Responsabilités. Ils ne se connaissent pas, mais ont accepté de partager un café… et leurs idées. Autour d’un petit-déjeuner, Marie-Catherine Compiegne-Jary, Jean-Paul Coltat et Thierry Cotelle réagissent à l’actualité nationale : Marine Le Pen fait parler d’elle en annulant son intervention dans l’émission « Des paroles et des actes », retour sur les émeutes de Clichy-sous-bois dix ans après, et l’accident de bus de Puisseguin.
Par Myriam Balavoine et Séverine Sarrat
Ils viennent d’horizons différents mais c’est finalement ce qui enrichit la rencontre et alimente le débat. Les présentations sont à peine commencées que les questions fusent déjà. Nos invités semblent prêts à décortiquer les vies des uns et des autres, tout comme notre premier sujet. Invitée principale de l’émission ‘’Des paroles et des actes’’, présentée par David Pujadas, sur France 2, jeudi dernier, Marine Le Pen a finalement refusé d’intervenir, ce qui a entraîné l’annulation du programme. « C’est un coup médiatique, elle réussit à manipuler les médias et à faire le buzz! » commence Marie-Catherine Compiegne-Jary. « Il ne faut pas sous-estimer la responsabilité de la chaine, qui a une mission de service public. Evidemment, Marine Le Pen se pose maintenant en victime… », enchaîne Thierry Cotelle, assis en face d’elle.
En amont de l’émission, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti Socialiste, et Nicolas Sarkozy, président des Républicains, étaient intervenus auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Ils dénonçaient un temps d’antenne accordé à la candidate aux régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, pouvant désavantager leurs propres têtes de listes à quatre jours de l’ouverture officielle de la campagne. Situation à laquelle la chaîne publique a dû remédier en invitant lesdits candidats, Pierre de Saintignon (PS) et Xavier Bertrand (Les Républicains). De même, Jean-Paul Coltat s’interroge sur l’annulation de Marine Le Pen, dont il pense qu’elle aurait été forcément mal à l’aise sur le plateau, connaissant mal la région pour laquelle elle est candidate. Pour notre invitée féminine, « rien de tout cela n’était prévu, mais les choses ont effectivement favorisé la réaction de victimisation de Marine Le Pen ».
« L’Etat doit prendre ses responsabilités »
Thierry : Les journalistes n’ont pas assez préparé leur programme, il y a eu un manque d’anticipation. Il était prévisible que les autres candidats opposés à Marine Le Pen réagiraient…
Nos deux autres invités gardent leurs propos centrés sur la classe politique et la principale concernée. « Elle récupère tous ceux qui sont contre un autre parti. Or, le rôle d’un parti est de fédérer autour d’idées et d’un programme » souligne le directeur des Chalets alors que pour sa voisine de table, qu’ils soient pour ou contre, « la plupart ne lisent même pas les programmes ». Quant à Thierry Cotelle, il considère que « par démagogie, Marine Le Pen récupère tout ce qu’elle peut. Ce type de problème aurait pu être évité en amont ». L’hypothèse que la présidente du FN puisse accéder, dès les prochaines élections présidentielles de 2017, à la tête du pays est soulevée. Pour Jean-Paul Coltat, « il faut se battre jusqu’au bout. Le danger est que les partis classiques n’arrivent pas à garder leur électorat, cette désaffection du monde politique… » Notre seul invité engagé en politique renchérit : « Le risque qu’ils passent au pouvoir existe. Ce que je leur reproche, c’est surtout de cacher ce qu’ils feraient en y arrivant, leur véritable fond idéologique se révèlerait. » Le risque FN met nos invités d’accord, alors que pensent-ils d’une union « UMPS » pour le contrer ? « Une grosse partie de la droite cherche à marcher sur les plates-bandes du FN, mais il ne faut pas aller dans son jeu » avance Jean-Paul Coltat. Thierry Cotelle suit et conclut le sujet : « Ce ne sont pas des équipes qui jouent l’une contre l’autre. C’est la responsabilité du PS d’avoir un cap et de s’y tenir.»
