Le 17 novembre 2018, avait lieu le tout premier rassemblement militant d’une longue série. A Toulouse, de nombreux citoyens découvraient, ce jour-là, les Gilets jaunes. Deux ans plus tard, où en est le mouvement ?
Regroupés sur les ronds-points, un gilet de signalisation fluo sur les épaules, des milliers de militants s’étaient donnés rendez-vous le samedi 17 novembre 2018 pour dénoncer la hausse des prix du carburant… Mais pas que. Les revendications de ce nouveau collectif, baptisé “Les Gilets jaunes” sont plus larges et illustrent en réalité les stigmates d’une société au bord de l’explosion. Un cri du peuple d’un genre nouveau.
Car l’organisation même du mouvement reste nébuleuse. Si certains sympathisants s’improvisent porte-paroles, il n’existe aucun représentant légal. Chaque groupuscule, articulé par zones géographiques, affinités ou tendances militantes, se fédère, relaie les appels à la mobilisation à son propre réseau, diffuse les messages… A la manière d’un réseau de résistance. Sans savoir réellement qui est l’instigateur. Le mouvement ne souhaitant pas être incarné.
D’ailleurs, deux ans après le premier acte des manifestations que les Gilets jaunes ont organisé chaque samedi de 2018, il reste bien difficile d’identifier un adhérent, sympathisant des premières heures, qui soit resté sur les revendications initiales. « Il n’en reste qu’une poignée dans la Ville rose », témoigne JP*, l’un des organisateurs de l’Assemblée des assemblées à Toulouse et médic lors des manifestations, qui s’est depuis éloigné des Gilets jaunes. « Le mouvement a évolué, il a muté », estime-t-il.
« Il est maintenant protéiforme », lance-t-il, et il semble compliqué de garder les militants sous une même bannière. « D’abord, parce qu’aujourd’hui, dire que l’on est un Gilet jaune tue toute action dans l’œuf. L’image y étant accolée est forcément négative », observe JP. « Beaucoup, comme moi, se sont rapprochés de collectifs plus spécifiques comme Extincion Rebellion, Alternatiba ou encore Attac, tout en restant au fait des actions des Gilets jaunes et de toute la communauté activiste », précise-t-il. De toute façon, toutes ces organisations sont en perpétuel contact et participent aux actions les unes des autres, quand celles-ci correspondent aux mêmes valeurs. « Il s’agit d’un mouvement du peuple et ce dernier ne peut pas être maintenu dans un seul collectif, dans une seule case. Il est pluriel », poursuit le militant.
Loin d’être essoufflé, le mouvement aurait alors essaimé. Sous différentes formes. La revendication commune étant « le besoin de plus de démocratie participative, et maintenant… de liberté », note JP. Car si l’apparition de la Covid-19 rend plus difficile les rassemblements, elle exacerbe également les rancœurs des activistes envers le gouvernement. « Ça boue ! » comme le constate le militant toulousain. « Nous voyons bien que l’État tente de verrouiller ce qu’il nous reste de liberté d’expression. A l’époque, les manifestations des Gilets jaunes étaient toujours interdites par la préfecture. Aujourd’hui, c’est avec la loi de sécurité globale qu’ils veulent mettre un verrou supplémentaire », fustige JP.
En attendant, l’homme scrute les réseaux sociaux. Il y observe de nombreuses actions isolées.
Les réseaux militants restent mobilisés. « L’énergie revendicatrice ne s’est pas éteinte, mais elle a changé de forme. Les gens cherchent maintenant de nouvelles solutions pour faire entendre leur voix », analyse-t-il.
« Je ne sais pas quelle forme prendra le soulèvement mais je pressens qu’il aura lieu, même s’il ne s’appelle plus Les Gilets jaunes », prévient-il. « Le détonateur n’a pas encore été trouvé, mais la poudre est prête. Il y a de forte chance pour qu’après la crise sanitaire, tout explose », termine JP.
*Le militant a souhaité rester anonyme
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