Pour faire tomber les enfants dans le bain de la lecture, il faut plonger avec eux. Marie-France Bishop, professeure en sciences de l’éducation à l’université de Cergy-Pontoise, délivre des conseils qui ont fait leurs preuves…
Pour éveiller le goût de la lecture, il faut d’abord instaurer un rituel. Un moment privilégié, le plus souvent le soir, avant de se coucher, au lit ou dans un coin dédié de la chambre, où l’enfant aura à sa portée ses ouvrages préférés. Qu’ils l’émeuvent, le rassurent ou lui ouvrent des horizons nouveaux, l’important est de ne pas associer la lecture à une corvée. « Il faut établir une sorte de progression dans la sélection et ne pas suggérer des livres trop simples ou trop complexes. Cela doit toujours laisser un espace pour les sentiments et la réflexion », ajoute Marie-France Bishop, professeure en sciences de l’éducation à l’Institut d’éducation de l’université de Cergy-Pontoise.
L’experte conseille également de ne proposer que des textes complets, car ils manqueront de signification et donc d’intérêts s’ils sont tronqués. Jusqu’au deuxième cycle (CP-CE1-CE2), les parents doivent continuer, régulièrement, de lire eux-mêmes des histoires à leurs enfants, pour que ceux-ci soient capables d’en suivre la totalité. « Le débit de l’adulte doit être fluide, avec quelques effets de voix, mais pas trop, car chacun doit pouvoir interpréter le texte à sa convenance. Une lecture trop théâtralisée est désagréable. Il faut laisser de l’espace aux auditeurs pour sentir, penser et élaborer. »
De nombreux sociologues soulignent ensuite l’intérêt de la lecture en commun et des interactions qu’elle suscite entre l’adulte et l’enfant : « On tente de comprendre ensemble les intentions et les raisons d’agir de tel ou tel personnage. » Par exemple, on peut se demander quels sont les mobiles du loup et les ruses qu’il utilise avec le Petit Chaperon rouge, ou les motifs pour lesquels la petite fille ne semble pas inquiète… « Pourquoi ne pas aussi s’interrompre de temps à autres, au cours du récit, pour essayer d’anticiper ce qui va se produire ? C’est un excellent moyen d’entretenir le suspense et de traiter tous les niveaux d’information », suggère Marie-France Bishop.
De même, une fois l’ouvrage refermé, il est bon de revenir sur ce qui a semblé important, sur les liens que l’on a pu faire entre différents éléments de l’histoire et qui ont aidé à en saisir la totalité, sur les nouvelles connaissances acquises ou sur certains ”blancs” du texte, c’est-à-dire les informations qui ne sont pas données, mais que le lecteur déduit, au fur et à mesure : « C’est au cours de ces discussions que l’on apprend à comprendre. Exactement comme celles que l’on peut avoir en sortant d’une salle de cinéma. Un bon livre, comme un bon film, donne envie d’en parler », compare l’enseignante.
Enfin, lire c’est faire des liens, rapprocher un récit, une histoire, un documentaire, d’autres œuvres. Par conséquent, il faut aider les jeunes lecteurs, en famille ou à l’école, à se construire une ”bibliothèque intérieure”. « Plus on lit, plus on parle des livres et plus cela a du sens, plus on y prendra plaisir », conclut Marie-France Bishop.
Bio
Marie-France Bishop est professeure en sciences de l’éducation à l’Institut d’éducation de l’université de Cergy Pontoise et l’ESPE du Rectorat de Versailles. Elle enseigne la didactique du français auprès des enseignants, des formateurs et des professionnels de l’éducation spécialisés dans les publics à besoins spécifiques.
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