À Toulouse, la nature, même dans son aspect le plus sauvage, n’est jamais très loin. Elle est parfois au cœur du centre-ville. Pour préserver cette cohabitation fragile et menacée, le concept de trame verte et bleue incite les collectivités à prendre en compte les continuités écologiques dans l’aménagement de l’espace. Petite visite colorée de Toulouse, à la découverte de sa faune et de sa flore.
« Avant, dans les schémas d’organisation territoriale, figuraient les zones construites et le reste était blanc. On projetait l’urbanisation comme s’il n’y avait rien autour. Aujourd’hui, la logique a changé, on part d’abord de l’existant », résume Aurélie Nars, directrice adjointe de l’association Nature Midi-Pyrénées. Comme son nom l’indique, le concept de trame verte et bleue (TVB), officialisé par le Grenelle de l’environnement en 2007, a ramené un peu de couleur dans l’aménagement de l’espace. L’expression désigne les multiples connexions reliant les différents milieux naturels d’un territoire et permettant à la flore et à la faune de circuler librement pour assurer leur cycle de vie. Pour sensibiliser collectivités et grand public à l’importance de ces continuités écologiques, Nature Midi-Pyrénées organise régulièrement des visites de cette trame verte et bleue toulousaine.
En dézoomant au maximum la carte de la métropole, il parait évident que cette promenade à la découverte de la nature en zone urbaine doit commencer par les bords de Garonne, axe structurant de la TVB. Des îles du pont-Saint-Michel et du Ramier jusqu’au ripisylve -terme désignant une succession d’arbres, d’arbustes et d’herbacées- d’Empalot, la ville, pourtant juste là tout autour, n’est rapidement qu’un lointain souvenir. Ici, le fleuve abrite sur ses berges plusieurs espèces remarquables animales, comme le desman des Pyrénées, et végétales, telles l’œnanthe de Foucaud ou l’angélique des estuaires.
De nombreux oiseaux migrateurs y trouvent aussi refuge. Alors qu’en ce mois de mai pluvieux, la Garonne atteint des hauteurs préoccupantes, Aurélie Nars ne se plaint pas : « On s’est longtemps trompé sur la gestion des cours d’eau avec par exemple la pratique de l’enrochement visant à les contenir. On en revient aujourd’hui. Tout en maîtrisant les risques, il faut les laisser déborder car cela crée des zones humides, enjeu majeur de la biodiversité. Ce sont des espaces intermédiaires très habités. »
En continuant plus au Sud, la confluence entre l’Ariège et la Garonne est classée réserve régionale naturelle. Elle fait partie des cœurs de biodiversité de la métropole, identifiés par l’Agence d’urbanisme et d’aménagement de Toulouse (Auat), à l’occasion d’une étude environnementale préalable à la réalisation du schéma de cohérence territoriale (Scot). Au même titre que les coteaux de Pech-David où se côtoient pelouses sèches, herbes hautes, petits bosquets et haies, ou que l’arc forestier constitué par la forêt de Bouconne.
L’observation continue au cœur même de la ville. À l’Hôtel-Dieu par exemple, où une population de martinets noirs a élu domicile, ou aux Jacobins, dont un faucon pèlerin apprécie la verticalité. Au détour d’une ruelle privée de lumière, il n’est pas rare non plus de trouver des fougères agrippées à une gouttière, en quête de l’humidité dont elles raffolent. « Paradoxalement, la ville peut être un refuge pour certaines plantes car elle est moins polluée par les pesticides », explique un botaniste du Muséum de Toulouse.
Le milieu urbain est également fort apprécié des nombreuses espèces qui s’y délectent de nos déchets. « En fait, nous avons perdu le réflexe de l’observer mais la nature, certes fragile, est en permanence autour de nous en ville », rappelle Aurélie Nars. Parmi les 840 hectares d’espaces verts que compte Toulouse, on peut même trouver des ”prairies urbaines”, des zones préservées de tonte systématique pour y laisser la vie suivre son cours, malgré la volonté de l’équipe municipale arrivée en 2014 de stopper la propagation de ces « herbes folles ». « Il y a encore du travail sur l’acceptation de ces friches que certains jugent sales. Le but est de sortir de l’opposition entre nature et développement », estime Aurélie Nars.
Aujourd’hui, c’est l’étalement de l’aire urbaine vers sa périphérie et donc l’artificialisation des terres qui représente la plus grande menace de rupture écologique. Et pour ne pas déconnecter ces zones tampons des cœurs de biodiversité, chacun a son rôle à jouer, considère la représentante de Nature Midi-Pyrénées : « Les projets d’urbanisme doivent bien sûr ménager des espaces de nature non entretenue mais les particuliers peuvent aussi agir. Les jardins sont des lieux de relais et les clôtures peuvent être érigées de manière à laisser passer les petits mammifères. Ce ne sont pas seulement des petits gestes écolos, c’est de notre futur qu’il s’agit. »
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