A l’heure où de nombreux réfugiés syriens, irakiens, afghans… arrivent encore par l’Est de l’Europe et que les Etats membres s’étaient mis d’accord quant à leur répartition, certains font volte-face en choisissant de fermer leurs frontières. Faut-il alors les imiter et oublier Schengen pour maitriser le flux attendu ?
Jean-Louis Chavoillon
Président du Think tank l’A.P.Ré, militant Les Républicains
Face à une vague de migrants jamais connue en Europe, devant une Allemagne submergée, se pose aujourd’hui la question légitime du rétablissement des contrôles frontaliers au sein de l’Union. Cette question ne doit pas se confondre avec la fermeture utopique des frontières. Aucune frontière n’est totalement hermétique pas même celle de l’ex rideau de fer. En revanche, il est important de profiter de cette crise pour revisiter les règles qui détruisent l’espace Schengen en distinguant la totale liberté de circulation avec l’insuffisance de surveillance aux frontières. La faute politique de Schengen, c’est d’avoir supprimé les contrôles internes sans pour autant se donner les moyens de surveiller les frontières extérieures de l’Union. Frontex, en charge de cela, est dépassée pour mener à bien sa mission de contrôle et l’élargissement de l’Union Européenne vers l’Est, le voisinage avec des états sensibles comme la Turquie, la faiblesse étatique de pays tels que la Grèce, la désintégration de certains états du Moyen Orient a accentué le processus. Mais, ce serait un mensonge collectif de tout remettre en cause ; ce n’est pas le prétendu laxisme européen qui attire ces milliers de gens mais les atrocités dans leurs pays et le désir de trouver une vie meilleure. La libre circulation est une évidence et l’un des acquis européens les plus appréciés. L’exemple du programme Erasmus pour les étudiants en est une preuve concrète. Alors quelle Europe voulons-nous ? L’Europe du chacun pour soi ou celle de la mutualisation des moyens pour des contrôles plus efficients aux frontières, l’Europe de la dispute ou celle de la solidarité à l’échelle communautaire ? L’Europe inaudible ou celle unie face au totalitarisme religieux ? Alors oui, il est temps de dire que celui qui veut que l’Europe reste telle qu’elle est, ne veut pas qu’elle reste.
Pierre-Yves Schanen
Conseiller délégué PS au tourisme, loisirs et déplacements à la mairie de Ramonville, conseiller communautaire du Sicoval.
Il y a des frontières, des contrôles, des barbelés. Autour de l’Europe se rétablissent des murs, en Bulgarie ou autour de Ceuta. Orban autorise sa police à tirer. La question n’est pas « faut-il des frontières ?», car il en faut et il y en a, mais elles ne règlent rien. Fermer, ce n’est pas comme en Allemagne, ponctuellement contrôler un flux inhabituel. Ce que revendique le FN, c’est d’enfermer le « territoire national ». Il est aussi illusoire d’imaginer l’absence de contrôle, qu’il est vain de se barricader. Un oncle douanier me contait ce cousin passant chaque jour à vélo la frontière avec un énorme sac. Et chaque jour, le douanier faisait ouvrir le sac. Au jour de sa retraite, il veut savoir « quelle était ta combine pour frauder ma douane ? » « Je faisais un trafic de vélo ». Payer un corps de douane pour tenir 5 000 km, c’est onéreux et illusoire. Les attentats récents n’ont pas été liés à des passages de frontières. Et on ne retrouverait pas plus de souveraineté nationale : les questions des réfugiés ou de la guerre sont internationales par nature. On ne les réglera qu’ensemble. A Calais, c’est parce qu’il y a une frontière fermée qu’on plonge une des villes les plus pauvres dans un désarroi quotidien. La question des migrations est, avant tout, économique. Celle des peurs est surtout culturelle et stratégique. Rien de cela ne serait effacé par la fermeture des frontières aux résidents Schengen. Craindre son voisin au moment où on a besoin de lui ne rassure pas. D’ailleurs, les frontières sont les cicatrices de rapports de force du passé. Revenir en arrière serait rouvrir ces plaies. En Europe, on est passé des tranchées à la même citoyenneté, de la retirada au même parlement. Au bout de ce processus, on a pu cesser de se voir comme tout à fait étranger. Mon père a grandi à Schengen, ce village luxembourgeois. Il l’a vu sous les bombes. C’est aujourd’hui un symbole de paix. Ce qui doit être fait, pour cette génération, c’est construire le même processus avec toute la Méditerranée. Elever des ponts, ne pas abaisser les barrières.
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