Escapade gourmande et trésors du patrimoine pour un week-end cavage, traditions et gastronomie dans la cité ducale d’Uzès, au pied du Pont du Gard et des chênes truffiers. A la poursuite du diamant noir…
La saison de la truffe bat son plein et avant que le diamant noir ne disparaisse avec le printemps, il est temps d’aller découvrir les mystères du cavage et de déguster Tuber melanosporum dans tous ces états. A Uzès dans le Gard (mais aussi ailleurs, voir encadré), le mois de janvier est ainsi rebaptisé le Mois de la Truffe et les saveurs du champignon noir y sont célébrées à coups de gala de chefs étoilés, de mandolines affûtées et de casse-croûte et dîners truffés. Balade au pays des truffières.
Cochon ou labrador ?
Avec le groin ou la patte, qu’importe ! Ce sont eux les véritables stars locales, cochon ou chien truffier, souvent adulé de leur maître, et qui, au prix d’une patiente éducation, savent détecter la truffe mature au pied des chênes, des pins ou des noisetiers de la région. C’est en sol calcaire, sous le soleil du sud (sud-ouest ou sud-est où est produit près de 80% de la truffe française) et avec la magie d’une symbiose encore mystérieuse entre l’arbre et le champignon que se fabrique le précieux tubercule, qui doit être noir à l’extérieur, marbré de blanc sur noir à l’intérieur et au parfum si caractéristique et envoûtant. Ce bis(méthylthio)méthane subtil que le chien ou cochon rabasseur détecte sans se tromper. Car, quand on est un chien truffier gardois, les promenades hivernales dans la garrigue (la truffe se récolte entre novembre et mars avec une apogée en janvier-février) sont un long parcours de jeu savamment orchestré : creuser la terre dès que sa truffe est attirée par l’odeur de la truffe, laisser le maître, armé de son cavadou (le court pic servant à déterrer la truffe) finir délicatement le travail de « cavage » puis attendre sa récompense pour le travail bien effectué. Et rebelote jusqu’à parfois plusieurs kilos par jour, même si, dit-on, le cochon est plus vaillant à la tâche que le chien qui se lasse plus vite ! La suite se jouera au petit matin lors d’un des marchés à la truffe qui, l’hiver, embaume les campagnes. A Uzès, c’est sous les arcades de la Place aux Herbes et dès 7h du matin, que l’épreuve de contrôle des truffes se déroule dans un esprit bon enfant mais vigilant : nombreuses seront les truffes rejetées, celles qui au canifage (coup de canif pratiqué sur plusieurs côtés pour vérifier la qualité de la truffe), révèleront une couleur douteuse ou un assaut du gel. Et puis, que l’on soit rabasseur amateur, producteur professionnel ou courtier international, le commerce de la truffe, qui s’effectue exclusivement en « craquant » (synonyme de billet neuf dans la région), reste juteux… Même s’il fait aussi l’objet d’une bénédiction lors de la messe du 3e dimanche de janvier…
Saveurs truffées
Après le marché et la messe, la suite se passe (enfin) en cuisine ! Lors du week-end de la truffe d’Uzès (17-18 janvier 2015), les agapes se parent de noir, avec, en plus des menus truffés arborés par les restaurants locaux, un somptueux dîner de gala tout truffe qui réunit le samedi soir les chefs étoilés de la région et une centaine de convives, par le diamant noir attirés. Polenta et œuf poché à la truffe, Saint-Jacques et truffes noires en pot-au-feu, poularde soufflée aux truffes, œufs brouillés sucrés et profiterole noire sont quelques-uns des plats inventifs concoctés par Julien Lavandet, Oscar Garcia (un des plus jeunes étoiles de France), Fabien Fage, Jérôme Nutile (MOF et anciennement 2 étoiles), Gérard Moyne Bressand, chefs en vue d’Uzès, Nîmes et alentours. Pour les cuisiniers non étoilés, ce qu’il faut retenir, selon Louis Teulle, président du Syndicat des trufficulteurs du Gard, c’est que la truffe aime le gras et la simplicité : beurre salé, brouillade, pommes de terre, risotto, seront ses plus fidèles et honnêtes amis. Accompagnés par quelques vins du Duché d’Uzès qui célèbre l’obtention récente de son AOP et dont les blancs, composés de Viognier, mais aussi Grenache blanc, Marsanne et Roussane, répondent en douceur aux saveurs profondes de la truffe.
Entre Cité ducale et Pont du Gard
Après ces plaisirs gourmands de l’instant (la truffe se consomme fraîche !), se perdre dans le temps et l’Histoire parait tout indiqué.
Celle, romaine, du Pont du Gard et du laborieux travail pour amener l’eau, depuis la source d’Eure jusqu’à Nîmes : classé au Patrimoine Mondial de l’Unesco, le Pont du Gard, pont-canal à trois étages, haut de 48 m et long de 360 m, est l’ouvrage le plus emblématique d’un aqueduc non moins impressionnant parcourant 50 kms de garrigues et de collines, construit vers 50 après JC et véritable joyau d’architecture et d’ingénierie. A l’occasion des 30 ans d’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco, le Pont du Gard sera le théâtre de multiples festivités, Nuit des Lucioles, Garrigues en fête, Fééries du Pont, Rendez-vous à la Rivière et Nuits à la Belle étoilé d’été…
Mais aussi celle de la jolie cité ducale d’Uzès, Premier Duché de France mais sans doute habitée dès les Romains, qui connut son apogée à l’ère de la soie, comme en témoignent ses demeures Renaissance, son jardin médiéval, sa cathédrale et son orgue peint ou encore son prestigieux château ducal orné de tours et toujours propriété du Duc d’Uzès. L’art de vivre est ici une seconde nature, et c’est d’ailleurs à Uzès que Racine aurait écrit « Nous avons des nuits plus belles que vos jours »…
Une adresse de charme près d’Uzès et du Pont du Gard
Le Castellas (membre Châteaux Hôtels Collection), à Collias : un hôtel-restaurant mêlant design et pierre de taille dans une ancienne bâtisse élégamment restaurée, doté d’un chef talentueux
www.lecastellas.fr
Sarlat fête la truffe
A Sarlat en Dordogne, on fête également la truffe en janvier avec une académie culinaire et un tournoi de chefs (16-17 janvier en 2016) mais aussi l’oie (que l’on truffe parfois aussi !) en mars (lors de Sarlat Fest’Oie, 7-8 mars 2015).
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