Se retrouver à la rue est une épreuve difficile qui se complique significativement quand on est une femme. Alors pour une femme seule, gravement malade, étrangère, enceinte, et mère de trois jeunes filles, la situation vire au cauchemar. Pourtant Leila s’en est sortie avec l’aide du 115 et de personnels sociaux dévoués.
Leïla vient d’un village de la banlieue oranaise, en Algérie. Mère de quatre petites filles, elle vit chez sa belle-famille quand, en 2013, elle tombe gravement malade. On lui diagnostique la maladie de Behçet, une pathologie rare et épuisante. Pendant trois ans, elle suit un traitement lourd mais inefficace qui la cloue au lit. Ce qui n’est pas du goût des membres de sa belle-famille : « J’avais de gros problèmes avec eux . D’autant que j’avais eu quatre filles et que les gens du village n’aiment que les garçons », raconte Leïla.
La situation devient intenable et elle est contrainte de retourner vivre chez son père. Celui-ci décide de lui payer le voyage en France, avec ses enfants, pour qu’elle puisse se faire soigner à Toulouse, où vit déjà l’un de ses frères. Dans ce contexte familial, Leïla doit, la mort dans l’âme, laisser sa fille aînée au pays.
À son arrivée, les médecins tombent des nues en découvrant une énorme erreur de diagnostic. Leïla, qui attend son cinquième enfant, souffre en fait de la maladie de Crohn. Les soins sont longs et nécessitent de régulières hospitalisations. Rapidement, la patience de sa belle-sœur montre ses limites et, au bout d’un mois, son frère lui ferme sa porte. Leïla se retrouve, pour la première fois de sa vie et en pleine grossesse, obligée de dormir dans la rue avec ses trois filles, âgées de trois à douze ans.
« C’était début novembre et il faisait très froid. J’avais peur que nous nous fassions agresser, surtout la nuit. Nous nous cachions des gens. Le plus dur, c’était de voir mes enfants pleurer. Et de ne pas comprendre pourquoi nous étions à la rue, pourquoi on ne nous venait pas en aide. Sans elles, je me serais sûrement suicidée », confesse Leïla. Chaque soir, elle trouve refuge dans les salles d’attente de l’hôpital Purpan. « Nous venions juste pour trouver des chaises, pour passer la nuit », explique-t-elle.
L’idée lui a été soufflée par une dame charitable qui lui a également conseillé d’appeler le 115. Il faudra trois ou quatre jours pour que le service d’urgence lui trouve une chambre. Leïla passe alors quatre nuits dans deux hôtels différents avant d’être admise dans un foyer à Bellefontaine, géré par l’association Espoir. Dans cette maison de retraite désaffectée, 214 personnes en situation d’extrême précarité cohabitent dans de petits studios. « J’ai reçu une aide précieuse. Financière, alimentaire, médicale et administrative », détaille Leïla, dont les filles ont pu alors reprendre le chemin de l’école.
« J’ai reçu une aide précieuse. Financière, alimentaire, médicale et administrative »
Après le démantèlement du foyer, Leïla a emménagé dans un appartement mis à disposition par l’association Espoir. Aujourd’hui, elle attend le renouvellement de son statut d’étranger malade afin de faire une demande de logement HLM. Sa fille aînée a pu la rejoindre et Leïla se réjouit tous les jours de vivre entourée de ses enfants. Les plus grandes, très bonnes élèves, se projettent dans des études de chimie ou de pharmacie. La mère courage, elle, a retrouvé confiance. Son regard s’est éclairé. Elle a libéré ses cheveux du voile qu’elle portait à son arrivée et son français s’améliore de jour en jour. « Je veux dire “vive la France” et merci à tous les gens qui m’ont aidé. Surtout aux équipes du foyer. J’y ai trouvé de véritables sœurs », conclut-elle.
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