TOP CHRONO. Les 13 et 14 juin dernier avaient lieu à Paris l’ultime étape de ‘’Ma thèse en 180 secondes’’. Un concours organisé par le CNRS et la Conférence des présidents d’université afin de rapprocher doctorants et grand public. Pour y assister, les meilleurs vulgarisateurs ont dû passer des sélections régionales. Retour sur la finale de Midi-Pyrénées.
« Il faut que tu regardes bien le public ! Et le micro sous le menton, ça n’est pas possible ! ». Sur la scène du théâtre Sorano, 18 doctorants de l’Université fédérale de Toulouse s’entrainent pour la finale Midi-Pyrénées du concours « Ma thèse en 180 secondes » qui se tient dans quelques heures. Ils suivent les directives de Matthieu Pouget, metteur en scène, comédien, chercheur et formateur. Ce soir, ils auront trois minutes pour présenter leur sujet de recherche devant un jury de professionnels et un public non averti. Si les règles du jeu paraissent simples, l’exercice ne l’est pas forcément pour des chercheurs qui passent en moyenne quatre années à travailler leur sujet. La contrainte est donc double : vulgariser mais aussi coller au chronomètre qui défile. « J’ai l’habitude de faire des présentations devant des pairs, mais pas devant le grand public », confie Delphine Miramont, participante et doctorante en droit de l’espace. En pleine répétition générale, les doctorants semblent prêts : mis à part un ou deux trous de mémoire, les textes fusent et les apprentis comédiens s’amusent. « Aujourd’hui, je stresse moins que ce que je pensais à l’idée de parler devant un public, j’espère surtout faire plaisir aux gens » confie Loïc Oger, un autre concurrent, ingénieur de recherche.
19 heures, le moment est venu de monter sur scène. La salle du théâtre Sorano affiche complet. La finale Midi-Pyrénées du concours débute. Tour à tour, les candidats passent sur scène, l’une mime une céréale avec un accent du sud pour parler de ‘’Traçage et efficience de l’utilisation de l’azote issu de produits biostimulants en application foliaire chez le blé dur : approche quantitative et qualitative du remplissage du grain’’. D’autres comparent une molécule d’hydrogène à Donald Trump, présentent un faux bulletin météo, ou font voyager les spectateurs dans le corps humain. Pas d’oubli, peu de balbutiements, leurs messages passent.
Pour en arriver à ce résultat, ces novices de la scène ont perfectionné leurs aptitudes en communication grâce à un accompagnement personnalisé. « On a vite été jeté dans le bain : dès notre première session de travail, les accompagnateurs nous ont donné 15 minutes pour résumer notre thèse. Ça aide à se débloquer ! » Lâche Loïc Oger. Le responsable formations et relations avec le secteur non académique à l’Université fédérale, Clément Varenne, explique que cette préparation commence par « l’écriture du discours scientifique ». Les participants apprennent ainsi à simplifier l’énoncé de leur thèse «tout en restant précis», à y ajouter des notes d’humour, ou à la replacer dans l’actualité. De quoi être compris par des spectateurs profanes.
Puis, dans un deuxième temps, ils s’attaquent à l’art de la mise en scène. Comme pour un véritable spectacle, les chercheurs s’appliquent à devenir comédiens. Placement de voix, mouvements, comment perdre ses tics de stress, rien n’est laissé au hasard pour attirer l’attention du public. Enfin, dernière étape de leur formation, ils sont mis en ‘’situation de jury’’. Lors de la demi-finale, ils ont dû eux-mêmes sélectionner les meilleurs parmi les 48 personnes inscrites au concours. « Cet exercice permet de leur faire comprendre que, même si les présentations sont excellentes, la différence peut se jouer sur un détail, une simple émotion », raconte Clément Varenne. Pour lui, il est clair que les participants ne sont plus les mêmes entre le début et la fin de l’expérience ‘’Ma thèse en 180 secondes’’ : « ils comprennent que leur travail a de la valeur et en ont une nouvelle vision, plus macroscopique, qui pourra leur servir plus tard lors de leurs entretiens d’embauche par exemple.»
Côté public ce soir-là, rires et applaudissements fusent. Mission accomplie pour ce concours qui vise à apporter de la visibilité à ceux qui se sentent parfois isolés par leurs contextes de travail et casse le cliché du chercheur rat de bibliothèque. « En participant, je voulais montrer que la recherche, ça n’est pas que des blouses blanches » explique Loïc Oger. À la sortie, les spectateurs confirment : les doctorants ont visé juste. « On a tout compris ! Finalement, même en 3 minutes, ils ont le temps de dire pas mal de choses. On visualise bien la complexité du sujet mais on n’en perd pas la qualité », commentent Camille et Mathilde. Plus loin, Marc Maher reprend ses esprits après son passage sur scène. « J’étais stressé mais maintenant je me sens soulagé. J’ai adoré l’expérience. Ça me donne envie de continuer et de faire plus de vulgarisation ». Ce doctorant spécialiste du cerveau réalise que cet exercice permet aux chercheurs de s’engager pour la défense des sciences mais aussi pour la culture des citoyens : « plus nous rendons l’information accessible, plus ils sont conscients de ce qui se passe et peuvent agir ».
Marine Mugnier
Exergue : « Aujourd’hui, je stresse moins que ce que je pensais à l’idée de parler devant un public. »
« Je voulais montrer que la recherche, ça n’est pas que des blouses blanches. »
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