Chaque semaine, jusqu’au premier tour des élections régionales 2021 en Occitanie, le Journal Toulousain vous propose l’interview d’une tête de liste, pour mieux connaître son programme et voter en connaissance de cause. Aujourd’hui, entretien avec Antoine Maurice, tête de liste L’Occitanie naturellement.
Le Journal Toulousain : Comment se déroule votre campagne électorale, dans le contexte sanitaire actuel ?
Antoine Maurice : Bien sûr, les conditions sont contraignantes. Mais nous les avions anticipées. Par exemple, en créant une plateforme interne qui permet aux candidats de garder le lien, de partager leurs idées et d’échanger leurs outils de campagne. L’impossibilité d’organiser des réunions, voire de distribuer des tracts, jusqu’à il y a quelques semaines, nous a conduit à communiquer davantage par les réseaux sociaux. Et donc de mobiliser un électorat, notamment la jeunesse, que nous avions parfois du mal à toucher. Personnellement, le contexte sanitaire ne m’a pas empêché de me rendre sur le terrain. J’ai beaucoup bougé ces six derniers mois, dans tous les départements. J’ai pu rencontrer leurs acteurs importants, comme leurs habitants. Et mieux appréhender les richesses de notre région et les enjeux propres à chaque territoire. J’estime que cette campagne électorale est riche, utile et efficace.
Si votre liste est portée à la tête de la Région, comment concilierez-vous les impératifs économiques et écologiques ?
Il n’y a pas de conciliation. De notre point de vue, l’écologie est ”La” condition de notre développement économique. C’est une chance pour l’emploi. Une étude du cabinet Ernst and Young, daté de juin 2020, indique qu’une politique environnementale ambitieuse pourrait aboutir à la création de 94 000 nouveaux emplois en Occitanie, d’ici fin 2022. Car il faut anticiper et accompagner la nécessaire évolution de nombreux secteurs, qui doivent se diversifier. Comme la viticulture, et l’agriculture en général, où le dérèglement climatique est déjà une réalité. Nous défendons une « biodiversité économique ». Il n’y a rien de pire que la monoculture. Ou la monoindustrie.
Justement, certains adversaires vous on reproché de ne pas suffisamment défendre la filière aéronautique, première industrie régionale…
On a caricaturé notre position. En réalité, nous sommes la liste qui défend le plus l’aéronautique et ses salariés. Aujourd’hui, 8500 d’entre eux sont menacés de perdre leur emploi en Occitanie. Nous considérons que la Région doit retirer son soutien financier aux entreprises qui effectuent des licenciements boursiers. Mais qu’elle doit aussi anticiper la casse sociale à venir. En effet, il serait illusoire de penser que le secteur va retrouver les cadences de production d’avant-crise. Nous proposons l’ouverture de discussions sur l’avenir de la filière, avec tous ses acteurs, pour aboutir à un accord d’accompagnement et de mutation. D’une part, il faut encourager la recherche pour diminuer l’empreinte carbone du secteur. Et favoriser sa diversification vers des domaines moins émetteurs de CO2, comme la santé ou les énergies renouvelables. D’autre part, il faut accompagner la reconversion des salariés vers des métiers porteurs de sens. Leurs compétences répondent à beaucoup de besoins de nos territoires.
Que ferez-vous pour soutenir cet autre pilier de l’économie régionale qu’est le tourisme ?
Nous voulons valoriser notre territoire sans le détruire. Passer à un tourisme plus équitable. Et mettre fin à la logique de concurrence mondiale qui est aujourd’hui portée par la Région. Elle se concentre sur plusieurs grands sites qui se retrouvent muséifiés et posent un problème en terme de surexploitation des espaces naturels. La collectivité doit devenir le chef d’orchestre d’un écotourisme local, à taille humaine. Social aussi, en favorisant l’accès des jeunes ou des handicapés aux vacances. Et un tourisme écologique centré sur nos richesses naturelles. Comme, par exemple les 21 voies navigables d’Occitanie, qui ne sont pas suffisamment mises en valeur. Enfin, il faut accompagner ceux qui souffrent du dérèglement climatique, comme les professionnels de la montagne, afin qu’ils ne soient plus dépendants d’une seule activité et puissent accueillir des clients toute l’année. Il s’agit toujours d’anticiper et de se diversifier.
Quelle sera votre politique d’aménagement du territoire, entre les deux grandes métropoles occitanes, Toulouse et Montpellier, et les territoires ruraux, qui représentent 40 % de la population régionale ?
Il faut trouver un nouvel équilibre. Le développement non maîtrisé des métropoles devient un problème pour l’environnement, mais aussi pour l’accueil des nouveaux arrivants, pour l’emploi, et la qualité de vie. Et parallèlement, j’ai la conviction que la crise sanitaire a provoqué un exode urbain. La Région doit accompagner ce dernier et financer des projets qui valorisent mieux les villes moyennes et territoires ruraux. Par la création d’un office du foncier solidaire, elle pourra cofinancer l’achat de bâtiments et aider ceux qui veulent s’installer. Il faut appliquer une nouvelle politique, celle du « vivre au pays », où l’on travaille, se nourrit et se cultive, là où on habite.
Vous tenez des positions très tranchées à propos de certains grand projets d’aménagement du territoire…
Car ce sont souvent des projets de déménagement des territoires ! Comme celui de l’autoroute Toulouse-Castres, qui, sous couvert de désenclavement, risquerait, au contraire, de conduire à une désertification des villes autour du Tarn. Ou celui de la LGV, qui est priorisé au détriment des trains du quotidien et de la réouverture d’anciennes lignes. Quant au déploiement de la 5G, on marche sur la tête ! On veut absolument l’installer dans les villes, alors qu’il n’y a même pas la 3G dans certains territoires. Cela suit une logique capitaliste du « toujours plus vite », qui impose sans cesse de nouveaux produits et de nouveaux besoins. Une logique soutenue par les politiques publiques.
Un mot sur la gestion des risques industriels, après l’incendie, le 15 mai, de l’usine de pâte à papier de Saint-Gaudens, Fibre excellence, classée Seveso ?
Cet accident montre une nouvelle fois que l’économie ne peut pas primer sur la santé de la population. Dans des activités à risque comme celle-ci, il ne faut pas attendre qu’un drame se produise. Et imposer des contraintes de sécurité plus fortes. Il n’est pas normal qu’un établissement qui n’entre pas dans les normes, ce qui est le cas de Fibre excellence, n’en soit pas pénalisé. L’État semble se désengager de ces questions de sécurité des installations classées. La Région, elle, doit redonner le pouvoir aux habitants. En finançant une institution composée de chercheurs, d’industriels et de collectivités, qui informeront en toute transparence et trouveront des solutions pour protéger la population.
Pourriez-vous nous livrer votre vision de l’Occitanie du « monde d’après » ?
Je me projette dans une région écologique, la première de France. Où l’on transmettra à nos enfants la capacité de faire face aux bouleversements qui frappent à notre porte. Une région capable de vivre de ses propres richesses, de produire une alimentation bio et paysanne respectueuse des sols et des ressources en eau. Une région où l’on vit en bonne santé et dans l’épanouissement. Où l’on a la possibilité d’exercer un emploi qui a du sens. Une région solidaire, qui renforce ses liens culturels et qui est fière de chacune de ses histoires. Dans le monde d’après, je me projette donc dans une région qui aura renoué avec toutes ses potentialités. Pour le climat, nos emplois et nos vies.
Commentaires