Tout être humain est un jour ou l’autre confronté au deuil. Cette réalité est aussi triste qu’inéluctable. L’affronter est une épreuve dont la perception a drastiquement changé durant les dernières décennies. Fruit d’une pression sociétale toujours plus forte : la mort est entourée de non-dits, de craintes et de préjugés. Le JT est allé à la rencontre de ces personnes qui tendent la main dans ce moment charnière.
« La mort est un vêtement que tout le monde portera. » Si le proverbe est africain, le tissu, lui, est universel. Un point final commun à tous. Indélébile. Eternel, comme les souvenirs gravés dans la mémoire des proches. Pour eux, et tôt ou tard pour chacun d’entre nous, tourner la page relève de l’épreuve. Refermer un livre représente sans aucun doute le défi le plus complexe auquel un individu est confronté. « Le deuil, c’est le non oubli », selon Marie-Françoise Champarnaud, psychologue et bénévole de l’association Vivre Avec en Limousin, qui organise des groupes de parole de personnes en deuil à Limoges (Haute-Vienne). Selon elle, l’auteure Jeanine Pillot, qui a écrit “L’accompagnement du mourant”, résume parfaitement le processus : « Le deuil permet de passer d’une absence réelle à une présence autre que physique. »
Le deuil, moment charnière d’une vie, mérite l’attention la plus totale. Et bien souvent un accompagnement. Si l’entourage de la personne disparue s’imagine alors isolée, plongée dans une obscurité qu’elle pense infinie, la lumière peut surgir de la voie médicale. Sont sollicités psychologues et médecins en soins palliatifs par exemple. Des bénévoles d’associations sont aussi amenés à intervenir. Leurs rôles sont prépondérants pour affronter le deuil.
« L’OMS stipule qu’après six mois, un deuil est pathologique. C’est une ânerie »
D’autant plus que cette épreuve reste la cible de nombreux préjugés et tabous, selon Marie-Françoise Champarnaud : « La société a tendance à mettre un couvercle sur la mort, sur le deuil, sur cette souffrance. On n’a pas le droit d’en parler. Il ne faut pas que cela s’éternise. D’ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé stipule qu’après six mois, un deuil est pathologique. C’est une ânerie. » La psychologue insiste sur la première étape cruciale : « Briser la loi du silence. Cela permet à une personne d’accepter la disparition d’un proche et sa nouvelle posture d’endeuillé. »
« Le deuil ne se vit pas tout seul »
Cette pression sociétale qui pousse à taire la peine est également observée par de nombreux bénévoles intervenants dans les hôpitaux auprès des familles. C’est le cas de Nicole Grillet, au centre hospitalier Bichat à Paris. Elle est membre de la JALMALV, une association qui assure l’accompagnement, l’écoute et le soutien des personnes en fin de vie, et de leur famille. « La mort est cachée. Le deuil, ça ne se vit pas tout seul … La société a toujours peur de la mort et essaie de l’occulter le plus possible. Ce qui est idiot parce qu’un jour ou l’autre, on y est toujours confronté. »
La mission d’accompagnement est aussi rendue complexe par la légitime fragilité psychologique de la personne endeuillée. Nadia Chadourne, psychologue libérale à Toulouse, y est confrontée quotidiennement. « Comme la personne affronte ce qu’elle redoute le plus, ce qu’elle nie, elle est extrêmement fragile. Ainsi, dans un deuil, tout comme dans une dépression, nous ne pouvons pas évacuer complètement le risque suicidaire. » C’est à ce moment-là qu’un accompagnement peut être déterminant. Celui-ci peut prendre plusieurs formes, d’un suivi médical à un groupe de parole. L’important étant de partager ses émotions et de parvenir à les identifier.
Quentin Marais
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