PARCOURS – L’établissement pour l’insertion dans l’emploi, dit Epide, nous a ouvert ses portes. Ici, vit une centaine de jeunes ayant quitté l’école trop tôt. Encadrés, ils construisent pas à pas leur projet professionnel, portent l’uniforme et respectent une discipline militaire. – Charline Poullain
© Franck AlixDans la cour de l’Epide, près de l’université Paul-Sabatier de Toulouse, de jeunes gens s’avancent en cadence. Filles et garçons portent un pull bleu, pantalon à l’avenant, et s’entraînent à marcher au pas. Chaque nouveau venu à l’Epide, l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi, s’y essaie. « L’idée n’est pas de faire d’eux des militaires, mais de développer la cohésion de groupe. Ça donne de la rigueur, de la discipline », intervient Philippe Legrand, conseiller éducation et citoyenneté. L’Epide n’a pas très envie que cette image lui colle à la peau, mais la structure a bien été créée en 2005 à l’initiative du ministre de la Défense. Avec pour mission d’aider des jeunes à la dérive, en totale rupture scolaire et bien souvent sociale et familiale. Le personnel encadrant était alors essentiellement militaire, il ne l’est plus qu’à 40 %.
Ce n’est pas pour déplaire à Yacine Samar, 19 ans : « J’aime ce qui est cadré », dit-il en souriant, fier de montrer les drapeaux français et européens qui flottent dans la cour et de dire qu’il a été à Paris « pour le ravivage de la flamme » sous l’Arc de Triomphe. Yacine est à l’Epide depuis neuf mois. « J’arrivais d’Algérie, je ne savais pas quoi faire, j’étais perdu. Ici, on redevient responsable, autonome. » « On avance », précise Mohamed Taibi, 21 ans, qui a intégré la structure voici deux mois. « Je viens d’un quartier, d’Empalot », dit-il. Il a décroché tôt de l’école : « Il y a des années ! Je ne faisais rien… »
Tous deuxpartie de la centaine de “volontaires”, comme on les appelle. Dont un tiers de filles. Il existe 19 centres Epide en France et un 20e devrait ouvrir à Alès. Celui de Toulouse ne date que d’avril 2017 et a déjà deux fois plus de demandes que de places disponibles. Chacune coûte en moyenne 32 000 € par an. Parmi les financeurs : les ministères de l’Emploi et de la Ville et le Fonds social européen. « Nous prenons des jeunes de 18 à 25 ans, sans qualification ni emploi », explique le directeur, Claude Di Nolfo. Chacun s’engage à l’Epide, pour huit mois renouvelables, de suivre les enseignements, de dormir à l’internat et de ne rentrer chez soi que le week-end.
Yacine et Mohamed dévoilent leur chambrée, où vivent six garçons. Les lits superposés sont au carré, pas une affaire ne dépasse des casiers. Ici, le réveil sonne à 6h. À 7h, quand tout le monde a déjeuné, fait son lit, s’est lavé et habillé, commencent les tâches ménagères. Jusqu’au rassemblement à 8h. Puis chacun va en cours. Certains en salle informatique où ils rédigent leur CV pour leur recherche d’emploi : « Le gros du travail est d’identifier leurs compétences, transférables en milieu professionnel. Ils savent faire un tas de choses ! », explique Nathalie Evrard, formatrice informatique. Encore faut-il en prendre conscience. Céline Fontaine anime un atelier appelé “raisonnement logique”. « On a des sachets de bonbons, il y en a six d’une sorte, tant de telle couleur… », dit l’un des sept participants. Et de formuler, sans s’en rendre compte, un parfait énoncé mathématique.
Les volontaires ont aussi accès à de nombreuses disciplines sportives et doivent s’investir dans des associations.
« Il n’y a pas de notes, pas de devoirs, il s’agit plus d’une remise à niveau. Le plus difficile étant de s’adapter à chacun, à chaque projet », rappelle le directeur. Pour identifier et lever les freins, « un travail interdisciplinaire » est réalisé avec plusieurs encadrants : des moniteurs, des formateurs d’enseignement général, de sport, des chargés d’accompagnement social, de relations entreprises, des infirmiers…
55 % de sorties débouchent sur une formation ou un emploi, le plus souvent en alternance. L’Epide ouvre d’ailleurs son carnet d’adresses pour trouver des stages. Ainsi Yacine a pu découvrir la manutention, le bâtiment et l’aéronautique. Ce dernier secteur lui plaît. Idem pour Mohamed : « Mon projet c’est d’être soudeur dans l’aéronautique (…) Je ne suis pas venu ici pour rien, je veux réussir quelque chose dans ma vie. »
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