SIMPLIFICATION. L’éventail d’aides destiné aux jeunes est actuellement complexe et attribué au cas par cas. La sociologue spécialiste de la jeunesse Léa Lima propose donc leur remise à plat au profit d’une solidarité inconditionnelle.
Des revenus inégaux et parfois (très) faibles
Les jeunes ne sont pas égaux face à la précarité. C’est l’un des enseignements principaux que tire Léa Lima, sociologue-auteure de “Pauvres jeunes. Enquête au cœur de la politique sociale de la jeunesse”. Le constat est connu : la précarité touche davantage cette catégorie de la population pour plusieurs raisons. «En tant que nouveaux entrants sur le marché du travail, ils sont souvent soumis à des emplois plus précaires tels que des CDD, l’intérim, les temps partiels. Ils connaissent aussi des périodes de chômage plus fréquentes et, lorsqu’ils ont droit à des allocations touchent de fait de faibles sommes ».
Mais au-delà de ces facteurs conjoncturels, la sociologue estime également que c’est la façon dont sont conçus les dispositifs d’aides qui «organise l’insécurisation des revenus». En dessous de 25 ans, les jeunes sans aucune activité ne peuvent en effet pas prétendre au revenu de solidarité active (RSA). «Or, c’est le seul droit attaché à la personne» indique la sociologue. Cela veut dire que pour l’obtenir, il suffit aux plus de 25 ans de prouver l’absence de revenu et de ressources. Un conseiller de la caisse d’allocation familiale étudie un dossier selon des critères précis et sans qu’une rencontre avec le demandeur influence son choix. L’aide est ensuite renouvelable tant que sa situation ne s’est pas améliorée. «C’est également un droit opposable, en cas de refus de dossier injustifié, il est possible d’attaquer l’État pour discrimination».
A contrario, selon Léa Lima, les aides destinées aux jeunes ne sont «pas des droits à proprement parler. Elles sont individualisées, distribuées de façon plus discrétionnaire, au cas par cas». Elles sont en effet soumises à un examen de dossier, avec entretien, vérification des critères d’âge, d’absence de diplômes, conditionnées à l’inscription à une formation, à la présentation d’un projet professionnel…
Ces aides sont par ailleurs tributaires d’enveloppes budgétaires. « Quand l’enveloppe est épuisée, on ne la distribue plus. Alors que pour le RSA, les budgets sont revus à la hausse pour s’adapter à la demande ». Se basant sur les travaux des sociologues Cécile Van de Velde et Tom Chevalier, Léa Lima souligne enfin que le système d’aide français se base «sur un implicite de solidarité familiale. On aide les familles pour qu’elles aident leurs enfants, le problème c’est que ce soutien s’exerce différemment selon les milieux sociaux ».
Pour lutter contre les inégalités sociales, elle préconise donc une augmentation du montant des bourses et un accès massif au logement étudiant «cela permettrait aussi aux jeunes issus de milieux populaires d’étudier dans des conditions se rapprochant de ceux de classes moyennes et supérieures».
Et, devant la complexité des dispositifs actuels, il convient par ailleurs, selon elle, d’interroger « la pertinence d’une solidarité fondée sur la catégorie d’âge. Quelle différence y a-t-il entre un pauvre de 24 ans et un pauvre de 26 ans ?» lance-t-elle. Un premier pas passerait ainsi par l’universalisation du RSA. Une proposition d’ailleurs faite en avril 2016 par le député socialiste Christophe Sirugue.
Conseil économique, social et environnemental / Conseil d’analyse économique / Insee / JT
Dans le dossier de cette semaine :
Les solutions pour aider les jeunes en situation de précarité
Trois aides pour les jeunes en difficulté
Commentaires