur des propos de Monsieur Lattes qui n’ont rien de factuels, mais qui dénotent en vérité une divergence d’appréciation sur le service public. Monsieur Lattes mentionne l’écart qui subsiste entre le coût d’un déplacement et le tarif acquitté par l’usager… Un argument qui justifie ce qu’il nie par ailleurs, à savoir qu’il y a derrière cette limitation de l’offre et cette augmentation des tarifs une volonté de rapprocher le service de la rentabilité.
Nous pouvons débattre de ces options, mais pour notre part nous continuons de considérer que l’offre public de mobilité doit permettre de compenser les inégalités sociales et territoriales, et constitue un levier fondamental de la transition écologique. Pour toutes ces raisons, nous maintenons nos arguments qui démontrent, chiffres à l’appui, que le bilan de Tisséo n’est pas à la hauteur de sa communication institutionnelle.
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