Juliette a passé trois mois dans la rue, mais n’en garde pas de séquelles. Ou du moins, elle s’applique à ne rien laisser paraître. En passe de retrouver un logement pérenne, cette Toulousaine souhaite désormais transmettre son expérience pour soutenir les sans-abris.
« Pouvoir mettre la musique à fond, disposer pleinement de mon espace. » C’est ce que Juliette attend avec le plus d’impatience, hormis l’obtention des clés de son nouvel appartement. Prévu au cours de l’année, cet événement marque pour elle la fin d’une longue période d’incertitude. Car depuis 2016, cette quinquagénaire enchaîne les logements précaires. Elle a aussi connu la rue, pendant trois mois.
« C’est à cause des punaises de lit », lance-t-elle, comme surprise elle-même par sa réponse lorsqu’elle tente de justifier sa situation. « Je vivais en collocation dans un appartement vétuste où proliféraient ces petites bestioles. Après avoir maintes fois sollicité le propriétaire pour les éradiquer, j’ai décidé de quitter l’endroit », se rappelle-t-elle.
Difficile de retrouver un logement quand ses revenus, composés de prestations sociales et de la vente de bijoux fantaisie sur les marchés, ne couvrent pas les trois mois de caution demandés et que personne ne peut se porter garant. Cette Toulousaine, 20 ans expatriée à Paris, ne connaît plus personne dans sa ville natale. « J’ai donc appelé le 115 », précise Juliette. Commencent alors plusieurs mois d’errance entre les centres d’hébergement, les squats chez de vagues relations, ou la rue.
Solitaire et introvertie, elle a surtout redouté le regard des gens. Ceux qui ont le raccourci facile. « Je ne souhaite pas que l’on puisse lire sur mon visage ce qu’il m’est arrivé », avoue celle qui a veillé à se fondre dans la masse des passants en se débrouillant pour porter des vêtements propres, avoir une bonne hygiène… « Il y a toujours la possibilité de ressembler à quelque chose, ou plutôt à quelqu’un, pour peu qu’on veuille s’en donner les moyens », harangue-t-elle.
« Je ne souhaite pas que l’on puisse lire sur mon visage ce qu’il m’est arrivé »
Même à l’accueil de jour, qu’elle fréquente assidûment, personne ne connaît vraiment la vie de Juliette tant elle s’efforce de passer inaperçue. « C’est mon caractère. Et dans la rue, cela m’a bien rendu service », confesse-t-elle. D’abord pour ne pas s’attirer la pitié, ce qu’elle déteste. Ensuite, parce qu’être une femme est une difficulté supplémentaire : « On devient une proie, à plusieurs niveaux. On a peur des agressions ou de se faire voler nos affaires parce qu’on sait moins se défendre. » Des affaires qui tiennent dans un unique sac à dos de cinq kilos, qui « représente à la fois tout ce qu’on a et un boulet », confie-t-elle. Il faut le cacher, le trimballer partout, le réparer, le mettre en sécurité…
Juliette est désormais bénévole à l’Ostalada de Toulouse, l’acceuil de jour qui lui a si souvent ouvert ses portes : « J’ai commencé à les aider pour les maraudes quand j’étais encore dans la rue. » Elle organise également des ateliers d’écriture et des cafés-rencontres.
Pour Juliette, il est essentiel de transmettre son expérience : « Particulièrement aux femmes. Je leur donne mes astuces. Quand il fait froid, il est possible de trouver refuge dans des lieux accessibles à tous et chauffés comme les cafés ou les bibliothèques. Et le soir, dans des boîtes de nuit à l’entrée gratuite ou des bars. » Elle leur communique également toutes les adresses utiles pour manger, se laver, se faire héberger… « Quand ça vient de quelqu’un qui a vécu la même galère, cela passe mieux. On parle d’égale à égale », constate Juliette, qui s’investit toujours plus dans sa nouvelle mission. « Et je continuerai lorsque tout cela sera derrière moi », conclut-elle. Comme un pied de nez au destin.
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