MÉTHODE – Selon Samuel Challéat, géographe toulousain membre du collectif de recherche Renoir (Ressources environnementales nocturnes et territoires), élus, habitants et protecteurs du ciel étoilé et de l’environnement ne défendent pas les mêmes usages de la nuit. Pour les concilier, le chercheur prône la pédagogie et la concertation.
« Aujourd’hui, s’il y a un consensus, c’est sur la nécessité d’éclairer juste », indique Samuel Challéat, géographe. Un consensus résultant de 30 ans de mobilisation de différents acteurs pour faire de la nuit «un bien environnemental». Aux avant-postes, les astronomes des années 1970 lancent le mouvement Dark Sky. Puis les environnementalistes documentent la perturbation des espèces nocturnes par les halos lumineux. Enfin, dans les années 1990, c’est au tour des médecins et des chronobiologistes de démontrer les effets néfastes de l’éclairage sur l’organisme.
Au-delà de cette accumulation de preuves des répercussions négatives de la pollution lumineuse, le déclencheur a surtout été économique. «Il y a eu une convergence entre la nécessité pour les collectivités de rationaliser l’éclairage en vue de diminuer leurs dépenses et les revendications environnementalistes.» Si bien que, depuis 2010, la prévention des nuisances lumineuses est inscrite dans le code de l’environnement.
Pour autant, rien n’est encore acquis et malgré ce consensus pour éclairer “juste”, avis et intérêts divergent sur le sens à donner à ce mot. «Pour un écologue cela signifie éclairer moins voire pas du tout. Pour un élu, c’est surtout éclairer mieux. Or, par exemple, si l’installation de LED permet de réduire les dépenses énergétiques, elle peut aussi conduire à illuminer plus», tempère Samuel Challéat.
Alors faut-il purement et simplement éteindre les villes ? Selon l’expert, les visions et les usages de la nuit divergent encore. Pour de nombreux élus, la lumière contribue à l’image de marque de leur ville. «C’est un des leviers pour en faire une métropole au rayonnement international, comme Toulouse qui souhaite entrer au patrimoine mondial de l’Unesco», indique le géographe. Les enjeux sécuritaires viennent aussi parfois s’y greffer. «Installer des caméras de vidéosurveillance nécessite par exemple de l’éclairage.» La population, ayant un sentiment d’insécurité, est aussi demandeuse, mais aussi parce «que 18 % de la population travaille la nuit.»
Dans ces conditions, il préconise de trouver un point de convergence via «une gestion différenciée de l’éclairage dans le temps et dans l’espace». Et pour l’instaurer, la clé est le dialogue. «Dans ce domaine, les territoires ruraux sont à l’avant-garde », lance-t-il en prenant pour exemple Crolles en Isère. Pendant huit mois, cette ville de 8 600 habitants a expérimenté l’extinction de l’éclairage public la nuit. Un travail de pédagogie a en parallèle été mené. Les gendarmes sont venus rappeler quelques statistiques en matière de sécurité. «Les études montrent que les cambriolages ont en majorité lieu autour de 13h. Et aucune corrélation entre intensité de l’éclairage et criminalité n’a été établie», détaille le chercheur. Puis, les habitants ont été régulièrement consultés et les plages d’extinction des éclairages adaptées à leurs demandes.
« La lumière est encore un enjeu politique, mais les élus sont de plus en plus nombreux à consulter leur population à ce sujet.» Signe, selon Samuel Challéat, que le débat progresse. «Il y a dix ans, on ne se posait même pas la question».
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