Analyse. Les écoutes des conversations de Nicolas Sarkozy avec son avocat Me Herzog dans le cadre de l’affaire Bettencourt, la déclaration du ministre de la Ville Patrick Kanner qui désigne une « centaine de Molembeek » en France, et la décision du département du Calvados de tarifer les interventions des pompiers étaient à l’ordre du jour mardi dernier au Télégramme. Nos invités s’en sont donné à cœur joie…
Par Séverine Sarrat et Coralie Bombail
Une fois n’est pas coutume, nous avons accueilli quatre intervenants autour de la table pour le débat hebdomadaire du JT : Fabrice Valéry, journaliste à France 3 Midi-Pyrénées, Joël Carreiras, élu PS dans l’opposition toulousaine, Pierre Aoun, directeur général adjoint de LP Promotion et Christian Saint Blancat, directeur de radio Axe Sud à Muret, ont tour à tour commenté l’actualité chaude. Les échanges commencent sur les écoutes de Nicolas Sarkozy validées par la Cour de cassation dans l’affaire Bettencourt, mais qui ont révélé des soupçons de trafic d’influence et de corruption d’un magistrat, pour lesquels l’ancien chef de l’état est mis en examen. « On s’y perd ! Il y a un tel mélange d’affaires », réagit en premier Joël Carreiras, « il y a un relatif silence à droite sur ce feuilleton judiciaire, ce qui m’inquiète c’est la persistance de Nicolas Sarkozy, et son toupet de continuer à parader malgré cela ». Christian Saint Blancat se demande quant à lui si « un ancien président de la République peut être au-dessus des lois. Il ne respecte pas la décision de la plus haute juridiction française, ce qui est limite, et je ne suis pas sûr que son recours devant la Cour européenne soit le plus adéquat », estime-t-il. Pour Pierre Aoun, il est tout de même « rassurant de voir que Nicolas Sarkozy est mis en examen, cela prouve que la justice est la même pour tous ce qui n’est pas le cas dans tous les pays », rappelle-t-il. Mais l’histoire parait rocambolesque aux yeux de Fabrice Valéry : « Si un scénariste de séries, type House of card, l’avait écrit, on aurait dit que ce n’était pas crédible ! Entre l’achat du téléphone jetable, le pseudonyme, les écoutes pour l’affaire Bettencourt qui en fait révèle une autre affaire… C’est invraisemblable, ce qui ne veut pas dire que c’est faux. » Pour le journaliste, l’ancien chef de l’État chercher à « gagner du temps », car la campagne des primaires à droite a commencé : « Nicolas Sarkozy ne s’est pas encore déclaré, mais je ne vois pas comment quelqu’un qui a autant de problèmes avec la justice peut être candidat, d’autant que les sondages ne sont pas en sa faveur. » Joël Carreiras précise qu’il y a « un décalage entre les militants LR, qui sont plutôt favorables à Nicolas Sarkozy et le reste de l’opinion publique ». Mais les primaires de la droite et du centre sont ouvertes à tous et si l’ancien chef de l’État, « battu aux dernières présidentielles est aussi battu aux primaires, ce sera la pire fin politique », conclut Fabrice Valéry.
