À moins d’assumer clairement son goût pour la dictature, personne ne peut réellement se dire contre l’idée du débat. Ce qui peut prêter à discussion, en revanche, c’est la forme que prend l’exercice. Et c’est peu dire que les règles du jeu définies par Emmanuel Macron pour le Grand débat national n’ont pas convaincu la population sur la sincérité de la démarche. Pour apporter sa contribution, le JT a décidé de mettre en lumière les instances parfois méconnues, les collectifs alternatifs ou autres outils numériques qui tentent, chacun à leur manière, de donner la parole au plus grand nombre.
« C’est la première fois qu’un chef de l’État donne une opportunité aussi fantastique de s’exprimer. Je suis impatiente et curieuse de voir ce qui va en sortir », s’enthousiasme Élisabeth Toutut-Picard, député LREM de la septième circonscription de Haute-Garonne. Sans s’attarder sur les retards à l’allumage du Grand débat national : le retrait de la présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP) Chantal Jouanno, initialement chargée de l’organisation, après une polémique sur son salaire, et la déclaration de fin de mission de cette même CNDP, le 14 janvier dernier, la veille de l’ouverture de l’inédite consultation.
L’élue détaille au contraire l’opération de sauvetage menée par le gouvernement : deux ministres pour déployer la logistique, une mission interministérielle pour les y aider, cinq garants pour assurer la neutralité des échanges et un comité de pilotage parlementaire pour faire remonter les informations du terrain : « Chacun de mes collègues député peut faire ce qu’il souhaite dans sa circonscription : faciliter, préparer, voire animer un débat. Mais il n’y a pas de consigne. On ne veut pas passer pour l’organisateur en chef », explique Elisabeth Toutut-Picard, qui siège au sein de ce mité de pilotage parlementaire. Selon elle, la CNDP avait installé, avant son retrait, tous les outils nécessaires à sa mission et il s’agit de la poursuivre pour le mieux.
« Si le législateur a voulu d’une autorité indépendante, ce n’est pas pour rien ! »
« Ce qui a été mis en place s’éloigne énormément de ce que nous avions proposé. Et je ne crois pas que nous soyons remplaçables. Si le législateur a voulu d’une autorité indépendante en la matière, ce n’est pas pour rien ! », intervient Ilaria Casillo, vice-présidente de l’institution en question. Créée en 1995, la CNDP a déjà organisé 94 débats publics et plus de 300 consultations citoyennes, dont 73 sont en cours. Elle est censée en garantir la neutralité et la transparence : « Nous posons les termes de la manière la plus factuelle et la moins orientée possible. Et s’il s’agit d’un thème à controverse, nous en donnons tous les éléments, tous les avis. Chaque mot prononcé lors des réunions que nous supervisons est ensuite retranscrit et publié », précise Ilaria Casillo.
« Ce qui fonctionne quelque part sera peut-être inopérant ailleurs »
Cette dernière plaide pour l’indispensable pluralité des échanges : « Il faut lancer des campagnes de mobilisation et de sensibilisation, de manière à toucher ceux qui s’expriment le moins, notamment dans les quartiers. » Pour preuve de l’efficacité de sa méthode, elle rappelle que, trois mois avant que les manifestations ne se propagent dans toute la France, la commission avait alerté le gouvernement de l’impopularité de la fiscalité sur les carburants, suite à une grande consultation publique.
Elle insiste enfin sur l’importance décisive du choix de la forme des débats, « qui dépend toujours du contexte, du sujet ou du territoire ». « Ce qui fonctionne quelque part sera peut-être inopérant ailleurs. Seule l’expérience permet de le savoir et nous sommes les seuls à l’avoir », conclut-elle.
Commentaires