Le lancinant débat sur la laïcité a été relancé, le 18 janvier dernier, par le Premier ministre Manuel Valls face à Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité. La gauche va devoir affirmer sa position à ce sujet pour 2017, et trouver une issue à ce débat. Les points de vue diffèrent.
Françoise LABORDE, Sénatrice PRG de la Haute-Garonne
« La problématique du débat sur la laïcité dépasse de loin le clivage des partis politiques. Il ne s’agit pas de savoir comment la gauche peut trouver une issue à ce débat, mais de savoir si nous plaçons tous le même sens derrière le mot laïcité.
La laïcité souffre depuis trop longtemps des qualificatifs que lui ont accolés les pouvoirs politiques de tous bords. Il ne peut y avoir de laïcité “ouverte”, “positive” ou encore “apaisée” comme j’ai pu le lire. Tout cela est absurde et surtout contre-productif.
C’est là que réside le différend qui oppose certains membres de l’Observatoire National de la Laïcité dont je fais partie. Cela fait de longs mois que nous donnons l’alerte sur les discordances de cette assemblée. Une étincelle a suffi à faire éclater cette situation douloureuse.
À mon sens, le débat sur la laïcité s’enlise par manque de clarté. Nous devons pouvoir nous appuyer sur une volonté politique forte et claire dans sa perception du champ laïque. Il est temps d’arrêter les prises de décisions d’un jour qui sont atténuées le jour suivant. Trop de concessions ont été faites, trop de messages contradictoires ont été envoyés dans l’opinion publique. Un langage clair doit être adopté à ce sujet, je reprendrai les mots d’Henri Peña Ruiz qui dit de la laïcité qu’elle « rend possible la coexistence de personnes d’origines très diverses. Il ne s’agit pas de nier les différences, mais de faire vivre une sphère commune à tous par-delà les options personnelles. Cet universalisme est source de paix. »
Aujourd’hui, l’accent doit être mis sur la pédagogie pour permettre une laïcité accessible à tous. Les jeunes générations doivent être en mesure de se l’approprier pour la faire vivre au quotidien. Cependant, le préalable à cela est passé par une définition claire du principe de laïcité avec lequel nous ne devons plus transiger, car il est le garant du vivre ensemble dans notre société. »
Pierre Juston, Doctorant en Droit Public. Membre du PS31.
« Le débat sur la laïcité prend aujourd’hui une forme caricaturale regrettable, surtout pour la gauche. D’abord parce qu’une grande partie de la droite interprète mal ce principe républicain et pour s’en convaincre, il faut s’en référer à la dernière proposition de loi du député Aubert ou à la position de Laurence Arribagé, partageant leur adoration pour les “racines judéo-chrétiennes de la France” à propos des crèches de Noël. Ensuite, parce que la gauche que l’on entend le plus est celle dont la posture consiste à n’accepter aucune loi contraignante tant l’idée même d’interdit lui est étrangère. Le combat à gauche, c’est celui entre cette prétention immense qu’est l’universalisme, dont je me revendique, et celle d’une vision communautariste de la République. Quand l’une s’attache aux grands principes qui fondent notre contrat social citoyen, l’autre estime au mieux que cette démarche est déconnectée, au pire que c’est une résurgence raciste postcoloniale. C’est cette vision qui est coupée des réalités. Notre République s’est construite non pas en agglomérant des communautés, mais au contraire, en permettant les libertés de chacun dans le cadre commun, celui des valeurs qui nous unissent dans la même Nation. Dans la même logique, la laïcité permet la liberté de conscience de tous en ne reconnaissant aucune démarche spirituelle ou non spirituelle en particulier. La gauche trouverait une issue à ce débat en acceptant d’abord de renouer avec cette démarche universaliste, sa colonne vertébrale originelle, et en s’engageant dans des actions concrètes tendant à cet idéal comme la fin du concordat en Alsace-Moselle. Il serait souhaitable ensuite qu’elle cesse d’être “gênée aux entournures” dès lors qu’il s’agit de l’Islam, un choix religieux parmi d’autres à traiter comme tels. Enfin, elle devrait considérer que le Collectif contre l’islamophobie, les Indigènes de la République ou la Ligue de Défense Juive sont autant en contradiction avec ses valeurs que l’Opus Déi. »
Myriam Balavoine
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