Contestataires. Ils sont tous les trois arrivés à l’heure et se sont même permis un petit apéro en préambule des débats proposés. L’ardoise avec le menu du jour arrive vite. En entrée, l’élection de Sarko à l’UMP, en plat du jour, les patrons qui se mettent à manifester dans la rue, et en dessert le teaser du prochain Star Wars … Miam ! On en salive d’avance, car ces trois-là ne semblent pas avoir leur langue dans la poche.
Par Thomas Simonian et Séverine Sarrat
Ils viennent à peine de faire connaissance que nos trois invités débattent et s’amusent déjà. « Cela fait 42 ans qu’Izard est élu, j’en ai 41. Je n’étais même pas née quand il a eu son premier mandat, ça fait peur », lance Sonia Guillemet. « Il n’y a qu’en France qu’on voit ça ! », conforte Jean-Pierre Bayol. La politique est donc au cœur des premiers échanges, c’est le moment idéal de jeter un pavé dans la mare, le retour de Sarkozy au premier plan avec son élection à la tête de l’UMP. « Cela va peut-être permettre à ce parti de se rénover », avance Sonia un brin positive. C’était sans compter sur le Sarko bashing qui allait suivre.
Jean-Pierre Bayol : On touche là au mal français. Nous sommes incapables de renouveler nos élites politiques … Le contraire de ce qui se passe aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou même en Italie. Ici, nos élus ne savent pas faire autre chose que de la politique, c’est un véritable drame. Le dernier souffle d’air fut mai 68.
Daniel Benyahia : Il n’a pas duré longtemps ce souffle d’air …
Jean-Pierre Bayol : Allez, il y a également eu 1981 …
Daniel Benyahia : Comment ce type peut-il encore paraître crédible ? Concernant le choix des militants UMP avec ce retour de Sarko, je suis déçu et effondré, mais j’ai une explication.
L’ancien adjoint de Pierre Cohen se lance alors avec un verbe assuré dans un exposé, entre deux louches d’un délicieux velouté de potirons. « C’est le résultat de la politique spectacle ! En politique, vos convictions et votre bilan, tout le monde s’en fout, et tout s’oublie vite. Ce qui compte réellement c’est l’image que vous donnez de vous. Et là Sarko il est bon ! Son image dynamique et sécuritaire plaît. »
« On est resté sur un système bonapartiste »
Du côté de Jean-Pierre, on reste circonspect : « Dans un autre pays, il n’aurait jamais pu revenir. En France, on est resté sur un système bonapartiste voire monarchiste. On adore les chefs ! Regardez ce qui s’est également passé au FN ce week-end. Marine réélue avec 100 % des voix, avec toute la famille dans le bureau politique. C’est extraordinaire. » La discussion s’anime alors d’un seul coup. Jean-Pierre vient d’introduire le FN dans le menu : « Pour la première fois, je suis pessimiste pour mon pays », complète-t-il. « On va avoir Marine ! », tempête Daniel. « Les gens de la rue en ont ras-le-bol, je l’entends tous les jours. La colère monte lentement mais sûrement », commente Sonia, faisant ainsi partager ses retours en tant que médiatrice de quartier. « Les Français ont toujours préféré les révolutions aux évolutions », explique Daniel. Jean-Pierre se tourne alors vers Sonia : « La vraie colère va venir des quartiers, de ces gens qui sont avec vous tous les jours. » Alors que le poisson arrive dans les assiettes, nous changeons de débat … Quoique. Car une autre colère est d’actualité, celle des patrons qui ont décidé eux aussi de se faire entendre via des manifestations : « Si même les chefs d’entreprises vont dans la rue, c’est que la situation est vraiment grave », s’alarme Sonia. « Il y a une réalité, c’est que les patrons n’ont plus de vision à long terme … », répond Jean-Pierre qui voit tout de même une posture stratégique dans l’action menée par la CGPME et le MEDEF : « Ils savent que l’exécutif est aux abois, et à chaque fois qu’ils hurlent haut ils sont écoutés. »
« Le dialogue social est à réinventer »
Daniel qui est commerçant depuis des décennies est en colère face à la situation actuelle : « Il y a une vraie inquiétude sur l’avenir. Nous n’avons ni croissance ni perspectives, et on ne voit plus très bien comment nous allons faire pour en sortir. Il est urgent à mon avis que le Président de la République reconnaisse enfin les faits, et nous présente ses recettes. Aujourd’hui on ne le croit plus ! » Jean-Pierre semble sur la même longueur d’ondes : « Certains salariés ne se rendent plus compte de la réalité de la situation. On ne peut plus se permettre des grèves … Regardez ce qui s’est passé à la SNCM ou à Air France ; les conséquences ont été dramatiques. Le dialogue social est à réinventer, notre pays mérite mieux. Je rejoins d’ailleurs Daniel car le véritable responsable reste le politique qui n’offre aucune vision. Je crains que la seule qui donne aujourd’hui une vision et du sens s’appelle Marine Le Pen. Sauf que ses solutions, dont je suis très éloigné , sont dangereuses et qu’elles ne résoudront rien … Quant aux autres partis, ils restent prisonniers de leur démagogie.» Le pessimisme de Daniel est de retour : « On fait tout pour supprimer les commerçants. On privilégie les grands groupes… Et la gauche va renforcer ça en cédant sur l’ouverture le dimanche. » Un dernier sujet, plus futile, est mis sur la table. Le teaser du prochain Star Wars est en ligne sur les réseaux sociaux … Un buzz énorme, des millions de vues … « Je n’ai pas vu la saga », avoue Sonia. « Je préfère les bons films d’amour », ironise Daniel. Pour Jean-Pierre, « à la fin des années 70, Star Wars a été une révolution. C’était la première fois qu’on voyait de tels effets spéciaux. Aujourd’hui avec le succès de ce teaser on remarque les avancées du marketing. » Et d’élargir aussitôt le débat : « J’espère que ce nouvel opus sera au niveau de Rosetta », référence à la mission spatiale européenne coordonnée depuis Toulouse. « Nous sommes là dans de la belle science-fiction, non ? » « La réalité a dépassé la fiction », s’enthousiasme alors Daniel. Les trois invités du jour ont apparemment pris un immense plaisir à converser ensemble. Ils se sont même mis un instant à rêver à créer un parti ensemble … Une preuve de plus qu’ils ne croient plus dans les partis actuels. Une preuve de plus que la crise actuelle est grave.
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