Conscience. Au lendemain de la tuerie d’Orlando, nos invités ont accepté de commenter cette actualité internationale qui résonne malheureusement dans l’Hexagone. Jean-François Bataille et Jean-Jacques Mirassou se sont également penchés sur la loi El Khomri et les incidents survenus à Marseille, en marge de l’Euro 2016. Des faits divers certes, mais qui revêtent un enjeu sociétal.
Par Coralie Bombail et Séverine Sarrat
C’est avec effroi, indignation et colère que nos deux invités du jour ont appris la fusillade qui a eu lieu à Orlando, en Floride, dans un club gay. Cette dernière, revendiquée par Daech, a couté la vie à 50 personnes, dont l’auteur des faits. Pour Jean-Jacques Mirassou, « il s’agit-là d’un obscurantisme qui vise à interdire de vivre comme on l’entend ce qui, pourtant, est le signe d’une société en bonne santé. » Pour rappel, la Cour Suprême a légalisé le mariage homosexuel le 26 juin 2015, mais à une courte majorité, « ce qui signifie que beaucoup d’Américains sont contre », en déduit Jean-François Bataille. C’est d’ailleurs un des thèmes de discorde entre les deux candidats aux présidentielles Hillary Clinton et Donald Trump. Ainsi, la responsabilité de tels massacres serait collective car comme le rappelle le conseiller départemental : « la société génère les politiques qu’elle mérite ! » Encore peut-on s’interroger, à l’image de Jean-François Bataille : « Donald Trump représente-t-il la société américaine ? » Cette question en suspens aurait tendance à l’effrayer, de même que l’augmentation des actes isolés : « lutter contre des groupes organisés est déjà difficile mais contre des frappes isolées, c’est encore pire ! » constate-t-il, donnant pour exemple l’assassinat de deux policiers lundi dernier à Magnanville (Yvelines), par un homme de 25 ans, appartenant à une filière djihadiste. Effectivement, Jean-Jacques Mirassou acquiesce : « il est difficile d’anticiper ces passages à l’acte, souvent provoqués par des propagandes extrémistes. Cela reviendrait à ficher tous ceux qui paraîtraient suspects ce qui va à l’encontre de notre droit. L’enjeu est ici sociétal et les élus ont donc un rôle à jouer ! »
« Il y a quelques années, l’intégration n’était pas une question, elle se faisait mécaniquement » Jean-Jacques Mirassou
C’est pour cela que les violences actuelles et l’extrémisme doivent être une préoccupation des candidats aux présidentielles américaines. « Entre Clinton qui ne veut pas leur déclarer la guerre et Trump qui souhaite surveiller toutes les mosquées, aucun n’a raison », analyse Jean-François Bataille. Pour lui, que l’on parle d’homophobie, d’actes terroristes ou d’islamophobie, l’explication commune reste la méconnaissance de l’autre : « Il faut comprendre que ce qui peut sembler normal et habituel pour les uns, ne l’est pas forcément pour les autres… et vice et versa ! » Pour faire face à cela, la France a un atout de taille comme le rappelle Jean-Jacques Mirassou, « c’est la laïcité. » Lui a travaillé au Mirail pendant 25 ans, en tant que dentiste, et a noté une évolution flagrante des comportements : « Il y a quelques années, l’intégration n’était pas une question, elle se faisait mécaniquement, mais depuis que la religion a refait surface chez les jeunes en quête d’identité, tout a changé ! »
Assimilés également à des extrémistes… du sport, les hooligans ont eux, déjà commencé à gâcher la fête populaire que représente l’Euro de football. À Marseille, une poignée de supporters russes et anglais se sont affrontés en marge du match opposant leurs équipes nationales. Une violence exacerbée par le match peut-on penser… mais : « les hooligans n’ont que faire des matchs, ils viennent pour en découdre. Leur organisation m’effraie réellement, ce sont des pros de la guérilla urbaine. J’ai même entendu que les Russes s’étaient abstenus de boire pour être totalement lucides et plus offensifs. » C’en est trop, il faut sévir et être intransigeant avec ces gens, estime le conseiller départemental. Mais comment faire ? « C’est là un aveu d’impuissance totale face à de petits groupuscules », commente Jean-François Bataille qui constate que même les termes employés pour qualifier ces événements ne sont pas à la hauteur : « Tous les médias parlent de débordements, mais nous sommes bien au-delà d’un simple débordement. » Le monde du sport semble biaisé et minorer toute forme d’abus, les violences extrêmes devenant banales, les scandales concernant la FIFA, Benzema… classiques. « C’est s’il ne se passait rien que ce serait extraordinaire ! » déplore Jean-Jacques Mirassou. Pour nos invités, le football n’évolue pas dans les mêmes sphères que les spectateurs qui le regardent, pourtant le sport est un vecteur social important et par là-même une préoccupation politique et économique… « C’est d’ailleurs ce mélange des genres qui rend les choses complexes », analyse le journaliste.
