Avec une communauté estimée à plus de 200 000 personnes en France, les survivalistes s’organisent pour affronter un changement majeur de nos modes de vie. Qui sont-ils ? Que redoutent-ils ? Que préconisent-ils ? Clément Champault, l’un des organisateurs de l’unique Salon du survivalisme en Europe qui aura lieu du 20 au 22 mars, à Paris-Porte de la Villette, revient sur les principes fondamentaux de ce mouvement.
© Jules MonnierClément Champault, qui sont les survivalistes ?
Essentiellement, ce sont des gens qui aspirent à être plus autonomes pour prévenir des risques. Ces derniers peuvent prendre plusieurs apparences allant de la catastrophe naturelle à long terme comme la montée des eaux, à la perte d’un emploi. Il s’agit de se préparer à un changement de situation en prenant ses distances avec un système. Un survivaliste sera attentif à chacun de ses besoins primaires, c’est-à-dire l’eau, l’alimentation, l’énergie, la santé et la sécurité pour produire ses propres ressources pour vivre, au cas où…
Au cas où quoi ?
A l’allure à laquelle nous dégradons notre planète, les problèmes s’annoncent colossaux à long terme. Je pense notamment à la surpopulation, la montée des eaux, la pollution de l’air, la détérioration des sols, la baisse des rendements agricoles… dus à l’extension des espaces urbains, à la déforestation, à l’utilisation massive des pesticides… Et j’en passe. Tout cela converge vers un potentiel collapse. Je ne le souhaite pas mais les faits sont là.
La philosophie des survivalistes est-elle donc basée sur la peur ?
Aujourd’hui, tout le monde peut constater la tournure que prennent les choses. Celui qui n’a pas peur devant tous ces risques est un inconscient. Penser que la technologie nous sauvera de toute façon est une utopie.
« Le survivaliste n’a pas peur, il est pragmatique et conscient des dangers »
Un survivaliste est-il alors forcément quelqu’un d’apeuré ?
Il n’a pas peur, il est plutôt pragmatique et conscient des dangers générés par la société dans laquelle nous vivons. C’est judicieux au vu des catastrophes qui se profilent et dont nous ne jaugeons pas encore l’ampleur. Beaucoup de monde estime encore que notre civilisation thermo-industrielle va bien tant que nous avons de la lumière quand nous appuyons sur l’interrupteur ou de l’eau lorsque nous ouvrons le robinet. Mais tout cela est plus fragile qu’il n’y paraît. Car, comme l’explique l’astrophysicien Aurélien Barrau, nous sommes embarqués dans une voiture qui fonce à toute vitesse vers un ravin et contrairement à ce que beaucoup pensent, nous n’avons plus le temps de freiner. Nous sommes en réalité déjà en train de tomber. Donc les efforts qui pourraient être consentis sont déjà inutiles.
C’est la théorie de l’effondrement ?
Beaucoup de survivalistes la partage en effet. En revanche, ils ne la souhaitent pas. Simplement, ils ne voient pas d’autres issues. Pour les survivalistes, même si chacun y va de son petit effort à son échelle, il restera toujours trois milliards d’habitants qui continueront à polluer et à consommer sans limite. Il faudra donc un collapse pour changer les choses drastiquement.
Quelles sont alors leurs modèles de résilience ? Comment se préparent-ils à l’après ?
En garantissant plus d’autonomie. Alimentaire d’abord : au lieu d’aller faire les courses au supermarché, les survivalistes cherchent à produire par eux-mêmes ce qu’ils ont besoin au travers de méthodes comme l’aquaponie ou l’hydroponie. Énergétique ensuite, via des panneaux solaires, des hydroliennes ou des éoliennes…, des systèmes de récupération d’eaux de pluie et de citernes pour la conserver ou encore de puits. C’est au travers d’un réel mode de vie, plus respectueux de l’environnement, que les survivalistes prônent cette indépendance envers un système qu’ils estiment à bout de souffle.
« Casser l’image de l’hurluberlu surarmé qui aménage un bunker au fond de son jardin »
Il existe également des stages de survie souvent proposés au sein de la large communauté des survivalistes. En quoi consistent-il ?
Ils se positionnent généralement à mi-chemin entre le bushcraft (art de vivre dans les bois, ndlr) et la randonnée. Les principes du survivalisme y sont poussés à l’extrême, toujours dans un objectif de pouvoir se débrouiller seul, dans des conditions difficiles. Ces stages intéressent également les passionnés de trekking. Car au-delà d’une mouvance, il s’agit d’un mode vie écologiste. Certains survivalistes aspirent à réduire leur empreinte sur la planète quand d’autres se préparent à un cataclysme. Dans les deux cas, ils emploieront les mêmes outils.
Ces outils se retrouvent tous au Salon du survivalisme que vous co-organisez en mars prochain. Pourquoi un tel événement ?
Je pense que ce mode de vie doit être promu au vu de la situation climatique et de la façon dont évolue notre société. La prévention des risques, la préservation de l’environnement et l’autonomie sont des notions salvatrices.
Le Salon du survivalisme permet également de casser l’image caricaturale de l’hurluberlu surarmé qui aménage un bunker au fond de son jardin. Ceux-là existent notamment aux États-Unis. En France, le mouvement s’apparente plus à de l’écologie. Au final, même si l’objectif est le même, à savoir la prévention des risques, ce sont deux pratiques très différentes.
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