Parfois contre-intuitive, la méthode du centre de consultations Chagrin Scolaire est destinée aux parents qui pensent avoir tout essayé pour mettre fin au harcèlement de leur enfant. La psychopraticienne Muriel Martin-Chabert, qui l’applique depuis cinq ans, leur délivre des conseils qu’ils n’ont pas l’habitude d’entendre.
Cela commence avec de l’attention. Pour éviter qu’une situation de harcèlement se développe, il faut en déceler les signaux au plus tôt : « Cela peut être de la bobologie du dimanche soir, ces petites douleurs, feintes ou non, de la veille de la reprise des cours. Des notes qui chutent ou qui augmentent brutalement. Ou bien une agressivité soudaine… », énumère Muriel Martin-Chabert, psychopraticienne et membre de l’équipe du centre de consultations Chagrin Scolaire. La méthode qu’elle applique s’inspire du modèle californien de Palo-Alto, sorte de boîte à outils conceptuelle pour résoudre les problèmes relationnels.
« Lorsqu’ils viennent nous voir, nous identifions d’abord tout ce que les parents ont essayé et qui n’a pas fonctionné, voire qui a amplifié le phénomène. Ensuite, nous envisageons des alternatives. » La première est « d’accueillir » simplement la souffrance de l’enfant, avec amour et sans le brusquer. En lui posant des questions fermées comme : « C’était bien l’école aujourd’hui ? » « À ce moment-là, toutes les réponses sont bonnes, qu’il ait envie de parler ou non. Si c’est le cas, il ne faut pas hésiter à lui proposer de l’aide. »
Néanmoins, Muriel Martin-Chabert déconseille sérieusement aux parents de se mêler des problèmes de leur enfant sans son consentement : « Sinon, il pensera qu’il n’est pas capable de se débrouiller tout seul, ce qui détruira encore plus sa confiance en lui. » Selon la thérapeute, une intervention parentale peut aussi laisser croire au harceleur qu’il a trouvé une victime suffisamment fragile et aux témoins que le harceleur est durablement en position de force. « Pour toutes ces raisons, et contrairement à ce que préconise l’Éducation nationale, il nous semble préjudiciable d’en référer aux responsables de l’établissement. Il règne entre les élèves une loi disant que ce qui arrive entre eux se règle entre eux, au risque de passer pour une balance et d’être mis au ban », précise Muriel Martin-Chabert, qui rappelle toutefois la nécessité de déposer plainte en cas d’acte délictueux.
Elle met aussi en garde les parents dont l’enfant victime demande à changer d’école, car il pourrait se retrouver dans une nouvelle situation de harcèlement : « Il faut lui expliquer que la peur ne doit pas choisir à sa place. Et lui apprendre plutôt à répliquer, à trouver les bonnes postures face à ceux qui le persécutent. » C’est ce que l’équipe de Chagrin Scolaire appelle les “flèches défensives”. Des ripostes verbales, minutieusement préparées en amont, avec ses parents ou avec un psychologue : « On doit connaître jusqu’à la couleur des chaussettes du harceleur ! Car les flèches doivent s’adapter à chaque profil. » Pour que l’enfant soit paré, il répète la scène, la mime, comme pour une pièce de théâtre. Il se figure ce que l’autre pourrait lui répondre, afin de ne pas se retrouver démuni. « Cela donne lieu à quelques fous rires dans nos cabinets de consultation », confie Muriel Martin-Chabert, qui assure que la recette est efficace dans 80 % des cas qu’elle traite.
Muriel Martin-Chabert. Psychopraticienne et formatrice chez Chagrin Scolaire, centre de consultations dédié à la souffrance à l’école. En 2017, elle est l’auteur de ”Bref, petit traité d’épistémologie de la thérapie brève et stratégique par l’exemple”, aux éditions Aymeric B.
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