« La plupart des personnes qui sont à la rue l’ont choisi. » « Ceux qui y restent ne font pas d’efforts. » « Il n’y a pas plus 50 sans-abris dans les rues d’Île-de-France. » Autant de clichés qui font éclater l’ignorance de ceux qui les énoncent. L’idée qu’un SDF mérite sa situation a la vie dure, mais la réalité est bien plus complexe. À l’occasion du retour des grands froids et des plans hivernaux en faveur des sans domicile fixe, le JT dresse le portrait de quatre personnes qui ont connu la rue et qui, malgré sa force destructrice, en sont sorti. Rarement tout seuls.
Damian, 38 ans, Willy, 47 ans ou Djamila, 80 ans… La France a déjà enregistré plus de 15 décès dans la rue depuis le réveillon du Nouvel An. En 2018, ils sont au moins 406, recensés par le collectif Les morts de la rue, à ne pas avoir survécu à ces terribles conditions de vie. 15 d’entre eux ont succombé dans la Ville rose. L’arrivée de l’hiver et de ses rigoureuses vagues de froid mobilise associations et pouvoirs publics qui redoublent d’efforts pour mettre les plus vulnérables à l’abri. Avec plus ou moins d’efficacité et de pérennité.
Depuis le 4 janvier, la préfecture de la Haute-Garonne, qui n’a pas souhaité s’exprimer malgré nos sollicitations, a activé son plan Grand froid. 190 places hivernales ont été ajoutées aux 1 179 places d’hébergement d’urgence existantes, et des nuitées d’hôtel supplémentaires seront attribuées en fonction des besoins – actuellement, 927 personnes sont prises en charge dans des dispositifs hôteliers. En outre, un nouveau lieu réclamé par les associations, d’une capacité de 200 personnes, pourrait ouvrir prochainement.
« Nous n’avons plus les moyens de laisser les gens dans la rue »
Toulouse a été choisie comme ville pilote du Plan quinquennal pour le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme. Dans une démarche de coopération avec la préfecture – l’instance compétente en matière de droit au logement – et des partenaires associatifs, la mairie a mis à disposition un gymnase pour accueillir une centaine de personnes. Un recensement doit également bientôt être effectué, pour connaître plus précisément l’ampleur du phénomène. Selon Thomas Couderette, membre du Cedis, le Collectif d’entraide et d’innovation sociale, on dénombrerait actuellement à Toulouse « 3000 à 3500 personnes sans résidence stable, dont 2000 dans des situations très précaires, à la rue, dans des squats ou des abris de fortune ».
« Avant, le 115 recevait essentiellement des appels de personnes isolées. Mais, depuis quelques années, ce sont des familles qui sollicitent le service. On voit des mineurs, des femmes victimes de violences ou des nourrissons dans la rue. Les derniers publics protégés ne le sont plus », déplore le militant. Pour lui, le sans-abrisme n’est plus nécessairement lié à une pathologie ou à un accident de vie. Étudiants, personnes âgées, travailleurs pauvres, chacun peut être concerné. Notamment à cause d’une accession à l’immobilier de plus en plus compliquée sans de solides garants.
« Derrière chaque personne à la rue, il y a un service public qui a dysfonctionné »
Pour Thomas Couderette, il est important de convaincre les autorités que le suivi est plus rentable que l’urgence. « On croit que nous n’avons pas les moyens d’héberger tout le monde. Mais une personne sans domicile fixe coûte deux fois plus cher à la société que si elle était relogée durablement. Il faut inverser le raisonnement et considérer que nous n’avons plus les moyens de laisser les gens dans la rue. Les élus devraient s’intéresser au prix par situation résolue et non pas par place à l’année », explique-t-il. Avant de rappeler que la solidarité qui s’exprime sur le terrain, notamment par la progression de l’accueil par des particuliers, ne doit pas faire oublier la responsabilité des institutions : « Derrière chaque personne à la rue, il y a un service public qui a dysfonctionné.
© Le Journal Toulousain
Sources : Insee/Ined, enquête auprès des personnes fréquentant des services d’hébergement ou de distribution de repas 2012 et Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale
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