« Et pourtant elles innovent ! » aurait pu souffler Marie Curie en recevant son Nobel devant une assemblée exclusivement masculine. Un siècle plus tard, le secteur de l’innovation est loin de la parité. Pour défendre une vision plus féminine, l’Association femmes entrepreneurs de l’Europe (Afee) organise le colloque Femmes et innovation à Toulouse, ce jeudi 22 novembre. Entre supercalculateurs, écologie 2.0 et jardins partagés, le JT dresse le portrait de quatre entrepreneuses audacieuses et créatives.
Nous sommes en 2018 et le palmarès du célèbre concours Lépine est édifiant. Sur 40 lauréats, uniquement six sont des femmes et une seule a été récompensée à titre individuel pour son invention : un sac à main connecté ! De quoi donner à certaines des envies légitimes de #Balancetonretrograde. Mais d’où vient ce préjugé sexiste, enfermant les femmes dans un domaine domestique et superficiel, encore véhiculé par cette institution pourtant censée se projeter dans l’avenir ?
Selon Ouidad Yousfi, enseignante-chercheuse en finance à l’université de Montpellier et spécialiste des questions de genre et d’entrepreneuriat, les trop rares études qui se penchent sur le sujet se basent sur une définition en trompe l’œil qui marginalise les femmes. « L’innovation est souvent restreinte à sa dimension technique et technologique, à des secteurs industriels et marqués par une sous-représentation des femmes. Pourtant, 50 % des innovations sont sociales, environnementales et organisationnelles, des secteurs où elles sont très présentes », regrette-t-elle.
Par ailleurs, la confusion entre l’innovateur et l’entrepreneur (celui qui exploite l’idée) ainsi qu’un phénomène d’usurpation de la part des hommes qui s’approprient des innovations, voire des brevets, pourtant attribuables à leurs alter ego féminins, faussent encore un peu plus les représentations.
« 50 % des innovations sont sociales, environnementales et organisationnelles »
Et c’est là où le bât blesse. Bien que les sciences humaines aient invalidé, dans les années 1990, le préjugé selon lequel les femmes seraient plus réticentes que les hommes à la prise de risques, on constate toujours des phénomènes d’autocensure et de sous-valorisation. « C’est significatif dans leurs choix stratégiques qui relèvent parfois d’un entrepreneuriat domestique. Que ce soit dans la forme juridique ou dans l’investissement (microentreprise, autofinancement ou financement familial). Là où les hommes privilégient des formes qui intègrent la perspective de développement (SARL, financement bancaire) », décrit l’experte.
Sur le terrain, elles manquent trop souvent de confiance en elles-mêmes et ont tendance à sous-évaluer les budgets et les apports de leur projet. « Les barrières sont essentiellement psychologiques. Ce sont les stéréotypes qui nous limitent alors qu’il ne devrait être question que de compétences. Une entrepreneuse qui s’investit a moins le droit à l’erreur. Nous ressentons plus de pression alors que nous présentons un taux d’échec inférieur après cinq ans », déplore Michèle Raymondis, présidente de l’Association des femmes entrepreneurs d’Europe.
« Les barrières sont essentiellement psychologiques »
En ce début de XXIe siècle, l’ensemble des études témoignent plus d’une stagnation que d’une amélioration. « Je suis choquée que nous devions encore nous réunir pour faire avancer les choses. Les institutions font du misérabilisme autour de la femme. Il existe même des pôles ”création au féminin” dans les banques. Nous sommes considérées comme une catégorie. Pour ma part, je préfère qu’on parle de celles qui réussissent », s’insurge Michèle Raymondis.
Source : Baromètre Starther KPMG 2017
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