Inconnu. Dimanche soir se joue le second tour de l’élection départementale… Qui sera vite suivi d’un troisième, plus confidentiel : le vote pour le président du département. A gauche, comme à droite, des favoris se dégagent. Qui va succéder à Pierre Izard ? Tour d’horizon.
Par Coralie Bombail et Thomas Simonian
A l’issue du premier tour, la Haute-Garonne semble confirmer son ancrage à gauche, contre toute attente… Bien sûr, rien n’est joué, mais les chances de voir la droite ravir le Conseil départemental sont désormais minces. Les ‘‘présidentiables’’ socialistes, peuvent donc se préparer en coulisses. Pour l’heure, deux personnalités semblent se positionner : Georges Méric, candidat sur le canton d’Escalquens, et Jean-Michel Fabre, candidat sur Toulouse 2. Un outsider, Jean-Jacques Mirassou, en tête sur Toulouse 9, pourrait cependant venir perturber les jeux. Tous trois sont des conseillers généraux sortants, et maîtrisent parfaitement les arcanes de l’institution. Tous trois sont en ballotage favorable pour le second tour. Il y aura donc pour la première fois depuis presque 30 ans, un réel choix qui s’offrira aux socialistes. Jusqu’à présent, Pierre Izard était seul candidat à sa succession. Au PS, l’élection du président se déroule en plusieurs temps. Dimanche soir, le dépôt des candidatures, lundi, les professions de foi, mardi le premier tour des élections par les militants socialiste et mercredi, si nécessaire le second tour. A l’issue de ce scrutin interne, le candidat choisi se présentera devant l’assemblée départementale, face au candidat de la droite. La majorité en place tranchera. En attendant, les candidats doivent prouver leur grande faculté de rassemblement, qualité première pour accéder au poste.
Georges Méric : Dans les couloirs du PS 31, il se profile comme le « favori des favoris ». Homme de dossier et d’expérience, ce conseiller général sortant sur le canton de Nailloux (élu depuis 1988) représente le milieu rural : « C’est un avantage pour lui, car il faut maintenir l’équilibre entre les territoires », nous souffle une source interne à la fédération. Son rôle en tant que Président de la sixième commission « équilibre, solidarité et développement des territoires », va également dans ce sens. Georges Méric, qui se définit lui-même comme un « insoumis », n’a pas hésité en son temps à contrer le président Pierre Izard, et même à annoncer publiquement sa candidature à la présidence. Il pourrait avoir la poigne pour diriger le département face à une métropole de droite dont les compétences doivent s’élargir… « Il a l’expérience et la sagesse pour une telle fonction. Il a de la hauteur et une vision équilibrée des territoires », confie Sébastien Vincini, premier secrétaire fédéral du PS 31. En interne, il va bénéficier de nombreux soutiens d’élus et de réseaux personnels. Au niveau des militants, il va pouvoir compter notamment sur le poids de la section de Toulouse 5, « drivée » par Henri Matéos, l’homme de l’ombre du PS. Cet ancien élu municipal de Pierre Cohen contrôle via ses relais d’autres sections toulousaines, ainsi que celles de Portet-sur-Garonne ou de Luchon. La campagne interne de Georges Méric a donc déjà commencé… Certains disent même qu’en cas de victoire, tout serait déjà bouclé pour la future organisation de l’exécutif départemental (cabinet, collaborateurs, présidence du groupe majoritaire etc).
Au premier tour, il devance largement ses adversaires de droite avec 38,24 % des voix, tandis que le binôme Hervé Boco / Chantal Gauthier réalise un score de 23,74%. Le FN est haut sur ce canton (21,70%) mais les candidats DVG et communistes totalisent près de 16% des voix.
