Depuis 6 ans, les soirs et les week-ends, quand les cabinets des généralistes sont fermés, une association de médecins libéraux accueille des patients dans le quartier Saint-Cyprien. 7 000 actes y ont été dispensés en 2018. Pour comprendre le concept de la Maison médicale de garde de La Grave, le JT s’est glissé en salle d’attente.
Samedi, 14h. Le soleil a beau briller et le thermomètre atteindre les 17 degrés, bien en dessus des normales saisonnières, Charlotte tousse. Yeux rougis et mouchoir à la main, l’adolescente accompagnée de sa mère sent « qu’elle couve quelque chose ». C’est la première fois que Charlotte pousse la porte de la Maison médicale de garde de La Grave, située dans la Cité de la santé, rue du Pont Saint-Pierre.
« Vendredi, je ne suis pas allée au lycée, j’avais de la fièvre. Là, j’ai encore 39,5° et des frissons, c’est peut-être la grippe. Je n’allais pas aller aux urgences pour ça ! », glisse la jeune fille en s’installant dans la vaste salle d’attente. C’est sur le répondeur de son médecin généraliste que Charlotte a appris que ce lieu était ouvert le week-end. « Je ne savais pas que ce type d’établissement existait. Pour moi, c’était soit notre docteur de famille, soit les urgences. J’ai noté l’adresse », lance Carole, la mère de Charlotte. En face d’elles, une maman est assise sur un banc avec ses trois enfants. L’un d’eux dort à moitié dans ses bras. « Le plus jeune a très mal à l’oreille, certainement une otite. C’était compliqué d’attendre lundi », explique Marion, les traits tirés.
C’est la troisième fois qu’elle et ses enfants se rendent à la Maison médicale de garde. « Il y a un an, pendant un pont du mois de mai, nous sommes allés aux urgences à Purpan parce que la fièvre de ma fille ne tombait pas au bout de 48h. Nous avons patienté cinq heures ! C’est là que l’on m’a indiqué des alternatives comme SOS Médecins et la Maison médicale de garde. L’avantage ici est que ce n’est pas sur rendez-vous. Nous ne sommes pas obligés d’avoir un créneau libre, nous venons dès que nous pouvons. Il y a un peu d’attente, mais cela n’a rien de comparable avec les urgences », explique-t-elle, tout en avouant qu’elle n’osait pas « encombrer les urgences avec des maladies bénignes ».
La salle d’attente se remplit. De nombreux enfants prennent place sur les chaises. Le visage du docteur Jean-François Reinard apparaît dans l’entrebâillement de la porte. Le généraliste, officiant le jour dans son cabinet à Bellefontaine, est à l’origine de ce lieu peu commun. « Nous sommes ouverts le soir de 20h à minuit, le samedi de midi à minuit et le dimanche de 8h à minuit. Nous garantissons ainsi la permanence des soins », explique-t-il. Pour assurer des consultations sur ces tranches horaires, une trentaine de médecins se relaient dans la Maison médicale de garde.
« Le week-end, moment où il y a le plus de monde, nous sommes constamment deux. En ce moment, il s’agit surtout de pathologies saisonnières comme la grippe », poursuit le docteur Reinard, en prenant place derrière son bureau. Au fond du cabinet se trouve un divan de consultation. Ici, comme chez un généraliste, pas de plateau technique pour faire une radio ou poser un plâtre. Sur les 7 000 patients reçus chaque année, seuls 80 sont réorientés vers les urgences. « Nous sommes bien identifiés, le lieu commence à être connu », constate le praticien.
L’histoire de la Maison médicale de garde commence dans les années 1980. Le docteur Reinard est alors membre de l’Association départementale d’urgence médicale, qui permet par exemple d’envoyer un médecin un samedi soir chez une personne malade. « Le contexte a changé. Les visites à domicile sont devenues de plus en plus compliquées. En 2013, nous avons saisi l’opportunité de pouvoir bénéficier d’un soutien du Fonds d’aide de la qualité des soins de ville pour lancer le projet de la Maison médicale dans le centre de Toulouse », explique-t-il.
« Tout le monde ne peut pas avancer le prix d’une consultation de nuit, soit 70€ »
Le CHU accepte ensuite d’héberger cette nouvelle entité dans l’hôpital de La Grave. Pour ses frais de fonctionnement, elle compte notamment sur un financement de l’Agence régionale de la santé. Fidèles aux valeurs du serment d’Hippocrate, les médecins conçoivent cette maison comme un lieu ouvert à tous, sans rendez-vous. Les patients doivent seulement s’acquitter de la part mutuelle (15,45 euros le jour, 20,45 euros la nuit), qui est ensuite remboursée. « Tout le monde ne peut pas avancer le prix d’une consultation de nuit, soit 70 euros», lance le docteur Reinard.
« Si ce lieu n’existait pas, je serais encore en train d’attendre aux urgences »
Si le lieu incarne une réelle solution au désengorgement des urgences, le médecin affirme : « Nous ne pouvons pas tout prendre en charge. Mais il est vrai qu’en pédiatrie par exemple, nous représentons une alternative ». La Maison médicale de garde accueille d’ailleurs 30% d’enfants. Dans la salle d’attente, c’est au tour de la petite Lina et de son papa. « Si ce lieu n’existait pas, je serais encore en train de patienter aux urgences », lâche-t-il en prenant sa fillette dans les bras.
Maylis Jean-Preau
Commentaires