« La somme des intérêts particuliers, ne fera jamais l’intérêt général » Jean-François Bataille
L’une des préoccupations politiques et économiques du moment, est également le débat actuel sur la loi El Khomri. Passé en première lecture à l’Assemblée nationale, le texte est actuellement devant le Sénat, à majorité de droite. Cette dernière semble vouloir donner un tournant libéral au projet initial, notamment en s’attaquant aux 35 heures. Le premier commentaire à ce sujet vient de Jean-François Bataille qui constate d’abord que « l’intérêt politique et l’intérêt général ne font pas toujours bon ménage ! » Pour limiter les abus d’une opposition majoritaire, lui pense que l’État doit être un régulateur autoritaire. Justement, l’ancien sénateur présent à notre table témoigne : « Ce sont en réalité les primaires de la droite qui se jouent car ils vont tenter de montrer aux Français ce qu’eux auraient fait s’ils étaient au pouvoir. À nous de riposter en démontrant aux électeurs, à l’inverse, que c’est ce à quoi ils auront droit si la droite passe aux prochaines présidentielles : fin des 35h, fin de la retraite à 60 ans, normalisation restrictive des indemnités de licenciement… » Les débats qui agitent le pays aujourd’hui, ne semble pourtant pas atteindre son vis-à-vis du jour qui lui juge que la loi travail n’est que le haut d’un iceberg bien plus important : « Il faut réinventer toute l’économie, cette loi n’en est qu’un détail. Nous résonnons encore comme au XXe siècle à l’aube de l’intelligence artificielle et de la robotisation ! » Alors, la planche de salut semble être le dialogue et le juste milieu. Le Medef tout comme la CGT reprochant à la loi travail d’être une coquille vide, la vérité serait-elle entre les deux ? « Sûrement », lance Jean-Jacques Mirassou, « il faut être au plus près des besoins d’une entreprise sans entamer le droit social ! » Mais les deux parties sont-elles prêtes à faire des concessions ? Jean-François Bataille voit plus loin et s’interroge sur la place même du syndicalisme au XXIe siècle, en faisant un enjeu sociétal : « nous voyons bien là un refus de voir le monde avancer, chacun campant sur ses positions. » Pour lui, l’économie sociale et solidaire serait une réelle alternative à ce monde du travail qui ne tourne plus rond. Repenser l’économie autrement, avoir un rapport au travail différent, est un enjeu essentiel à son sens, « car la somme des intérêts particuliers, ne fera jamais l’intérêt général. »
Mini-bios :
Jean-Jacques Mirassou : Vice-président du Conseil départemental, en charge des sports, de l’éducation populaire, de la mémoire et des anciens combattants, il a également été pendant 19 ans membre du conseil municipal de Toulouse, tantôt dans la majorité, tantôt dans l’opposition, mais aussi sénateur de Haute-Garonne. Ce chirurgien-dentiste de formation milite au parti socialiste depuis 1974, « au lendemain de la défaite de François Mitterrand aux présidentielles ».
Jean-François Bataille : Homme de médias, il a successivement porté le micro de Radio France, RTL, Paris Première et France 3 pour, aujourd’hui, diriger Actifs Radio sur le web. Celui pour qui l’économie sociale et solidaire et l’innovation sociale sont des enjeux fondamentaux, est également responsable du mouvement “La Transition” qui fait le choix des primaires citoyennes.
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