« Il y a 50 ans, je rêvais d’habiter au Mirail, qui est progressivement devenu un ghetto »
Les plats de résistance arrivent sur la table en même temps que le deuxième sujet du débat : le ministre de la Ville, Patrick Kanner, a déclaré dimanche sur Europe 1 qu’ « une centaine de quartiers en France » présentaient « des similitudes potentielles avec Molenbeek ». Une sortie largement critiquée dans la presse par ses camarades socialistes… Joël Carreiras ne fait pas exception : « Cela ne fait pas avancer le débat, les Buttes Chaumont ne peuvent pas être comparées à Molembeek, pourtant c’est le quartier des frères Quashie… Les choses ne sont pas aussi simples ! » Pierre Aoun enchaine : « Il ne faut pas stigmatiser les quartiers, je préfèrerais que l’on mette en avant les associations qui luttent contre la radicalisation, qu’on sensibilise le grand public et les familles à ce phénomène. » Pour Fabrice Valéry, il s’agit clairement d’une « faute politique » : « En 2016, un membre du gouvernement n’arrive pas à une émission comme celle-là sans avoir préparé des fiches, ces propos ne sont pas une maladresse », avance-t-il. Sur le fond, « les problèmes de délinquance et l’évolution qui amène à la radicalisation restent les vrais sujets », selon Joël Carreiras. « Les attentats de novembre ont changé quelque chose », poursuit le journaliste de France 3, « auparavant, on voulait combattre l’économie souterraine dans les quartiers dits sensibles pour rendre la vie meilleure à ses habitants, aujourd’hui ces quartiers sont perçus comme un danger pour tout le monde et sont stigmatisés. » Christian Saint Blancat, quant à lui, constate une évolution de la situation dans les quartiers : « J’ai habité à Bagatelle, il y a 50 ans, et je rêvais d’habiter au Mirail, qui est progressivement devenu un ghetto. Dire qu’il y a un terreau du terrorisme dans ces quartiers en France, c’est vrai, mais personne ne se demande pourquoi, il n’y a aucune analyse sur le sujet », regrette-t-il. « Le terreau, c’est la misère », répond Fabrice Valéry, qui remarque « qu’on a raté le passage à la mixité sociale. » Une problématique que connait bien Pierre Aoun en tant que dirigeant d’une société de promotion immobilière : « Depuis la loi SRU de 2008, les logements sociaux sont imposés par immeuble et sont mieux répartis, donc la problématique sur le peuplement des logements n’est pas une fatalité, on est sur la bonne voie », estime-t-il, optimiste. « Mais il faut que cela soit relayer localement », précise l’élu toulousain, qui ne peut s’empêcher de signifier que « le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, a assoupli cette règle dans le PLU (Plan de logement urbain), ce qui implique que les logements sociaux vont se concentrer sur les gros programmes immobiliers. » Ce sera le mot de la fin… Ou presque.
« Il ne faut pas que les gens aient peur d’appeler les secours à cause du prix »
Reste un dernier thème à aborder : la tarification de certaines interventions des pompiers dans le département du Calavados, qui entre en vigueur ce jeudi 31 mars. Une personne âgée qui appelle les pompiers suite à une chute sera facturée 241 euros, si celle-ci n’est pas conduite à l’hôpital, par exemple. « Scandaleux ! » s’exclame Pierre Aoun, « c’est un service régalien qui ne doit en aucun cas aboutir à un système à 2 vitesses, il ne faut pas que les gens aient peur d’appeler les secours à cause du prix. » Un avis qui fait l’unanimité parmi nos invités du jour. « Les gens ont déjà payé leurs impôts, leur imposer de payer un service public est une double peine », considère Fabrice Valéry. « Il vaudrait mieux sensibiliser les gens aux missions des pompiers afin d’éviter les abus », poursuit Pierre Aoun, alors que Joël Carreiras ajoute que « cela concerne seulement 15% des appels ». Un phénomène marginal utilisé à des fins politiques selon Fabrice Valéry : « On profite de ces abus pour détruire le service public, c’est d’autant plus facile qu’il y a toujours eu une relation très bizarre entre les Français et les services publics, car on a besoin d’eux, mais on s’en plaint tout le temps… C’est une voie royale pour les politiques qui veulent affaiblir ce système. » Une philosophie libérale en filigrane, selon laquelle « tout devient marchand », résume l’élu socialiste. Derrière cette mesure, c’est la notion de service pub lic qui est en jeu. Tout un débat.
Mini bios :
Joël Carreiras : Ingénieur de recherche dans un laboratoire d’économie, Joël Carreiras est élu au Conseil municipal de Toulouse au sein du groupe d’opposition socialiste. Sous la mandature de Pierre Cohen, il a été adjoint au maire en charge de Finances et vice-président de Toulouse métropole en charge des Transports.
Fabrice Valéry : Journaliste, rédacteur en chef adjoint de France 3 Midi-Pyrénées, Fabrice Valéry gère le site internet de France 3 en région avec l’objectif de porter « un regard global sur l’actualité régionale ». Il tient également le blog ‘‘médias’’ du site, qui permet de traiter l’actualité de la presse locale.
Christian Saint Blancat : Fondateur de la radio Axe Sud à Muret, il y a 10 ans, Christian Saint Blancat est toujours à la tête de ce média. Kinésithérapeute de métier, aujourd’hui à la retraite, il se consacre à sa radio, diffusée sur 105.1 FM ou sur internet www.radio-axe-sud.fr.
Pierre Aoun : Directeur général adjoint et associé de société de promotion immobilière LP Promotion, Pierre Aoun a intégré cette entreprise familiale à l’âge de 25 ans. Ancrée dans le Sud-Ouest, LP Promotion développe ses activités à Toulouse et Bordeaux, avec l’ambition « de proposer du logement pour tous », résume le dirigeant.
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