CONSÉQUENCES. En soutien ou en remplacement de l’homme, les machines ont de multiples fonctions que les techniciens ne cessent de développer. Mais les avancées de la robotique se heurtent aujourd’hui à une notion exclusivement humaine : l’éthique.
L’espace, l’agriculture, la médecine, l’exploration sous-marine, les services à la personne… Autant de domaines dans lesquels les robots sont censés permettre à l’homme d’être plus performant. Mais si, pour certains, les machines constituent la base de nouvelles possibilités, pour d’autres, elles restent potentiellement dangereuses. Raja Chatila, roboticien, directeur de l’Institut des systèmes intelligents et de robotique à Paris et ancien directeur du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (Laas-CNRS) à Toulouse, tient à rassurer et rappelle les usages pour lesquels le robot a été inventé par l’homme : « D’abord dans une optique de réhabilitation. » Il peut en effet aider des personnes qui ont perdu leur capacité physique ou cognitive à retrouver leur autonomie. Les machines ont également vocation à collaborer avec l’homme, «comme en médecine, où le robot permet au chirurgien d’effectuer des gestes plus précis, plus sûrs ». Il concède cependant que, dans certains cas, la machine a été détournée de son but initial : si les robots devaient éviter à l’homme de se retrouver dans un environnement hostile ou d’effectuer des tâches pénibles et répétitives, «certains ont été utilisés pour gagner en compétitivité, prenant ainsi le poste de travail d’un homme pour des raisons économiques ». Raja Chatila s’interroge alors : «Ce problème n’est-il pas plus une question d’éthique, de valeurs humaines que de robotique, tout comme la question de ceux qui s’attachent artificiellement à des robots humanoïdes ou celle des armes militaires autonomes ?»
«Depuis la nuit des temps, l’homme a cherché des moyens de se faire remplacer», note le roboticien en expliquant : « Nous avons domestiqué le cheval et lui avons attelé des charrettes pour ne plus avoir à marcher sur de longues distances. Nous avons ensuite inventé le moteur et les voitures dans ce même but. Le principe est le même pour la création des robots.» Mais l’humain a sous-estimé les répercussions de tels progrès. Les effets des avancées technologiques poseraient alors question, plus que le progrès en lui-même. C’est une recherche permanente de productivité qui engendre des suppressions de poste et non la robotisation qui n’en est que la conséquence.
Pour que l’homme y trouve son compte, Raja Chatila estime qu’il convient de repenser notre rapport aux robots et de remettre en question leurs usages. «Une suppression de postes ne devrait pas forcément signifier une perte d’emploi si l’on réaffectait simplement l’ouvrier à une autre tâche.» Mais il semble plus facile de licencier un de ses semblables plutôt que de le former : «Une solution de facilité qui incombe aux hommes et non aux machines», lance le chercheur. «L’innovation doit, au contraire, créer des emplois avec l’émergence de nouveaux usages et besoins», reconnaît-il.
Il y a toujours deux faces à une médaille et la robotique n’y déroge pas, d’où l’importance de définir des valeurs auxquelles les ingénieurs et chercheurs ne devraient pas se soustraire. C’est par la vulgarisation de leurs travaux que les scientifiques pourront expliquer au grand public les desseins qu’ils entrevoient pour leurs innovations. «Il faut éviter les discours alarmistes et rappeler que nous sommes bien loin de Terminator, qui reste pure science-fiction», précise Raja Chatila. Les valeurs humaines doivent, selon lui, rester au cœur des avancées technologiques. De même, ces dernières doivent être comprises et donc expliquées pour être utilisées à bon escient. «Le progrès étant inévitable et nécessaire pour vivre mieux, il doit cependant prendre en compte la société dans laquelle il s’introduit. C’est là qu’est la véritable évolution», conclut le roboticien.
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