Toulouse Fact Checking – C’est la grande question du moment. Ces boutiques qui germent partout, notamment à Toulouse, et proposent des produits à base de cannabidiol sont-elles légales ou non ? Si la France a finalement adopté une position ferme, les partisans du CBD s’appuient désormais sur le droit européen. Le JT a tenté d’y voir plus clair.
® Franck AlixCe sont des graines qui poussent vite. À Toulouse, cinq boutiques proposent toute une gamme de produits (e-liquides, cosmétiques, gélules, fleurs…) à base de cannabidiol. Pour rappel, ce fameux CBD est un composant du cannabis et, contrairement au tétrahydrocannabinol (THC), la substance psychoactive également présente dans la plante, il n’est pas considéré comme un stupéfiant. Le phénomène est le même partout en France et, devant les débats qu’il provoque, les gérants s’abritent derrière le seuil de 0,2 % de teneur en THC que leurs produits ne doivent pas dépasser. Ce taux est en effet évoqué dans la loi européenne et plus précisément l’article 5 bis du règlement (CE) n° 1251/1999 qui permet « l’utilisation de variétés dont la teneur en tétrahydrocannabinol n’est pas supérieure à 0,2 % ».
Sauf qu’après plusieurs mois d’hésitation, les autorités ont décidé de réagir via un communiqué de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) daté du 11 juin dernier. Il y est rappelé que « tout produit contenant du cannabidiol est interdit sauf s’il entre dans le cadre de la dérogation ». Une dérogation qui concerne l’utilisation du chanvre à des fins industrielles et commerciales, notamment dans le textile ou l’automobile. De plus, seules les graines et les fibres peuvent être utilisées. L’emploi des fleurs est dès lors jugé interdit. La Mildeca précise encore que « le taux de 0.2 % de THC n’est pas un seuil de présence dans le produit fini mais dans la plante elle-même » et conclut donc que « la présence de THC dans les produits finis, quel que soit son taux, est interdite. »
Pour le gouvernement, la situation est désormais claire, ces coffee-shop d’un nouveau genre vendent des produits interdits. Récemment, quatre gérants de boutiques parisiennes ont ainsi été mis en examen pour « transport, détention, offre ou session, acquisition ou emploi de stupéfiants », ainsi que pour « provocation à l’usage de stupéfiants », et placés sous contrôle judiciaire. Depuis, certains magasins comme Green Owl à Toulouse ont décidé de retirer les fleurs de la discorde de leurs étals, mais d’autres continuent de miser sur le vide juridique et invoquent la loi européenne. Car certains juristes spécialistes du sujet estiment que le droit communautaire qui, par principe, prime sur le droit national, ne limite pas la production aux seules fibres et graines.
Pour Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé à l’université Paul-Valery de Montpellier, l’exigence d’un taux 0 de THC fermerait tout le marché du chanvre licite, ce qu’exclurait la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Vérification faite, l’arrêt Hammarsten de 2003 dispose en effet que « les règlements n°1308/70 […] doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui a pour effet de proscrire la culture et la détention du chanvre industriel ». L’avocate Ingrid Metton juge, elle, que la règle française ne doit s’appliquer qu’aux articles dérivés confectionnés en France et qu’interdire la vente de produits manufacturés dans un autre pays européen porterait atteinte au principe de libre circulation des marchandises. Bref, il faudra certainement du temps, des procès et des jurisprudences pour trancher définitivement la question du CBD.
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