Il y a presque 10 ans, Delya quittait son pays natal, l’Azerbaïdjan, et arrivait à Toulouse par des chemins détournés. Pour offrir un avenir à ses enfants et ne plus vivre dans la peur quotidienne, elle a passé toutes les frontières, au sens propre comme au figuré.
« C’était dur, humiliant et épuisant, mais je ne regrette rien. Aujourd’hui, je peux dire que je suis heureuse », confie Delya dont les yeux brillants témoignent de la puissance de ses souvenirs. Comme une plaie maintenant cicatrisée qui saigne encore quand on l’effleure, le parcours du combattant que la jeune femme a vécu l’a marqué à jamais mais il fait aussi sa force. Son caractère bien trempé et l’amour de ses filles lui ont donné le courage nécessaire pour fuir une situation inextricable. Pourtant issue d’une famille aisée de Bakou, Delya mène une existence paisible jusqu’à ce que celui, qui deviendra son mari, l’arrache à cette vie et ne la contraigne à le suivre. Dans les montagnes azerbaïdjanaises, elle vit alors dans le dénuement le plus total, retenue par un homme qu’elle ne connaît que très peu : « Nous n’avions ni eau, ni électricité. Ma journée n’était rythmée que par ses exigences. Il a essayé de faire de moi son esclave. » Bref, une vie réduite à néant, sans droit de sortie, mais acceptée comme une fatalité… jusqu’à ce que Delya mettent au monde deux filles. Vivant déjà sous les coups et les insultes de son mari, il devient vite insupportable à la jeune mère de voir son sort s’abattre sur ses enfants. Elle n’entrevoit alors que la fuite car son pays n’a pas pour priorité la défense des droits des femmes ! Alors que son mari s’absente, elle prend ses enfants et quitte le foyer. Commence ainsi une vie de clandestine : « Nous nous cachions en permanence car il me recherchait pour me tuer », précise Delya. Pour elle, il devient évident que seule la distance pourra les sauver. Avec l’aide d’un “passeur”, elle décide de partir pour la France. Mais Delya ne parvient pas à réunir assez d’argent : « Je pouvais embarquer mais seule une de mes filles a pu m’accompagner ! » Un déchirement insupportable pour elle.
«Après un an, un mois et 7 jours, nous étions enfin réunies ! »
Leur arrivée en France est brutale. Le choc culturel et les labyrinthes administratifs la déstabilisent. Sans parler un mot de français et ne sachant pas vraiment où elle se trouve, Delya tente d’expliquer sa situation, complètement déboussolée… et tiraillée entre la joie d’être arrivée et la douleur d’être séparée de l’une de ses filles. De guichet en guichet, elle est finalement orientée vers l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration), qui lui-même la dirige sur différentes associations d’hébergement. Elle décrit des procédures longues et sinueuses, une administration compliquée. Sa demande d’asile est finalement acceptée et elle obtient un titre de séjour de 10 ans… Mais il manque une pièce au tableau : sa seconde fille. Elle se bat alors corps et âme et, « après un an, un mois et 7 jours, nous étions enfin réunies toutes les trois ! »
Volontaire et maligne, elle apprend rapidement la langue, scolarise ses enfants, pendant qu’elle enchaîne les petits boulots : « Je voulais me débrouiller seule ! » Une question de fierté. Aujourd’hui, elle est soulagée de pouvoir vivre normalement, de travailler, d’avoir un foyer puisqu’elle a aussi trouvé l’amour. Delya se sent Française, mais elle souhaite avoir la nationalité pour que la réalité remplace l’espérance : « Le jour où je voterai pour la première fois, ce sera un symbole fort pour moi ! » Elle l’attend avec impatience.
A lire aussi : Réfugiés : Toulouse, Terre d’accueil ?
A lire aussi : Des Espagnols aux Syriens, une histoire si différente
A lire aussi : Ils font autrement… pour aider les réfugiés
A lire aussi : La nouvelle vie d’une famille syrienne
A lire aussi : Les solutions de la semaine
Commentaires