Jean-Michel Fabre : D’un tempérament plus discret que Georges Méric, Jean-Michel Fabre est néanmoins un candidat sérieux à la présidence du département. Elu depuis 2004 au Conseil général, il a su se faire une place dans la scène politique toulousaine, sur son territoire (le canton 4) d’une part, mais aussi en tant qu’adjoint au maire de Pierre Cohen en charge de la démocratie locale et de la citoyenneté, sous la précédente municipalité. Il est en outre, président de l’OPH 31 (Office public d’habitat), qui gère les logements sociaux sur le département, ce qui ajoute à sa crédibilité. Le fait d’être un élu ‘‘urbain’’ pourrait jouer en sa défaveur car le PS semble plus enclin à choisir un président élu sur un canton rural pour faire face à la métropole toulousaine (qui représente 14 cantons sur 27). Mais des trois candidats potentiels, il est celui qui représente le mieux le renouveau, de par son nombre de mandats (moins nombreux que ses concurrents) et ses idées : « C’est un imaginatif. Il aime conceptualiser les choses, il est toujours dans la réflexion. Il est l’incarnation du citoyen participatif », nous croque Sébastien Vincini. Certains élus toulousains seront derrière lui, sachant qu’il incarne également la gauche du PS. Un certain nombre de militants seront sensibles à ses arguments à un moment de forte défiance envers le gouvernement. Son principal handicap : Un manque de préparation pour sa campagne interne. Il n’a pas forcément encore pointé ses soutiens même s’il a commencé à rencontrer certains courants.
Au premier tour, il a obtenu 33,85% des voix alors que ses adversaires de droite sont à 29,42% (Olivier Arsac et Ghislaine Delmond). Sur ce canton toulousain, le FN réalise un score de 14,15% mais les réserves de voix à gauche sont plus importantes avec les deux candidatures Alternative citoyenne (14,09%) et communiste (8,49%).
Jean-Jacques Mirassou : Baron de la politique locale, Jean-Jacques Mirassou a fait ses armes au Conseil municipal de Toulouse, dans l’opposition, face à Dominique Baudis, Philippe Douste-Blazy et Jean-luc Moudenc. En 2008, alors que Pierre Cohen l’emporte, il démissionne de son mandat municipal au profit de celui de sénateur. Mais il poursuit ses fonctions de conseiller général qu’il occupe depuis 1998. S’il a incontestablement l’expérience nécessaire pour présider la future assemblée départementale, Jean-Jacques Mirassou n’a pas été désigné par ses pairs socialistes pour se présenter aux dernières sénatoriales. Les militants lui ont préféré le maire de Tournefeuille Claude Raynal… Seront-ils enclin à voter pour lui la semaine prochaine ? A lui donner une nouvelle chance ? Rien n’est moins sûr car il ne semble pas avoir de fan-club auprès de la jeune pousse socialiste. Il va devoir être par ailleurs très vigilant au report des voix sur son canton…
Au premier tour, il est arrivé en tête avec 35,55% des voix face au binôme de la droite (Laurent Lesgourgues et Christine Genarro-Saint) qui réalise 29,38% des voix. Le FN passe la barre des 20% tandis que la candidature DVG est à 14,61%.
Les poulains de la droite en danger
L’Union de la droite et du centre sort affaiblie de ce premier tour. Alors que quatre noms circulaient pour la présidence du Conseil général, la question est aujourd’hui : ont-ils seulement une chance de gagner leur canton ? Jennifer Courtois, à Cazères, Arnaud Lafon à Castanet-Tolosan et Jean-Marc Dumoulin à Villemur-sur-Tarn et Michel Aujoulat à Tournefeuille, vont tous les quatre vivre un second tour très serré. Le scrutin de dimanche pourrait se charger de faire un premier tri entre ces quatre favoris. Et si ce n’est pas le cas, le choix va s’avérer plus compliqué qu’au PS : « Les socialistes décident seuls qui ils vont mettre à la présidence, tandis que nous sommes dans une union entre l’UMP, l’UDI, le Modem et les sans-étiquettes», explique Xavier Spanghero, secrétaire départemental adjoint de l’UMP 31. Si la droite est majoritaire dimanche, « nous allons devoir entamer une discussion avec toutes les composantes de l’union pour trouver un équilibre », poursuit-il. Mais pour l’heure, le problème n’est pas là…
(Encadré) Dans les coulisses de TLT
