Mobilisés contre la sous-traitance de nouvelles lignes de bus, des agents de Tisséo craignent une privatisation progressive du réseau. Le point sur la situation.
Après une distribution de tracts le 16 septembre dernier, un mouvement de grève a débuté ce lundi 4 octobre au sein du personnel de Tisséo. À l’appel de la CGT et de la Fédération nationale des conducteurs routiers (FNCR), cette mobilisation prévue pour durer jusqu’à la fin de la semaine entraîne de fortes perturbations sur le réseau. Les grévistes s’opposent au recours à la sous-traitance de certaines lignes de bus Tisséo prévue pour septembre 2022. Une annonce faite par le directeur général de Tisséo Voyageurs Thierry Wischnewski, lors du dernier Comité économique et social.
Depuis 2016, une trentaine de lignes ont déjà été confiées à des sociétés privés. Cette nouvelle salve fait craindre aux syndicats un démantèlement progressif du réseau. “Il faut stopper cette frénésie libérale. En fonction de leur lieu d’habitation, les Toulousains n’auront plus le même opérateur de transport ni la même qualité de service”, assure Stéphane Chapuis, secrétaire général de la CGT chez Tisséo. Alors que sept nouvelles lignes de bus Tisséo étaient concernées par un passage en sous-traitance en septembre 2022, elles ne seront au final que cinq : la 26, la 53, la 69, la 80 et la 152.
“Nous avons réduit de deux après des discussions avec les syndicats”, indique en effet Thierry Wischniewski. Des discussions qui ont visiblement laissé des traces au sein de l’unité syndicale affichée lors de la distribution de tracts du 16 septembre puisque la CFDT et SUD n’ont pas signé le préavis de grève en cours. Une “trahison” pour la CGT qui soupçonne Thierry Wischniewski d’avoir noué des arrangements afin de “diviser pour mieux régner”.
De son côté, le directeur général justifie cette réorganisation de l’offre en 2022 par l’arrivée des deux nouvelles lignes Linéo 10 et 11 mais aussi par le début des travaux de la troisième ligne de métro ainsi que la probable fermeture de la rue de Metz. “Nous sortons de deux ans de difficulté de recettes avec une perte évaluée à 40 millions d’euros. Ces projets de sous-traitance étaient dans les cartons de Tisséo, ils ne concernent que des lignes à faible fréquentation. Avec la croissance du réseau – trois nouvelles Linéo sont prévues en 2024 – la réflexion est permanente sur la gestion saine de l’entreprise. Il s’agit de réaffecter une offre secondaire à moindre coût”, explique Thierry Wischniewski.
Pour la CGT, l’objectif de l’opération est clair : faire des économies pour financer la pharaonique troisième ligne de métro. “Petit à petit, toutes les lignes de périphérie vont être sous-traitées afin de ne garder que ce que la direction appelle le “réseau structurant”, c’est à dire les Linéo, quelques lignes de bus urbaines intra-muros, le métro, le tram et le téléphérique”, avance Stéphane Chapuis. Une “privatisation rampante” qui s’accompagnerait selon le représentant syndical de licenciements déguisés sous la forme de non-renouvellement de départ à la retraite. Ce que réfute catégoriquement Thierry Wischniewski : “il n’y aura pas de licenciement, nous nous y sommes pris suffisamment à l’avance pour permettre aux agents de se positionner sur les lignes qui les intéressent en vue d’une réaffectation”, affirme-t-il.
Autres difficultés pointées du doigt par les syndicats : le recours grandissant à la sous-traitance entraînerait, à terme, non seulement la fragilisation du statut et des conditions de travail des conducteurs mais aussi la baisse de la qualité de service pour les usagers. “Les sociétés privés ne sont pas régulées comme nous pouvons l’être, la maintenance n’est pas la même…Elles n’ont pas les moyens humains, techniques et financiers pour assurer la même qualité de service public”, estime Stéphane Chapuis.
Inquiétudes une nouvelle fois balayées par le directeur général de Tisséo Voyageurs. Celui-ci indique, par ailleurs, que les entreprises auxquelles ont été confiées les lignes achèteront elle-même des véhicules neufs qui seront habillés exactement comme les derniers bus acquis par Tisséo. “Les voyageurs ne feront pas la différence”, promet-il. Enfin, en réponse aux craintes de privatisation progressive du réseau, Thierry Wischniewski fait remarquer qu’après le passage en sous-traitance des cinq nouvelles lignes, 24% du réseau Tisséo sera au total confié à des opérateurs privés. “Nous sommes dans la moyenne des grandes métropoles, voire en dessous par en dessous par rapport à certaines”, indique-t-il.
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