Une fois par mois, l’hôpital Joseph Ducuing propose à ses patients admis au service de soins palliatifs des séances de médiation animale assurées par l’association Animal Câlin. L’espace d’un instant, un chien, un lapin et une tourterelle parviennent à faire oublier la mort pour rendre plus douce la fin de vie.
Dans une chambre de l’hôpital Joseph-Ducuing, une tourterelle vole à tire-d’aile et se pose sur les mains, les épaules et les têtes de ses occupants… L’intruse ne s’est pas glissée illicitement par la fenêtre. Cette dernière est au contraire soigneusement fermée pour que l’oiseau ne s’échappe pas. Hélio est arrivée là, comme il se doit, dans une cage, en compagnie de ses camarades Gandhi, un jeune bichon havanais et Max, un lapin nain.
Comme tous les mois, Dominique Portal, fondatrice de l’association Animal Câlin, a fait le trajet depuis Albi avec sa ménagerie pour une séance de médiation animale auprès des malades du service de soins palliatifs de l’établissement. Un rendez-vous initié il y a deux ans par Ingrid Payet, médecin au sein de l’unité. « Ici, nos patients ont le droit de se faire amener leurs animaux de compagnie et, à chaque fois, ce sont des moments pleins d’émotion. Alors, avec une ASH (Agent des services hospitaliers) passionnée comme moi des animaux, nous avons eu l’idée de faire venir une association spécialisée pour que tout le monde puisse en bénéficier », raconte-t-elle.
Le rituel est désormais bien rôdé. Accompagnée d’une bénévole de l’association, Dominique Portal se fait indiquer par les médecins les numéros de chambre à visiter. Et aujourd’hui, c’est une première pour la médiatrice : deux patientes qui se sont liées d’amitié ont souhaité recevoir ensemble les animaux. Dès la porte fermée, Dominique Portal fournit du gel hydroalcoolique à Andrée et Yvette, toutes deux en fauteuil roulant, et leur dispose une couverture sur les genoux. Avant de libérer Gandhi de sa cage et de le poser délicatement sur Yvette, avec une gamelle de croquette sur laquelle le chien se précipite. « Vous ne le nourrissez pas, je vais téléphoner à la SPA », ironise cette dernière tout en couvrant la petite boule de poil de câlins et de baisers. En attendant son tour, Andrée accueille le lapin nain dans ses bras. « Il est tellement mignon, je vais le garder dans ma chambre pour dormir avec lui », lance-t-elle.
Entre deux gémissements de plaisir, la discussion s’engage naturellement sur les différents compagnons à poils que chacune a eu dans sa vie. Puis vient le temps de mettre Gandhi à contribution. Sur les conseils de la médiatrice, Yvette lui fait faire des roulades en mimant des ronds avec son index avant qu’Andrée ne le fasse sauter à travers un cerceau. Le chien, ravi de son effet, est vivement applaudi. Au tour d’Hélio d’entrer en scène. Après une séance de câlins en règle, la tourterelle vole librement dans la pièce gratifiant ses admiratrices de ses singuliers roucoulements. « C’est rare ! », souligne Dominique Portal. Alors qu’une infirmière pénètre dans la chambre, l’oiseau se pose sur la tête de cette dernière qui se met à danser ainsi coiffée.
Les rires éclatent. « Ces séances sont des parenthèses de bonheur », assure Ingrid Payet. « Nous nous sommes lancés dans ce projet avec de fortes intuitions, mais sans réelles certitudes. Et les résultats sont incroyables. Les animaux ne sont pas dans le jugement, ils n’ont que faire de l’état des patients qui suscite en général des regards craintifs ou désolés. Tout se passe au-delà des mots », poursuit la médecin. Dans certains cas, les bienfaits peuvent aussi être palpables : une personne dont la respiration se calme au contact de la truffe de Gandhi, une douleur dans la poitrine apaisée…
« Les animaux ne sont pas dans le jugement »
« Cela ne paraît pas, mais ils travaillent également la motricité », ajoute Dominique Portal. Mais pour cette ancienne animatrice en EHPAD qui s’est formée à l’éthologie en 2011, l’essentiel est bien sûr ailleurs : « Je ne suis pas thérapeute, mais bien médiatrice. Pendant un temps, les personnes sortent du cadre médical et cela facilite les relations avec les familles qui peinent parfois à trouver des sujets de conversation positifs, autant qu’avec les soignants qui se permettent, durant ce moment, de relâcher un peu la distance qu’ils s’imposent au quotidien. »
Très sollicités, Gandhi, Hélio et Max doivent prendre congé d’Andrée et Yvette pour visiter d’autres chambres. Avant de les quitter, cette dernière demande péniblement à ce qu’on lui amène son sac. La dame y plonge sa main pour sortir une photographie de son chien. Tandis qu’elle la brandit, des larmes coulent sur ses joues. « Parfois, cela prend plusieurs jours, mais les émotions libérées peuvent aider les personnes à dire qu’elles vont partir. Le temps ici n’est pas le même qu’ailleurs », sourit Ingrid Payet.
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