L’exclusion numérique de nos aînés n’est pas une fatalité. Depuis plusieurs années, un enseignant à la retraite donne ainsi gratuitement à la Nova Mêlée des cours d’informatique à des seniors peu habitués à manier une souris ou à surfer sur Internet. Et le succès est au rendez-vous.
Quand on n’est pas né avec une souris dans la main et que, durant sa vie professionnelle, on n’a jamais pris l’habitude d’allumer un ordinateur avant de démarrer sa journée de travail, l’univers informatique et la numérisation galopante de la société peuvent vite donner des sueurs froides. Mais il n’est jamais trop tard pour prendre le train en marche ! Pour s’en rendre compte, il suffit de se rendre à la Nova Mêlée (anciennement La Cantine Toulouse), chaque mardi matin. Une vingtaine de personnes viennent y suivre gratuitement les cours d’informatique que Gérard Négret, ingénieur et professeur de mathématiques à la retraite, dispense depuis plus de sept ans.
« Devant un ordinateur, je ne suis plus jamais bloquée »
« À l’époque, je participais au Conseil des seniors qui était rattaché à la municipalité de Toulouse. Prenant conscience de la fracture numérique subie par les plus âgés, nous avons décidé de mettre en place pour eux des cours d’informatique », explique le septuagénaire. Nicole, 70 ans tout rond, faisait partie des premières élèves : « Je n’avais jamais utilisé d’ordinateur avant. Aujourd’hui, je ne suis plus jamais bloquée. S’il y a quelque chose que je ne sais pas faire, je suis capable d’aller chercher la solution toute seule sur Internet », dit-elle avec simplicité.
Cette autonomie, c’est précisément ce que Gérard Négret souhaite faire acquérir à tous ses élèves : « À terme, il faut qu’ils soient en mesure de maîtriser des situations nouvelles, de ne pas s’affoler face à une difficulté. » Pour y parvenir, le chemin peut être long, car il faut souvent partir de zéro. C’est l’objectif du cours débutant, le mardi de 9h à 10h30 : « J’y explique les notions de base : comment bien manier la souris, utiliser le clavier, manipuler les différentes fenêtres… », indique Gérard Négret. Pour l’aider dans cette tâche et permettre aux apprenants de progresser plus vite, l’enseignant peut compter sur le soutien de ses élèves ‘’confirmés’’ qui assistent eux aussi au cours et donnent un coup de main à leurs camarades inexpérimentés. Puis, à 10h30, c’est au tour de ces ‘’formateurs’’ d’être formés.
Cette fois, ce sont des notions plus complexes qui sont abordées. « J’adapte l’atelier en fonction de leurs demandes. J’essaie également de leur présenter les nouvelles applications disponibles. » Au programme ce jour-là : comment simplifier le fil de conversation de la messagerie Gmail, customiser son environnement de travail sous Windows ou encore créer un compte utilisateur. « Vous pouvez par exemple créer un compte pour vos petits-enfants, pour qu’ils puissent jouer sur votre ordinateur sans pouvoir accéder à vos fichiers ou abîmer le système », précise le Gérard Négret. « Pour ce faire, il faut évidemment un compte administrateur… » Un ange passe. « Je parle en hébreu ou ça va ? », demande avec humour le formateur. Les élèves rient. « On est un peu paumés là », concède une dame au premier rang. « Pardon, je suis allé trop vite », répond le professeur avant de reprendre son explication.
« On peut vraiment être perdu, même quand on a travaillé toute sa vie sur un ordinateur ! », affirme Paule Kechteil, en charge de la communication de l’association Partage31, créée récemment pour porter ces ateliers à destination des seniors. Max, qui a fait carrière dans le commerce international, le confirme : « Dans une entreprise, il y a toujours un “monsieur Informatique” qu’on appelle dix fois par jour pour résoudre nos soucis. Quand on se retrouve seul chez soi devant son ordinateur, c’est autre chose. » Il y a deux ans, à l’âge de 68 ans, il n’a donc pas hésité à retourner sur les bancs de l’école pour « ne pas être largué par la numérisation ». C’est l’un des rares hommes du groupe : « Ils ont plus de mal à admettre qu’ils ne savent pas faire. Les femmes, elles, mettent plus facilement leur ego de côté, elles ont envie de continuer à apprendre et assimilent très bien », soupire Gérard Négret.
« Cela leur permet de bâtir de nouvelles relations sociales »
L’acquisition de connaissances techniques – beaucoup souhaitent notamment savoir utiliser Skype afin de communiquer avec leurs enfants et petits-enfants – n’est d’ailleurs pas la seule motivation de ces seniors dynamiques. « Cela leur permet de bâtir des relations sociales, d’avoir un repère fixe dans la semaine et, surtout, de maintenir une activité neuronale non négligeable », indique Gérard Négret. Voilà sans doute pourquoi ses cours font aujourd’hui le plein. Pour faire face à la demande croissante, un nouveau cours devrait s’ouvrir d’ici peu au Quai des savoirs.
Axelle Szczygiel
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