PROTECTION. Depuis trois ans, l’association Combustible organise des ateliers pour démocratiser des outils numériques respectueux de la vie privée. Exemple avec des seniors qui apprennent à surfer en toute sécurité.
«Est-ce que vous voyez tous la petite barre verticale qui clignote dans le rectangle blanc ?» lance Olivier Hag à une assistance aux cheveux poivre et sel. Attablée devant des écrans d’ordinateur, une dizaine de seniors suit attentivement les instructions, souris pointées sur la page d’accueil de Google. «C’est l’un des moteurs de recherche les plus efficaces car il emmagasine beaucoup d’informations sur vous», détaille Olivier Hag, formateur à l’association Combustible. «Il connait exactement l’adresse de l’ordinateur où vous naviguez, enregistre ce que vous recherchez, il peut donc savoir ce que vous aimez ou non… Le problème c’est qu’il peut ensuite vendre toutes ces informations.»
La leçon du jour consiste donc à utiliser Startpage, un moteur de recherche qui ne conserve pas les données personnelles. Édith, une des participantes, s’empresse de noter la marche à suivre dans son cahier. Comme la plupart des seniors présents, elle est novice en informatique. Toutes les semaines, à l’occasion de cet atelier organisé au centre culturel Bellegarde, une quarantaine de personnes apprend ainsi à utiliser un ordinateur avec méthode. Pour Olivier Hag, il est tout à fait possible de parler de notions aussi complexes que la protection des données personnelles à des débutants. «Nous prenons le parti de les sensibiliser à l’utilisation, dès le départ, d’outils respectueux de leur vie privée. Notre but n’est pas simplement de leur dire sur quel bouton appuyer pour envoyer un mail, mais qu’ils en comprennent la logique. Les logiciels libres exigent cette démarche. Tout l’inverse de Google ou Facebook qui mettent à disposition des outils clé en main, très ergonomiques mais qui vous évite de vous poser des questions.»
« Notre but n’est pas simplement de leur dire sur quel bouton appuyer pour envoyer un mail, mais qu’ils en comprennent la logique»
Les novices apprennent donc autant à fermer une fenêtre qu’à utiliser des logiciels libres ou Linux, un système d’exploitation alternatif. Ces derniers ont l’avantage de ne pas avoir de visées commerciales et d’être totalement transparents sur la façon dont ils sont conçus. Utiliser ces logiciels n’effraie pas Édith. À 66 ans, elle est venue pour être plus agile en traitement de texte. Et elle a finalement trouvé des réponses à des questions qui l’inquiétaient. «Je vois bien que quand j’achète en ligne, on me propose des publicités ciblées, mais c’était très nébuleux pour moi, je comprends maintenant pourquoi. Personnellement, je souhaite ne laisser aucune trace sur Internet. Désormais, je songe à utiliser Ubuntu (le système d’exploitation de Linux, ndlr)», annonce-t-elle fièrement.
Outre les seniors, la philosophie de Combustible est de toucher ceux qui n’ont pas les clés pour comprendre ces enjeux. Elle organise donc des ateliers similaires en direction de différents publics comme des personnes précaires, logées en centre d’hébergement d’urgence ou des adolescents et des enfants en centre aéré. «En les formant à la création numérique, nous en profitons pour les sensibiliser aussi aux logiciels libres. Il nous arrive aussi d’expliquer aux ados de 13 ans toutes les traces qu’ils laissent sur les réseaux sociaux, le modèle économique de Facebook, ou encore de leur apprendre à faire attention avec qui ils entrent en contact», détaille Olivier Hag.
Des ateliers qui n’ont pas forcément vocation à s’étendre à tous les publics. « Des associations comme Framasoft ou Toulibre font déjà cela très bien. » L’objectif est plutôt de rendre autonomes ceux qui sont les moins agiles. Et quand cela arrive, c’est une récompense pour Olivier Hag. «Des seniors que nous avons formés parlent de ces outils à leurs enfants ou leurs petits-enfants. Et pour une fois, ce sont eux qui leur apprennent quelque chose dans ce domaine,» conclut-il en souriant.
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