INTERROGATION (ÉCRITE). Redonner à l’école sa mission première qu’est celle de la transmission du savoir, en changeant la manière de concevoir l’éducation, la démarche pédagogique. Pour Alain Beitone, ancien professeur de sciences économiques et sociales, cette réflexion permettrait de réduire les inégalités scolaires.
Le débat fait rage depuis plus de 40 ans entre les conservateurs et les progressistes : comment faire en sorte que l’école offre les mêmes chances à tous, quel que soit le milieu social d’origine ? Et les multiples réponses que les gouvernements successifs ont tenté d’apporter se sont avérées peu efficaces, puisque le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) constate, dans son dernier rapport intitulé “Comment l’école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires”, « une nette baisse du niveau des élèves défavorisés, la France faisant partie des pays de l’OCDE où leur niveau diminue le plus entre 2003 et 2012 ».
Pourtant, Alain Beitone rassure : « Il n’existe aucune fatalité sociologique. Quel que soit le milieu d’origine, tous les élèves sont capables de comprendre les mêmes choses », explique cet ancien professeur de sciences économiques et sociale. Pour lui, il ne faut pas confondre l’égalité sociale et l’égalité d’intelligence. Ainsi, pour assurer l’égalité scolaire, et que tous aient les mêmes chances de réussite, l’école doit être conçue pour ceux qui n’ont qu’elle pour apprendre.
Afin d’y parvenir, le professeur de sciences économiques et sociales préconise un changement des démarches pédagogiques privilégiant le souci constant de l’explicite : « Il est indispensable que les enseignants précisent à leurs élèves les enjeux des savoirs qu’ils doivent acquérir, sinon ces derniers ne feront qu’exécuter une consigne sans intégrer la connaissance sous-jacente. » Par exemple, un écolier découpant et collant des triangles de plusieurs tailles s’appliquera à sa tâche sans savoir que l’objectif n’est pas de bien découper ou coller mais d’acquérir des notions de géométrie. « Si l’on veut que les connaissances soient réutilisées à bon escient, il faut que leur finalité soit comprise. Il convient donc de bien les expliquer en classe », précise Alain Beitone.
De même, il plébiscite l’arrêt du principe de compétition par la notation, du classement et des filières hiérarchisées, car l’enseignant se positionne « contre l’égalité des chances mais pour l’égalité des résultats ». Il s’explique : « Jusqu’à 16 ans (scolarité obligatoire, ndlr), le système scolaire ne doit pas “donner une chance” d’apprendre mais “doit” apprendre. L’école doit avoir pour objectif la réussite de 100 % des élèves, sinon c’est un échec. » Dans ce rapport à l’éducation, l’évaluation ne serait donc qu’une manière pour un enseignant de s’assurer de l’acquisition des notions et non un classement des élèves.
Acquisitions qui, pour Alain Beitone, doivent être exclusivement transmises par l’école. « C’est la mission de l’éducation nationale qui ne doit pas la sous-traiter aux parents d’élèves, car ils n’ont pas tous le même bagage scolaire », commente-t-il. D’autant que, selon la dernière étude Pisa de l’OCDE, « le manque de temps des parents ou d’aide de leur part pour les devoirs a une incidence plus marquée sur la performance des élèves défavorisés que sur celle de leurs pairs plus favorisés ».
Alain Beitone : Professeur de sciences économiques et sociales à la retraite, membre du Groupe de recherches sur la démocratisation scolaire (GRDS).
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