PARADE. Brice Torrecillas, professeur de lettres et journaliste qui vit à Saint-Orens, publie aux éditions du Rocher son quatrième roman. Dans Ceux qui s’aiment, l’auteur s’interroge sur les mystères impénétrables d’un amour qui dure depuis plus de trente ans. Et si les scènes de ménage étaient autant de rituels qui soudent un couple ? – Nicolas Belaubre
© Franck AlixLe narrateur et Hélène, son épouse, se sont déchirés avec entrain. Depuis 33 ans, ils s’aiment en force. Comme deux pièces d’un puzzle qu’il est indispensable d’accommoder, parfois avec violence, pour les faire coïncider. Or, ce couple sur lequel personne n’aurait parié dure encore. Un jour, après un énième et insignifiant coup de téléphone de sa femme, l’auteur de ce roman prend conscience du caractère miraculeux de cette longévité. Il entreprend alors un minutieux travail d’analyse des conditions qui ont permis à ce couple, pourtant commun, de résister aux disputes, à la routine de la vie quotidienne et aux liaisons adultères. Dans un style clair et ponctué de réflexions frappantes, manifestant un art consommé de la formule, Brice Torrecillas nous promène avec une sincérité désarmante dans le jardin secret de ses protagonistes, de leur rencontre sur les bancs de l’université à l’orée de la vieillesse.
Difficile de ne pas faire le parallèle entre l’auteur et son personnage que l’on découvre, dès la première page, en train d’écrire face à son ordinateur. À la question du caractère autobiographique de son œuvre, Brice Torrecillas répond par une pirouette : « Bien malin qui saurait démêler le vrai du faux. » Si l’essentiel s’avère véridique, le récit est un subtil mélange entre sa propre vie, des éléments glanés à gauche et à droite par l’observation des couples qui l’entourent et les fruits de l’imagination du romancier. « J’avoue que ce petit jeu me fait assez sourire. Même des personnes assez proches se sont trompées sur la véracité de certaines anecdotes. » Toutefois, dévoiler ainsi son intimité, pas toujours glorieuse, n’est pas un exercice facile. « Même si ce n’est pas évident, je n’ai jamais douté. Quand on s’engage soi-même, et à plus forte raison quelqu’un d’autre, la question des limites se pose. Mais j’avais une véritable foi en l’amour qui ne m’a jamais quitté. Je voulais faire un hymne dédié à celle qui partage ma vie depuis 35 ans », affirme l’auteur.
Loin du manuel de la vie conjugale, Ceux qui s’aiment se veut un éloge romantique et lucide des couples au long cours. « Les amours qui durent sont un bras d’honneur aux valeurs artificielles de notre époque dominée par le jetable, le matériel et le superficiel. Je souhaitais montrer que partager sa vie avec la même personne est une véritable aventure, avec de bons et de mauvais côtés», défend le romancier. Et si ces histoires se déroulent entre une pile de vaisselle sale et de linge à repasser, elles ne sont pas pour autant dénuées d’un caractère dramatique. « C’est fou toutes les femmes qu’on tue dans la femme qu’on aime », s’étonne d’ailleurs le narrateur après un accès brutal d’indifférence envers sa compagne. « Je n’ai pas de leçons à donner. Je constate seulement que les gens croient trop souvent que l’amour ne souffre d’aucun compromis et d’aucune entaille. Mais il faut parfois savoir serrer les dents ou gueuler un coup », se défend Brice Torrecillas.
Professeur et journaliste indépendant, animateur de l’émission télévisée Au pied de la lettre consacrée à la langue française, Brice Torrecillas a déjà publié trois romans (La Confession, De parfaits inconnus, L’Ombre et le fard), un récit (Collioure, la Mémoire de la mer), ainsi que plusieurs nouvelles.
Commentaires