Mardi, TLT a enregistré en partenariat avec Le Nouveau Journal Toulousain, un débat d’entre-deux tours entre Vincent Gibert, candidat socialiste sur le canton Toulouse 8 et Jean-Louis Chavoillon, candidat UMP sur Toulouse 5. Les lendemains de premier tour sont souvent éreintants pour les candidats, mais malgré la fatigue de la campagne, ils se sont prêtés au jeu avec énergie. Arrivé largement en avance, accompagné de son remplaçant Jean-Claude Pellegrino, Jean-Louis Chavoillon, nous livre ses impressions, entre le maquillage et l’entrée en plateau : « Je me méfie toujours des effets d’annonce (qui donnaient la droite en tête du premier tour, ndlr), je suis pragmatique, j’attends la ligne d’arrivée », affirme-t-il avec une certaine assurance, « je suis curieux de savoir ce que vont voter les électeurs de la gauche alternative et les communistes ». Le report des voix est en effet dans tous les esprits. Chacun sait qu’il n’y a pas de règle systématique en la matière… Déjà, parce qu’il n’y a aucune consigne de vote précise, et surtout « parce que les électeurs sont libres, ils ne respectent plus les consignes de tels ou tels partis » lance le candidat UMP. Vincent Gibert arrive à peine un quart d’heure avant l’entrée en plateau. Dans sa sacoche, des tracts de sa campagne… et ceux de son adversaire, qu’il saura ressortir au moment opportun face caméra (pour dénoncer la municipalisation du scrutin par Jean-Luc Moudenc dont la photo est affichée sur tous les tracts de la droite). A la sortie du débat, il revient sur les chances du PS de gagner le département. Ce qui passera par convaincre les électeurs d’Alternative citoyenne : « Au niveau local, nous avons une base idéologique commune sur les questions de solidarité, d’éducation, de laïcité, donc on n’aura pas de mal à aller chercher ses électeurs », estime-t-il. Sans oublier l’électorat du FN, « qui est préoccupé par des problématiques du quotidien auxquelles nous pouvons apporter des réponses ». Si le PS part favori pour dimanche, dans certains cantons, chaque voix va compter « donc on remet la machine en route ! » conclut le socialiste prêt à mener, tout comme son adversaire du jour, la campagne jusqu’au bout.
(Encadré) L’œil de Jean-Marc Lucas
Le chef d’édition de TLT analyse ce premier tour :
Echec pour Moudenc ?
« Beaucoup d’analystes expliquent que Jean-Luc Moudenc n’a pas réussi sa stratégie de municipalisation du scrutin électoral. Je ne partage pas totalement cet avis … Il a tout de même repris le Capitole et la métropole alors que personne n’y croyait, après avoir été député suite à une campagne là aussi épique. Il faut peut-être lui laisser un peu de temps avant qu’il ne marque totalement son territoire. Il faut tout de même se souvenir que ce département est à gauche depuis 1945, et ce n’est donc pas du jour au lendemain que l’on peut faire tomber un tel système. Il ne faut jamais sous-estimer l’animal politique Moudenc, il rebondit en permanence. Il est en phase de conquête continue comme il l’avait déjà été en 2008 après avoir perdu le Capitole. Il avait su rebondir sans attendre.»
Izard, debout jusqu’au bout…
« Pierre Izard symbolisait sans doute aujourd’hui un chef en bout de course, avec une image de duc, d’homme autoritaire. Il n’empêche que c’est grâce au système qu’il a lui-même mis en place que la nouvelle génération socialiste va pouvoir conserver ce département. »
Les socialistes vont choisir leur Président…
« Faut-il un homme à poigne pour gérer une telle collectivité ? Je remarque que partout en France il y a souvent des personnalités avec un fort caractère à la tête des départements. Qui a donc la plus forte personnalité entre Georges Méric et Jean-Michel Fabre ? Je laisse les militants socialistes répondre à cette question, mais mon petit doigt me dit que les futurs élus ont déjà fait leur choix … Mais pourquoi pas non plus à terme imaginer une présidence tournante ? Il serait bien de ne pas renouveler l’expérience Izard, et ainsi ne pas repartir sur un Président « ad libitum » … C’est donc au Parti socialiste de réfléchir à cette question. »
Et les candidats de la droite ?
« Il y a eu des rumeurs sur certains noms tels Jennifer Courtois ou Arnaud Lafon, mais la droite n’a jamais assumé le fait d’avoir des leaders pour cette campagne. Georges Méric et Jean-Michel Fabre ont davantage assumé. C’était à mon avis une erreur de la droite car les journalistes aiment toujours savoir qui pourrait potentiellement être président … Je note tout de même qu’il y a eu à droite la volonté d’installer une nouvelle génération. »
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