« Il ne faut pas sous-estimer la responsabilité de la chaîne, qui a une mission de service public »
C’est Marie-Catherine Jary qui se lance la première sur les émeutes de Clichy-sous-Bois et leurs effets dix ans après : « Je les ai perçues comme un phénomène d’avant-garde à l’époque. Je pense que nous sommes loin d’être sortis de cette période. Les violences urbaines sont dues à un manque de confiance ». « Des choses ont changé, mais il reste beaucoup de problèmes à régler. Il faut poursuivre l’effort, et ne pas cloisonner un certain type de population à un endroit » enchaine son voisin de table. Thierry Cotelle, quant à lui, interroge le groupe : « la politique menée est un échec. Il y a une profonde inégalité, quelle perspective donnons-nous à ces jeunes ? » Si pour nos invités du jour la mixité sociale ne semble pas résoudre le problème en profondeur, Manuel Valls a pourtant décidé de substituer les préfets aux maires dans les communes ne respectant pas la loi SRU (25% de logements sociaux). Est-ce là une méthode efficace ? « Absolument. L’Etat doit prendre ses responsabilités » affirme Jean-Paul Coltat. « Si un pourcentage est imposé, il doit l’être partout», répond Marie-Catherine.
Tout le monde a déjà fini son café quand la conversation enchaîne sur l’accident de bus survenu le vendredi 23 octobre à Puisseguin, en Gironde. Un bilan lourd, 43 morts, et une déclaration de Noël Mamère, élu écologiste de la région, tenant pour responsable la loi Macron sur la libéralisation des transports en autocars. Marie-Catherine Jary débute : « c’est un faux problème, les politiciens doivent arrêter ces récupérations d’évènements qui n’ont rien à voir avec la politique » alors que Jean-Paul Coltat dénonce, lui, ces petites phrases assassines lancées à tout va destinées à régler des comptes. Pour Thierry Cotelle, pestant sur cette volonté de toujours vouloir trouver un coupable, il s’agit d’un « dérapage de Noël Mamère. Il sait ce qu’il fait, et on ne fait pas de la politique de cette manière. Il faut accepter que le risque zéro n’existe pas. C’était un accident, point barre» déclare-t-il. Quant à la loi de libéralisation des transports en bus à proprement parler, Jean-Paul Coltat la juge plutôt satisfaisante : « ce marché aurait même dû être ouvert depuis longtemps. Cela créera forcément de l’emploi et permettra à des entreprises privées d’investir un nouveau marché. Ce système existe à l’international, il est temps de se mettre à jour ». C’est sur cette idée que le débat prend fin, et que les trois Toulousains rassemblent leurs affaires, avant de se saluer et de repartir pour la suite de leur journée.
Mini-bios
Marie-Catherine Compiegne-Jary – Elle est l’organisatrice du Salon des Antiquaires et des Arts Contemporains de Toulouse, dont la 35e édition se tiendra du 31 octobre au 8 novembre, au Parc des Expositions. Juriste de formation, elle ne se prédestinait pourtant pas à cette carrière mais, tradition familiale oblige, elle reprend finalement les rênes du Salon, créé par son grand-père, en 2009.
Jean-Paul Coltat – Il est le Directeur général du Groupe les Chalets depuis 2010 et de son Groupement d’Intérêt Economique (GIE) depuis 2012. Cette Entreprise Sociale de l’Habitat (ESH) construit environ 800 logements sociaux par an, dont presque 200 en accession à la propriété. Selon lui, « il faut savoir se préoccuper de l’économique pour pouvoir faire du social. »
Thierry Cotelle – Son engagement politique tient à un homme : Jean-Pierre Chevènement. C’est pour le soutenir qu’il rejoint le Mouvement des citoyens après 10 ans d’adhésion au PS. Conseiller municipal d’opposition à Toulouse en 2001, il devient, en 2008, conseiller municipal de Pierre Cohen. Présent aujourd’hui sur la liste de Carole Delga pour les élections régionales, il assure parallèlement la direction d’un groupe industriel aéronautique.
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