Le flair du chien peut détecter chez son meilleur ami la présence de cellules cancéreuses. Une découverte récente dont l’Institut Curie s’est emparé afin de développer une nouvelle méthode de dépistage du cancer du sein. Pierre Baüer est le chef de ce projet.
« Le nez du chien est une machine incroyable ! » s’enthousiasme Pierre Baüer, chef du projet Kdog, un programme de l’Institut Pierre et Marie Curie dont l’objectif est de détecter le cancer du sein, à son stade le plus précoce, grâce au flair canin. Son importante cavité nasale confère en effet au meilleur ami de l’Homme des capacités olfactives 100 000 fois plus développées que les siennes : « Avec un très grand nombre de récepteurs, il capte davantage d’informations. Et il peut ensuite beaucoup mieux les traiter que nous ne le ferions, puisqu’il y consacre un tiers du volume de son cerveau », indique le scientifique. De quoi lui permettre de différencier les composés organiques volatils, dont ceux dégagés par certaines cellules cancéreuses. Cette formidable prédisposition canine a été découverte à la fin des années 1980 par deux dermatologues anglais, presque fortuitement : le doberman d’une de leurs patientes ne cessait de renifler un de ses grains de beauté, qui s’est révélé être un mélanome (cancer de la peau, ndlr).
En fonction de leur morphologie nasale, certaines races de chiens sont plus efficaces pour cet exercice, qui n’a rien d’inné : « Ce sont des dresseurs cynophiles normalement affectés à la police nationale qui les entraînent à reconnaître les odeurs, en jouant. Cela dure au moins six mois : ces animaux doivent être capables de travailler régulièrement et pendant des années », prévient Pierre Baüer.
La première étape de recherche du projet Kdog est concluante : parmi une trentaine d’échantillons, les deux malinois de l’Institut Pierre et Marie Curie parviennent neuf fois sur dix à déceler ceux qui sont porteurs de cellules de cancer du sein. Lors d’un deuxième essai, leur performance passe à 100 %. L’ingénieur annonce qu’une phase clinique débutera à la rentrée, auprès de 450 patientes, afin de valider scientifiquement la procédure : « Notre objectif est d’établir le bon diagnostic. Ou de le faire au moins aussi bien qu’une mammographie. » Car il s’agit d’abord de renforcer les moyens de dépistage de cette maladie.
En France, la moitié des femmes de plus de 50 ans néglige d’effectuer régulièrement une mammographie préventive — gratuite une fois tous les deux ans — « parce qu’elles ont peur des rayons, qu’elles ont du mal à se déplacer ou qu’elles se trouvent dans un désert médical ». Faute de diagnostic, des milliers meurent chaque année », déplore Pierre Baüer. « Nous pourrions proposer une alternative : un simple test à partir d’un peu de sueur déposée sur une compresse : si le chien émet une alerte en la reniflant, alors un examen approfondi s’impose. » Une technique, non invasive, dont les résulta
ts ont l’avantage d’être obtenus très rapidement. Peu onéreuse, elle pourrait être facilement mise en place dans les pays en voie de développement. Elle est si prometteuse que l’Institut Pierre et Marie Curie n’exclut pas de l’étendre aux cancers des ovaires, du poumon, ou de la prostate.
Ingénieur, diplômé d’un master de recherche en physique de l’École normale supérieure de Paris et d’un doctorat de biophysique de l’université Pierre et Marie Curie, il a rejoint l’an dernier l’Institut Curie en tant que chef de projet du programme Kdog.
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