Macadam Gardens est une petite exploitation en agriculture biologique, spécialisée dans les variétés anciennes. Alexandre Belin, l’un de ses deux maraîchers fondateurs, souhaite rapprocher consommateurs et lieux de production et faire redécouvrir des saveurs oubliées à ses clients.
Des radis ? Un navet ? Un panais ? Impossible de trancher pour le consommateur néophyte. Dans un cageot, Alexandre Belin, un jeune maraîcher de la périphérie toulousaine, entasse des bottes de légumes déroutants. « Tous sont des carottes », s’amuse-t-il, alors qu’aucun des produits en question n’est orange ni ne présente la forme conique et allongée que l’on pourrait attendre. Comme tous les vendredis matin, le cofondateur de Macadam Gardens, une entreprise spécialisée dans l’agriculture biologique et urbaine, fouille la terre du potager de son exploitation pour en sortir un arc-en-ciel de tubercules colorés. « En ce moment, nous avons cinq variétés différentes. Celle-ci, par exemple, est dix fois plus sucrée qu’une carotte normale. Si tu fais un jus avec, tu vas halluciner », promet-il en brandissant une longue racine blanche encore maculée de terre.
L’histoire démarre en 2011, quand Alexandre Belin, diplôme d’ingénieur agricole encore frais en poche, rencontre Cédric Jules. Tous deux partagent une même vision de l’agriculture. « Nous nous sommes retrouvés sur la volonté de développer une agriculture urbaine qui rapproche les lieux de production et de consommation, et sur l’idée de sensibiliser les citadins à l’environnement via notre secteur d’activité. Travailler avec des variétés anciennes tombait sous le sens. La préservation de la diversité alimentaire est indissociable de notre démarche », explique le jeune homme.
« Les gens ne sont pratiquement jamais déçus et en redemandent »
Ensemble, ils concrétisent un premier projet de serres sur les toits de la clinique Pasteur et lancent un site Internet de vente de matériel de jardinage urbain en ligne. Pour préparer leurs semis, les deux associés ont réhabilité une serre désaffectée, près de Seysses. En 2015, ils décident de défricher les terrains en jachère qui avoisinent la serre et plantent leurs premiers légumes. « Aujourd’hui, nous avons 600 m2 de légumes sous serres et 5000m2 en plein champ. Nous venons d’acheter trois hectares supplémentaires pour planter un verger et proposer une gamme complète de fruits et légumes issus de variétés anciennes », précise l’agriculteur en poussant sa brouette entre les buttes de salade et de choux.
Depuis un mois, les amateurs de légumes bios et anciens peuvent commander des paniers sur Internet et venir les récupérer chaque vendredi sur l’exploitation. « Nous proposons volontairement un panel de chaque légume pour pousser les consommateurs à la découverte. Sinon, les gens vont naturellement vers ce qu’ils connaissent. Même s’ils sont surpris de voir des carottes moins élancées que d’habitude, ils ne sont pratiquement jamais déçus et en redemandent », se félicite le jeune maraîcher entre deux coups de fourche. Néanmoins, il faut parfois convaincre et faire de la pédagogie, notamment sur les marchés.
« Il existe près de 2000 variétés de tomates différentes »
« De temps en temps, j’offre un légume pour faire goûter, car l’aspect peut rebuter. Je donne également des recettes et des conseils de préparation. Même si les gens commencent à s’intéresser aux variétés anciennes, les légumes oubliés comme les topinambours et le rutabaga sont encore compliqués à vendre. De même, il faut continuer à faire passer le message que les tomates ne sont pas forcément que rouges et standardisées. Il existe près de 2000 variétés différentes », tempère-t-il avant de confier sa préférence pour la Aunt Ruby’s German Green, une variété de tomate verte, charnue et particulièrement sucrée. « Pour répondre à cet effet de mode, les semenciers se sont adaptés et proposent des variétés anciennes hybrides plus résistantes. Mais c’est trompeur. Elles ont le même aspect mais n’ont ni leur goût ni leurs qualités nutritionnelles » déplore le maraîcher.
« Notre spécificité nous a amenés à collaborer avec des restaurants gastronomiques. Ces derniers nous permettent de découvrir encore de nouveaux produits », reconnaît Alexandre Belin. Si cette démarche ouvre des débouchés intéressants, elle implique également des contraintes de production et de commercialisation. « Les variétés anciennes poussent plus lentement et sont souvent plus fragiles. Elles n’ont pas été sélectionnées pour leur rendement et leur résistance aux maladies, notamment le mildiou. Certaines donnent deux à dix fois moins que des tomates hybrides cultivées hors-sol. De même, une tomate qui a pris un coup peut rapidement pourrir toute une cagette. Nos variétés ne subsisteraient pas à une commercialisation dans un circuit traditionnel. » Un argument de plus en faveur des circuits courts pour ce maraîcher, qui ira livrer lui-même sa production à Toulouse. « J’essaie de ne pas traîner pour pouvoir partir avant les embouteillages », conclut-il avant de se remettre à l’ouvrage.
Commentaires