Libre-pensée. Jacqueline Sauvage graciée, Alain Finkielkraut immortel, le retour de l’Iran sur la scène internationale. Il suffit parfois d’une décision pour passer de l’ombre à la lumière. Est-ce pour autant une bonne chose ? Nos trois invités, Hugo Petrachi, Vanessa C. Stone et Mathieu Pauc ont donné leur avis, sans tabou ni langue de bois.
Par Séverine Sarrat et Coralie Bombail
Bien installés sur les banquettes du Florida, avec thés, cafés et croissants, chacun se présente à tour de rôle avant d’entrer dans le vif du sujet. La conversation s’engage rapidement sur la grâce de Jacqueline Sauvage, cette femme battue condamnée à 10 ans de prison pour le meurtre de son mari violent. À l’unanimité, nos invités sont d’accord avec cette décision même si des questions se posent quant à l’indépendance de la justice. « La justice a fait son travail, elle ne pouvait considérer la légitime défense, maintenant les parlementaires doivent se saisir de ce sujet et étendre la légitime défense au ‘‘danger de mort permanent’’ », estime le jeune socialiste Hugo Petrachi. « Dans cette affaire, la grâce est bonne chose, mais revoir le système de la légitime défense peut être dangereux cela ouvre la porte à toutes les dérives », réagit Vanessa C. Stone. Avec un certain pragmatisme, Mathieu Pauc entre dans la discussion en affirmant que « c’est le résultat qui compte, la grâce est certes un héritage de la monarchie, mais heureusement que cela existe pour ce genre de cas. » Un vestige du passé qui ne plait guère à la gauche, traditionnellement… « Les présidents de gauche, autant François Mitterrand que François Hollande, ont critiqué ce système et il est vrai que dans un monde idéal, la grâce ne devrait plus exister, car elle remet en cause l’indépendance de la justice», concède Hugo Petrachi, qui rappelle que le président actuel n’a usé que deux fois de ce pouvoir. « Mais la justice est rendue par des êtres humains », poursuit VanessaC. Stone, « le droit de grâce peut être une sorte de sas lorsqu’elle est défaillante. »
« Dans un monde idéal, le droit de grâce ne devrait plus exister » Hugo Petrachi
Les cas sont extrêmement rares. Qu’est-ce qui peut alors décider le président à choisir une personne en particulier, dans la masse de demandes de grâce ? La pression médiatique ? « Il est vrai qu’il y a une certaine démocratie directe qui s’est instaurée, via la pétition sur change.org, qui a permis de contourner l’establishment pour faire pression », remarque Vanessa C. Stone. Mathieu Pauc poursuit en ce sens : « François Hollande a subi un peu cette affaire, mais il s’en est bien sorti en décidant d’une grâce partielle, c’est un bon compromis. » Sur cette conclusion, nous passons au sujet suivant : l’élection d’Alain Finkielkraut à l’Académie française. Le philosophe, connu pour ses sorties polémiques sur l’immigration et la défense de la culture française, est devenu un ‘‘immortel’’. « Certains ont dit que Le Pen était entré à l’Académie française, je trouve que ça va un peu loin », commente l’entrepreneur Mathieu Pauc, « que l’on aime ou pas le personnage, ce n’est pas un extrémiste. » Vanessa C. Stone acquiesce : « On ne peut effectivement pas dire ça, mais c’est tout de même un homme vieillissant, qui pense comme tout homme vieillissant3 que c’était mieux avant. » Quant à Hugo Petrachi, il reconnait « ses qualités littéraires » tout en regrettant « qu’il se soit cantonné au rôle de polémiste, ça ne lui fait pas honneur ». Pour Mathieu Pauc, le discours d’Alain Finkielkraut peut s’entendre : « Il parle du déclin de la France, et même si je trouve qu’il va parfois trop loin, c’est une bonne chose de nommer ce qui se passe. » D’une manière générale, on remarque une droitisation de la pensée chez les intellectuels français…
Hugo Petrachi : Les intellectuels de droite ont un succès certain, quand on voit Houellebecq, Zemmour et dans une tout autre mesure Saural qui fait des milliers de vue sur le web… Face à cela, il y a peu d’intellectuels de gauche qui émergent. C’est une conséquence de l’échec de la gauche au gouvernement.
