ANTI-CONFORMISME. Quand la plupart des lieux culturels recherchent des subventions, certains les fuient. Dans un souci d’indépendance, La Chapelle revendique un budget dans lequel n’intervient aucune institution ni aucun capital public. Et ce, depuis plus de 20 ans.
Théâtre, cirque, lectures, concerts, mais également accompagnement des plus démunis, cours de Français, débats publics, distributions de repas, relais Amap… Ingénieur dans l’aviation civile, coopérateur dans un fournil ou travaillant dans le milieu culturel, une dizaine de bénévoles de l’association Atelier Idéal, se relaient pour faire vivre le site. « La Chapelle est un outil-lieu », explique Pierre, l’un d’entre eux, assis à une grande table en bois qui, comme cet ancien lieu de culte, a déjà eu plusieurs vies. «N’importe qui peut franchir le portail pour y organiser un événement ou venir profiter de ce qui est proposé. Nous n’avons qu’une exigence : qu’il partage nos valeurs et notre mode de fonctionnement», rajoute-t-il.
Le collectif est au centre de tout projet, le consensus est la condition à toute décision. Car La Chapelle n’est pas une simple salle polyvalente, elle a une âme, « elle est devenue la base arrière de nombreuses luttes », précise Sébastien, bénévole de l’Atelier Idéal. Le lieu est donc engagé mais non politisé comme le souligne son acolyte Pierre : «Nous sommes en fait libertaires et offrons la possibilité à cette culture de trouver un endroit où s’exprimer.»
Une liberté de ton et d’action que La Chapelle s’octroie grâce à un refus catégorique de faire appel à des subventions.
« Ce choix assumé implique un budget de fonctionnement sérré mais il garantit une indépendance totale et c’est bien là le plus important pour nous », clame Sébastien, chassant du bras le chat noir venu s’installer sur son sac. Les revenus du lieu sont assurés par les cotisations des membres et par les recettes du bar. Ainsi, affranchis de toute emprise politique et de tout contrat d’objectifs inhérent à la perception d’argent public, le soutien à une cause ou la programmation culturelle y sont entièrement libres.
« Ils ont carte blanche chez nous. Nous prenons en moyenne 100€ de participation aux frais, mais aucun pourcentage sur leurs entrées, que nous veillons à garantir modeste », justifie Pierre. Car les artistes peuvent investir ce lieu d’expérimentation dans sa totalité, du sol où se trouve encore le vieux plancher aux cimes des voutes du plafond. Quant aux spectateurs, la majorité vient y chercher des spectacles alternatifs et décalés. « Nous avons ainsi accueilli, par exemple, le festival de BD Indélébile pendant trois ans, et avons organisé des lectures intégrales de 48h en continu des Misérables et de Don Quichotte », se rappelle Sébastien, avant que Pierre analyse : « Nous sommes en quelque sorte le premier incubateur de la culture alternative à Toulouse. »
Pour pérenniser “ce lieu-outil”, l’association Atelier idéal tente, depuis plusieurs années, de le racheter à la mairie, « ce qui permettrait d’être plus sereins quant à notre avenir et d’assurer définitivement notre indépendance », commente Sébastien. Mais avec un budget plus que restreint, les négociations ont été difficiles. « Nous avons donc demandé et obtenu un bail emphytéotique (99 ans), assorti d’une redevance de 500€ par an. De même, la Mairie a revu ses exigences et a accepté de nous céder La Chapelle pour 100 000€ », poursuit-il. Pour réunir la somme, un fonds de dotation a été créé et une opération de crowdfunding lancée sur Helloasso.
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