La cour d’appel de Toulouse a confirmé le maintien en détention provisoire du jeune homme suisse interpellé en marge d’une manifestation de Gilets jaunes. Arrêté en possession d’une clé Allen et d’un pass PTT, il est accusé « d’association de malfaiteurs ». Une « détention de confort » qui dure depuis quatre mois.
DISP-ToulouseLe 2 février dernier, un jeune homme de 26 ans originaire de Suisse est interpellé par les forces de l’ordre en marge d’une manifestation de Gilets jaunes. Après l’avoir emmené au poste pour un contrôle d’identité, les agents de police découvrent que celui-ci a donné un faux nom et qu’il porte sur lui, accroché à son trousseau, une clé Allen et un pass PTT pouvant ouvrir les boîtes aux lettres et les halls d’entrée des immeubles. « Des clés utilisées par les casseurs pour cacher du matériel ou échapper aux contrôles lors de manifestations », aux yeux du parquet, qui soupçonne le jeune homme d’appartenir a des mouvements activistes d’ultra gauche.
En suivant, une double perquisition à son domicile et à celui de l’amie chez qui il se trouvait le jour de son arrestation ont permis de saisir des tracts, des banderoles et de la littérature sur les violences de l’État. Le jeune homme est donc placé, depuis quatre mois, en détention provisoire. Une mesure que vient de confirmer, le 28 mai dernier, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Toulouse.
« On reproche surtout à mon client d’être un membre de l’ultra gauche qui aurait commis des dégradations pendant les manifestations. Le dossier n’est fondé que sur les procès-verbaux de contexte, qui relatent minute par minute chacun des actes du mouvement des Gilets jaunes. Or, le nom de mon client, dont le casier judiciaire est vierge, n’apparaît dans aucun d’eux. Le seul élément incriminant est un jeu de clés », rappelle maître Cécile Brandely, l’avocate du jeune homme. Celle-ci dénonce une détention provisoire disproportionnée et abusive. « L’avocat général a plaidé une ”détention de confort” pour l’enquête. Mais une telle disposition n’est pas prévue par le législateur.
« Le seul élément incriminant est un jeu de clés »
Par ailleurs, les motifs évoqués sont injustifiés et en contradiction avec l’instruction du dossier. Le risque de concertation avec des complices a été mentionné. Or, aucun de ses proches n’a été entendu, et pourtant, ceux-ci ont obtenu des permis de visite. Il n’y a pas non plus de risque pour la conservation des preuves, car elles ont déjà été saisies. Pour finir, il habite en France depuis 2015, il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter d’une absence de garantie de représentation », détaille l’avocate, qui voit tout de même une porte s’ouvrir après la décision de la cour d’appel. « Malgré le maintien en détention, la chambre d’instruction a ordonné une enquête visant à assurer son hébergement au domicile de sa compagne. Cette démarche laisse présager d’une future remise en liberté », se félicite-t-elle.
« Au-delà de ce cas particulier, nous avons déjà alerté sur le fait que le traitement judiciaire des Gilets jaunes est globalement inéquitable », s’inquiète maître Pascal Nakache, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme et avocat au barreau de Toulouse. « Beaucoup de condamnations de Gilets jaunes sont prononcées sur des dossiers très légers, voire pratiquement vides », déplore le membre de la LDH, qui s’alarme du rythme effréné des condamnations. « La généralisation du recours à des procédures d’exception comme la détention provisoire ou la comparution immédiate nous laisse présager d’un glissement vers une justice d’exception », conclut-il.
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