Rendre l’hospitalisation des patients moins lourde, faire d’un établissement de soins un espace plus humain et utiliser l’art comme un outil de rééducation, c’est le pari relevé par le centre de réadaptation de Rangueil et l’artiste circassienne Christine Wagner.
Au rez-de-chaussée de l’hôpital Rangueil de Toulouse, une petite salle, dont la porte affiche fièrement ‘’Espace culturel’’, paraît incongrue dans une structure de soins. Pourtant, « depuis 2000, le CHU s’est doté d’une politique dynamique en la matière, inscrite dans le projet d’établissement », explique Christine Cuq, attachée culturelle au centre hospitalier. « Elle permet de faire le lien avec l’extérieur. »
Au milieu du fourmillement incessant des familles venues visiter un de leur proche, des patients attendant pour une consultation ou des médecins et autres infirmiers, cet espace semble hors du temps. Le climat aseptisé ambiant ne semble pas avoir d’emprise sur cette petite salle vide. Vide ? Pas tout à fait. À l’intérieur, 18 photographies noir et blanc ornent les murs.
Sur les clichés, des hommes et des femmes, plus ou moins jeunes. Certains rient, d’autres sourient ou encore paraissent très concentrés. Mais tous ont deux points communs : ils présentent des pathologies neurologiques cérébrales survenues suite à un accident ou à une maladie et ont accepté d’intégrer le groupe de rééducation transdisciplinaire (GRT) au centre de réadaptation de l’hôpital Rangueil.
Pendant six semaines, à raison d’une séance hebdomadaire, Christina Wagner, artiste circassienne de l’association Par Haz’Art, leur propose de participer à un atelier de cirque. « Tout commence par un échauffement, pour déverrouiller les corps. Puis on apprend à se connaître car je dois repérer les capacités ou incapacités de chacun », précise-t-elle. Pour les quatre ou cinq patients présents à chaque session, les exercices semblent à priori insurmontables : « ‘’On n’y arrivera jamais’’ a été ma première réflexion quand on m’a demandé de monter sur une chaise, de marcher sur une poutre ou de jongler avec une balle », témoigne Pierre*.
Car ce sont essentiellement des activités d’équilibre que propose Christina Wagner : « Je leur montre des photos. Ils en choisissent une, expliquent ce qu’elle représente pour eux. Et doivent s’en inspirer pour créer quelque chose, une posture, une série de mouvements, bref un numéro avec les objets du cirque mis à leur disposition. » Balles et assiettes de jonglerie, poutre, échelle d’équilibre…
« Et finalement, avec l’aide de nos soignants, on y arrive. Une vraie victoire qui nous incite à poursuivre nos efforts », lance Pierre. Et Jean-Claude* de rajouter : « Progressivement, on se sent redevenir un être normal. Mon corps en ses désirs s’opposait à mon esprit qui me bloquait jusque là en m’interdisant de refaire ce que je savais faire avant l’AVC. »
C’est à la bibliothèque que les échauffements ont lieu. Là, les patients du GRT s’entraînent, assistés de l’artiste circassienne, mais aussi de leur kinésithérapeute, de leur orthophoniste et de leur ergothérapeute. « L’équipe paramédicale est présente d’abord pour des raisons de sécurité car les handicaps sont lourds, mais également pour amorcer une nouvelle relation entre les patients et le personnel soignant », raconte Christina Wagner. Pour Paul*, c’est loin d’être un détail : « Constater que certains sont aussi malhabiles qu’un patient en rééducation dans la réalisation des exercices, contribue à redonner confiance en nous. »
Une assurance qui leur permet d’envisager une représentation publique de leurs prouesses. « Suite à un AVC du tronc cérébral, j’étais incapable de marcher à quatre pattes. Finalement, avec l’assistance des participants, j’ai progressé sur une poutre et suis monté sur une échelle », s’extasie Patrick*. Des exercices qu’il répète durant les séances et qu’il a proposés, avec ses acolytes du GRT, au spectacle de fin de cycle. Pendant une vingtaine de minutes, dans la bibliothèque de l’hôpital Rangueil, les patients ont présenté tour à tour leur numéro à leur famille et au personnel du service. « C’est très valorisant », s’enthousiasme Laurent*, soutenu par Amélie* : « C’est le côté ludique, le petit plus qui fait du bien au moral. »
Depuis quatre ans, Christine Wagner vient donc à Rangueil pour apporter de l’espoir à des patients qui pensent avoir perdu définitivement toute autonomie. « L’aspect artistique fait souvent sauter des blocages qu’ils peuvent avoir face à des approches thérapeutiques. Le but ultime étant qu’à travers les arts du cirque, ils retrouvent suffisamment confiance en eux pour s’autoconvaincre qu’une évolution est possible », affirme-t-elle. En témoignent les photographies réalisées par Régis Dang N’Guyen, jusqu’ici exposées à l’espace culturel de l’hôpital. Elles seront également visibles lors du festival Boudu la jongle, du 6 au 8 juillet prochain, à Gagnac-sur-Garonne.
* Les prénoms ont été changés
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