Mathieu Pauc : Ils ont du succès, car ils vont à contre-courant de la pensée générale.
Hugo Petrachi : Edwy Plennel va également à contre-courant, pourtant cela fonctionne moins bien, car le curseur idéologique se droitise.
Vanessa C. Stone : Au final, cette situation lasse le citoyen lambda, parce que le fonds de commerce de cette idéologie est la peur.
Mathieu Pauc : Il faut distinguer la peur propagée par le message du FN et la peur de perdre un certain côté de notre culture. On peut penser que la culture française s’affaiblit sans pour autant être contre l’évolution de la société. On tape un peu vite sur des gens comme Finkielkraut, qui disent des choses vraies.
Vanessa C. Stone : C’est justement le danger. Ils disent des choses vraies dans leur discours, ce qui conduit les gens qui ont peu de recul ou d’esprit critique à tout prendre d’un seul bloc sans faire de distinctions. Ce problème ne peut se résoudre qu’avec un meilleur système d’éducation.
Le sujet inspire visiblement nos trois débatteurs qui s’accordent sur le fait que nos responsables politiques n’arrivent plus « à dessiner un avenir commun ». Avant de libérer nos invités, nous lançons le dernier sujet à l’ordre du jour. Et pas des moindres. La levée de l’embargo sur l’Iran (suite à l’engagement pris par le chef d’État d’abandonner son programme nucléaire) et dans un même temps la relance de la coopération économique franco-iranienne. « Les choses vont dans le bon sens, même si l’Iran reste une dictature, car le fait de créer une interdépendance économique peut les empêcher de revenir en arrière sur la question du nucléaire », espère Hugo Petrachi.
« Le vrai changement [En Iran] viendra du peuple » Vanessa C. Stone
« C’est un succès économique pour le président Hassan Rohani, qui est un modéré, donc c’est positif à la fois pour l’Iran, mais aussi pour France et pour Toulouse au regard du marché qui s’ouvre », poursuit Mathieu Pauc, en référence notamment à la commande des 118 Airbus. Pour Vanessa C. Stone, la France s’est assise rapidement « sur ses principes et ses valeurs au nom de l’économie ». De « la real politic » pour le jeune entrepreneur, qui a tout de même été choqué par « l’épisode des statues recouvertes en Italie », mais aussi par le fait qu’il n’y ait « aucune femme lors de la réunion avec le Medef en France». « Il y aurait pu y avoir un meilleur compromis », selon Vanessa C. Stone, qui retient tout de même du positif de cette rencontre : « Les deux présidents ont pu échanger et c’est une bonne chose, mais le vrai changement viendra du peuple », selon elle. « L’ouverture économique du pays permettra de meilleures conditions de vie, plus d’emplois… tout cela conduira à l’émancipation de la population », selon Mathieu Pauc. Une note d’espoir pour terminer cet échange… et commencer nos journées !
Mini bios :
Vanessa C. Stone : professeur d’anglais à l’EJT (école de journalisme de Toulouse) et à l’école d’ingénieurs INPT-ENSEEIHT, Vanessa C. Stone multiplient les casquettes : communicante, traductrice, journaliste… Elle travaille actuellement pour « le projet humaniste Eternesia » qui a pour objectif de ‘‘constituer des mémoires numériques’’.
Hugo Petrachi : Étudiant en 2e année de droit à l’UT1 Capitole, ce jeune toulousain est également militant socialiste, depuis 2012 et coordinateur régional du MJS (Mouvement des jeunes socialistes) Midi-Pyrénées, dont la structure est amenée à fusionner dans le cadre de la nouvelle grande région.
Mathieu Pauc : cofondateur d’une entreprise dans le secteur des panneaux solaires en 2006, Mathieu Pauc a revendu sa société à GDF Suez, et poursuit aujourd’hui diverses activités : rénovations de biens anciens, conseil aux start-ups en développement… Il a également créé une entreprise de design sur la côte basque qui utilise l’impression 3D.
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