Quel geste plus banal que celui d’ouvrir le robinet pour se servir un verre d’eau ? Tellement commun qu’on en oublie volontiers tout le parcours accompli par ces molécules pour parvenir jusqu’à nos palais. Et c’est dommage car ce chemin est semé d’embûches. Si, en France, le liquide que nous buvons au final est assurément de bonne qualité, quelques étapes plus tôt, l’état de la ressource est inquiétant. À l’occasion de la Journée mondiale de l’eau le 22 mars, le JT s’est immergé, de l’aval à l’amont, avec ceux qui prennent soin de ce bien commun.
A priori, tout va bien. Plus de 96 % des Français disposent d’une eau du robinet de bonne qualité. Ils ont d’ailleurs de plus en plus tendance à la préférer à l’eau minérale en bouteille, écologiquement désastreuse. « C’est le produit alimentaire le plus contrôlé. Chaque année, 15 millions de résultats d’analyse sont publiés », annonce Marillys Macé, directrice générale du Centre d’information sur l’eau, association créée par les entreprises assurant la gestion et l’assainissement en France.
« Le produit alimentaire le plus contrôlé »
Pourtant, tout n’est pas si limpide. En 2011, Anne Spiteri, scientifique et ancienne responsable de la police de l’eau à la Direction départementale de l’agriculture et de la forêt (DDAF) de Bordeaux, réalisait avec l’ONG WWF un rapport explosif. Selon elle, la directive-cadre sur l’eau (DCE), qui harmonise la réglementation européenne, ne tient pas compte de l’état patrimonial de la ressource. « La DCE se contente de fixer un seuil de pollution à ne pas dépasser et pour un nombre réduit de substances. Ce n’est pas parce que l’état chimique des rivières sera jugé “acceptable” que les espèces aquatiques ne subiront pas de perturbations ni que les sédiments ne seront plus contaminés », tonne-t-elle.
En matière d’eau, il s’agit en effet de distinguer la ressource et le liquide qui coule dans nos éviers. Si 95 % des consommateurs échappent par exemple aux pesticides, c’est grâce à de coûteux traitements de dépollution. Dans une enquête publiée en 2017, l’UFC-Que Choisir démontre que les normes sont dépassées dans la moitié des cours d’eau et dans le tiers des nappes phréatiques. La présence de nitrates est également supérieure aux valeurs guides dans 43 % des nappes souterraines.
L’association de consommateurs évalue de 640 millions à 1,1 milliard d’euros ce surcoût et dénonce le non-respect du principe du pollueur-payeur. « Pourtant responsable de 70 % des pollutions en pesticides et de 75 % en nitrate, l’agriculture ne paie que 7 % de la redevance pollution », pointe-t-elle. Et ces substances ne sont pas les seules dans l’eau. Selon un rapport du gouvernement, ce sont les résidus des cosmétiques et produits de soins corporels que l’on retrouve le plus dans les fleuves et les rivières, suivis des plastifiants, issus des parfums ou déodorants.
Les eaux souterraines, elles, sont surtout contaminées par des traces de médicaments et des composés d’usage industriel. « Nous détectons aujourd’hui des micropolluants et des perturbateurs endocriniens, ce qui n’était pas le cas avant. Mais la technologie ne permet pas encore de tous les abattre lors des traitements. Nous sommes dans un système curatif, il faudrait que l’on soit plus raisonnable en amont, chacun a son rôle à jouer », explique Marillys Macé.
« Nous sommes dans un système curatif »
Enfin, si l’essentiel de la population ne court au final aucun risque, 2,8 millions de Français disposent d’une eau polluée. Les pesticides, dans la majorité des cas, sont responsables de la non-conformité, surtout dans les territoires ruraux. Mais les pollutions peuvent aussi être dues à la vétusté des installations ou à la composition des canalisations. 3 % des analyses révèlent en effet la présence de plomb, de cuivre, de nickel ou de chlorure de vinyle pouvant contaminer le précieux élément.
© Le Journal Toulousain
Source : Centre d’Information sur l’eau
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