La responsabilité sociale des entreprises (RSE) n’a de sens que si elle est appliquée sur toute la planète. Nous n’y sommes pas encore, mais cela avance. Le point avec Michel Capron, professeur honoraire des universités en science de gestion et coauteur de ”La responsabilité sociale d’entreprise”, aux éditions La Découverte, 2016.
Déjà les plus vertueux en matière de protection de l’environnement ou d’égalité des sexes, les pays scandinaves sont aussi les champions de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), selon l’évaluation réalisée pour le Forum international pour l’économie responsable. C’est une région où les partenaires sociaux cherchent le consensus plutôt que le conflit, où les entreprises coopèrent plutôt que de se concurrencer, où les hiérarchies sont horizontales et les salariés très engagés. « Toute l’Europe est moteur en matière de RSE, de par sa forte législation », précise Michel Capron, professeur honoraire des universités en science de gestion, spécialiste du sujet.
En septième position de ce classement, la France est à l’initiative des lois les plus strictes : « Nous représentons un repoussoir pour l’Allemagne ou les pays de l’Est de l’Europe, qui craignent que nos normes s’appliquent à tous. Mais nous sommes un modèle pour les autres. » Ainsi, la France a été, en 2001, le premier État à obliger ses entreprises de plus de 500 salariés à publier chaque année un reporting extrafinancier, c’est-à-dire le bilan de leurs démarches environnementales, sociales ou sociétales : « C’est la loi phare en matière de RSE, la plus contemporaine, adoptée dans des dizaines de pays », détaille Michel Capron. De même, le texte sur le devoir de vigilance ratifié en France l’an dernier est « unique au monde », faisant reconnaître la responsabilité du donneur d’ordre tout au long de la chaîne de production, au-delà des frontières.
Et puis il y a l’école anglo-saxonne, qui légifère moins, préférant s’appuyer sur le volontariat. Si les États-Unis figurent parmi les mauvais élèves de la RSE, c’est notamment parce que bon nombre des entreprises ne font aucun effort. Pour autant, ce sont souvent les multinationales qui montrent l’exemple. Emblématique, Danone a intégré, il y a plus de vingt ans, les mêmes critères sociaux et environnementaux dans tous ses sites à travers le monde. Une pratique qui s’est répandue depuis dans de nombreux autres secteurs : « Ce n’est pas la panacée, mais cela offre toujours une base de négociation aux représentants du personnel des filiales étrangères. En attendant de réelles négociations collectives internationales ».
Il arrive aussi qu’une catastrophe locale soit à l’origine d’un accord global. Le professeur honoraire prend pour exemple le millier de morts causé par l’effondrement de l’immeuble bengali du Rana Plaza, qui abritait des ateliers de confection sous-traitants de plusieurs marques de vêtements mondiales : « Les organisations syndicales internationales, les ONG et les enseignes se sont alors entendues sur des mesures de surveillance des sites de production ou sur le financement de formations ».
Bien qu’il se désespère d’apprendre, jour après jour, le nom d’entreprises qui trichent en la matière, Michel Capron ne peut que constater, partout, la multiplication des initiatives en matirère de RSE : « Le monde entier est saisi du phénomène. On ne compte plus les pays qui appliquent la norme Iso 26 000 (la norme de référence de la RSE, ndlr). Jusqu’à la Chine, qui s’en inspire largement pour élaborer sa propre réglementation. »
Bio : Professeur honoraire des universités en sciences de gestion, coauteur (avec Françoise Quairel-Lanoizelée) de “L’entreprise dans la société. Une question politique”paru aux éditions La Découverte en 2015 et de “La responsabilité sociale d’entreprise” aux mêmes éditions en 2016 ; membre et ancien vice-président de la Plateforme nationale d’actions globales pour la RSE.
Dossier : “A quoi ressemble l’entreprise du futur ?”
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